Nouadhibou, la Zone Franche – où plus précisément son président – est au cœur d’une polémique qui bat son plein depuis deux semaines autour de la construction d’une salle de prière avec des enjeux apparemment strictement personnels. D’après ce qu’on raconte mais aussi, ce que l’on constate en venant sur les lieux, il pourrait bien s’agir de cette anecdote qui dit chez nous : el vog, el vog msiid, w tah’t, etah’t boutig » (littéralement : visiblement, c’est une mosquée mais elle cache, réellement l’appât du gain).
Une précision d’abord : les riverains disent ne pas être contre la construction d’une salle de prière sur un site qui sert, depuis plus de vingt ans, à un lieu de prière, même s’il n’est fréquenté que par une dizaine de personnes n’habitant pas dans son environnement immédiat, mais ils s’insurgent contre le déplacement, vers le sud, de cette baraque pour dégager le nord de la place publique qui se trouve être proche de la maison de la tante du président de la zone franche et d’une concession de près de 1000 m2 achetée par son cousin, et destinée, semble-t-il, à servir à un usage commercial ! Ils dénoncent surtout l’opacité qui entoure une opération qui, dans son ensemble, semble être une transgression de la loi, aucun document sérieux (autorisation, plan de situation) n’ayant été produit pour justifier ce qui est en train d’être fait, selon la volonté du Président de la Zone franche de Nouadhibou, et sous la protection de la police. Car, même s’il est établi que l’attribution du domaine de la zone franche relève, désormais, de l’autorité de celle-ci, il faut bien qu’elle fonde ce que fait son président sur des documents AUTHENTIQUES, pas ceux qui circulent et dont la falsification ne résiste pas à un simple examen !
Objectivement aussi, l’avis du ministère des affaires islamiques et de l’enseignement originel aurait dû être pris, en fonction de la loi qui stipule qu’entre deux mosquées, une distance de 200 mètres devrait être respectée. La distance entre la baraque posée là, en 2008, dans le cadre de l’extension de la ville, et la mosquée « Ridwan » pouvant accueillir entre 3000 à 4000 fidèles, est d’environ 60 m, et elle est de 150 m de la mosquée « Nour » !
L’autorisation dont il est question daterait du temps où Abdi Ould Horma était wali de Dakhlet-Nouadhibou – qui y sursoit par la suite pour faire taire les protestations des riverains. C’est cette « autorisation », hors temps et hors contexte, qui va resurgir, avec un fort soupçon de falsification, pour servir la volonté du président de la zone franche dont le sceau frappe un document produit bien avant la création de la ZFN, en janvier 2013 !
Ce qui étonne dans cette affaire où le crédit de l’Etat est engagé - le président de la ZF étant vu par beaucoup comme l’Autorité, reléguant au second plan celles des autres (wali, hakem, maire) pourtant tout aussi importantes dans la gestion quotidienne de la cité - est qu’on présente la construction de ce lieu de prière comme une question de vie ou de mort (de prestige du pouvoir, disent certains qui prennent le parti du président de la ZF), qui aurait porté, on ne sait sous quelle forme, l’affaire jusqu’au Dircab de la Présidence de la République ! S’il est prouvé que le président de la Zone franche continue dans cette voie parce qu’il a l’appui du directeur de cabinet du président de la République, celui-ci a-t-il été bien informé de la vraie nature du conflit ?
D’aucuns parlent d’une transfiguration des faits, en les présentant comme « l’opposition de certains à la construction, par un « mécène » (le président de la ZF ?), d’une salle de prière au profit de citoyens d’une communauté « à protéger » !!! Un non sens, protestent les riverains de la place publique à enjeux contradictoires. Ils accusent le président de la Zone franche d’avoir recouru à ce « montage », poussant certains de ses sbires à faire venir des personnes d’autres zones pour donner une tournure pareille à cette question.
Ce qui choque certains, ce sont ces agissements, pris au nom de « l’autorité de l’État », alors qu’il s’agit d’une transgression de la loi – et probablement de falsification de documents officiels - par un président de la zone franche doté de pouvoirs excessifs. Une situation que dénoncent les habitants qui demandent au président de la République de revoir une telle situation qui, dans un contexte autre (celui où le président Aziz avait sa propre vue d’une zone franche), l’on a affaibli l’administration locale (wali, Hakem, maire), en leur ôtant l’essentiel de leurs prérogatives, pour les mettre entre les mains d’un président de la Zone franche qui agit comme s’il était le président d’une région où il est le seul à avoir un mot à dire.
Après avoir épuisé tous les recours (lettre adressée au président de la zone franche, le 2 février, tentative de prise de rendez-vous avec celui-ci, prise de contact avec le maire, lettre adressée au wali, le 16 février et, finalement, dépôt d’une plainte auprès de la justice pour falsification de documents), les riverains sont maintenant persuadés que seul Monsieur le président de la République peut stopper ce qui ne semble venir que de la volonté du président de la zone franche de « libérer » l’espace devant les lots 244 et 245 de son cousin et 278, maison de sa tante, quitte à porter préjudice aux autres ! Une façon de dire, ici, à Nouadhibou, je suis chez moi, et c’est moi le Chef !
Mohamed Ould Brahim