De 6 pays à son lancement en 2015 sur financement de la Banque Mondiale, le projet SWEDD dans sa deuxième phase (2020-2024) s’étend à 13 pays, débordant de l’Afrique de l’Ouest vers l’Afrique Centrale. Un dynamisme, signe de performance dans l’autonomisation des femmes et le dividende démographique, que les ministre membres du Comité Régional de Pilotage (CRP) ont salué à l’issue de la 6ème réunion qui s’est tenue jeudi 24 mars 2022 à Nouakchott.
La Mauritanie a accueilli jeudi 24 mars 2022, la 6ème réunion en présentielle du Comité Régional de Pilotage (CRP) du projet Autonomisation des Femmes et Dividende Démographique au Sahel (SWEDD). En 2021, la 5ème réunion tenue à Nouakchott, et au cours de laquelle la présidence du CRP est passée de la Côte d’Ivoire à la Mauritanie, en la personne du Ministre des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs, M. Kane Ousmane Mamoudou, s’était déroulée virtuellement.
Cette 6ème réunion est intervenue dans un contexte d’élargissement et de mise à l’échelle du projet SWEDD en tant que modèle de développement et de réduction des inégalités de genre.
A rappeler que la Mauritanie a été parmi les premiers pays SWEDD à valider son dossier pour le passage à la Phase 2 du projet. L’évènement a été célébré le 7 juin 2021 à Kaédi, en présence de la Première Dame, Dr. Marième Fadel Dah.
A Nouakchott, les ministres tablent sur les avancées et les défis
Les ministres des pays membres du SWEDD (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) et les pays candidats à l’adhésion (Congo, Gambie, Sénégal, Togo), les partenaires techniques et financiers, ainsi que les organisations régionales sont entrés en conclave après l’ouverture officielle.
L’objectif était d’entériner le bilan 2021 du projet, valider les principaux axes de la planification 2022, dégager les perspectives de renforcement des partenariats pour l’extension du projet et positionner les thématiques d’autonomisation des femmes, notamment le maintien des filles à l’école.
Les dossiers de cette 6ème réunion ont été préparés au cours d’une rencontre de deux jours, les 21 et 22 mars 2022 à Nouakchott, par les Coordonnateurs du projet SWEDD et les chargés de suivi-évaluation, en présence des partenaires techniques et financiers.
Des résultats encourageants en 2021
Parmi les éléments de bilan tirés par les ministres du SWEDD lors de leur conclave à Nouakchott, des avancées considérables en 2021, en particulier la mise en œuvre du projet sur le plan de la gouvernance, malgré les contraintes liées à la pandémie Covid-19.
Satisfecit aussi dans la mise en œuvre des stratégies de communication pour le changement social de comportement qui ont permis de toucher plus de 463 millions de personnes, ainsi que les actions de mobilisation sociale menées dans les 9 pays membres.
Les membres du CRP et leurs partenaires ont aussi salué les interventions communautaires pour l’autonomisation des femmes et leur mise à l’échelle, ce qui a permis de créer 585 nouveaux espaces sûrs communautaires et scolaires, portant le nombre total d’espaces sûrs créés jusque-là à 3664.
Le nombre de clubs de maris et de futurs maris a connu aussi un accroissement substantiel, leur nombre ayant passé de 1428 en 2020, à 1608 en 2021.
La disponibilité des produits et du personnel qualifié a été assurée, avec des améliorations et un renforcement des offres de service de santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale. Ainsi, la rupture des stocks en produits contraceptifs a été éliminée dans 97% des structures de santé.
Le projet SWED a aussi soutenu 48 réseaux de leaders en milieu communautaire et traditionnel, mais aussi chez les jeunes et les communicateurs. Il a aussi permis la mise en place de 6 observatoires nationaux du dividende démographique, dont certains ont commencé à générer d’importantes données touchant les thématiques du projet, comme l’autonomisation des femmes et la numérisation des travaux domestiques (le travail de la femme au foyer).
Ainsi, la 6ème réunion du CRP SWEDD à Nouakchott visait à offrir une plateforme d’échanges entre les pays membres et les partenaires, réaffirmer la valeur ajoutée des interventions transfrontalières pour la lutte contre la vulnérabilité des femmes et des filles. Elle tenait aussi à évaluer le positionnement des thématiques d’autonomisation des femmes, échanger sur les perspectives d’extension du projet à de nouveaux pays et les opportunités d’échanges avec les organisations régionales, telles que l’Union Africaine, la Commission Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Commission Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC).
La Phase 2 du projet SWEDD, avec un financement additionnel de 376 millions de dollars U.S pour la période 2020-2024, a connu des adhésions de taille. En 2015, la Phase 1 du projet, doté d’un financement de 304 millions de dollars regroupait 6 pays (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), avant de s’élargir au Bénin. La deuxième phase connaîtra l’adhésion du Cameroun et de la Guinée en 2020, portant le nombre de pays membres de 6 à 9. Aujourd’hui, quatre pays sont dans un processus d’adhésion. Il s’agit du Congo, de la Gambie, du Sénégal et du Togo, ce qui portera à 13 le nombre des pays membres du projet SWEDD.
Au début, l’ouverture officielle et l’échange de discours
L’ouverture officielle de la 6ème réunion du CRP SWEDD dans un Palais des Congrès archi-comble a été rehaussée par la présence du Premier Ministre, M. Mohamed Ould Bilal Messaoud, en présence de quelques membres du gouvernement et les représentants des autres Etats membres, dont plusieurs ministres. Etaient également présents les partenaires techniques et financiers, la Banque Mondiale, le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS), l’Agence Française de Développement (AFD) et les organisations régionales (Union Africaine, CEDEAO et CEEAC).
Ouvrant les travaux de la réunion, M. Kane Ousmane Mamoudou, ministre des Affaires Economiques et président en exercice du CRP, avait déclaré que « le projet SWEDD a démontré, à travers une approche multisectorielle et une dimension régionale, qu’il s’érige en un bel exemple d’intégration régionale ». Selon lui, « la Mauritanie, en tant que pays assurant la présidence du CRP SWEDD, mettra tout en œuvre pour soutenir toute initiative visant à renforcer et à élargir le partenariat, mais aussi la collaboration interétatique et transfrontalière au profit de l’autonomisation des femmes et de la jeune fille, pilier central de la capture du dividende démographique et du développement durable ».
Auparavant, le Directeur général de l’OOAS, Pr. Stanley Okolo, avait mis en exergue les progrès réalisés et leur impact sur le dividende démographique dans les pays SWEDD, avec des exemples de réussite probants. Il a dit la disponibilité de son institution à accompagner les Etats membres de cet ensemble régional, notamment dans l’amélioration du contrôle qualité des médicaments et l’appui aux centres d’excellence mentorat.
Quant à Mme Kapinga Yvette NGandu, Commisssaire à la CEEAC, elle a exprimé l’intérêt grandissant des pays d’Afrique Central à l’égard du projet SWEDD en ce que ses objectifs recoupent leurs préoccupations, par exemple en matière d’autonomisation des femmes, de maintien des filles à l’école et de lutte contre des pratiques néfastes comme le mariage des enfants. Elle a évoqué dans ce cadre le Plan stratégique de la CEEAC (2021-2027) sur la politique genre et la promotion des femmes. Elle a relevé les défis auxquels font face les pays de la région, comme les violences basées sur le genre, les pesanteurs socioculturelles et l’impact du Covid-19, autant d’éléments, selon elle, qui milite en faveur d’une adhésion au projet SWEDD. A noter que trois pays d’Afrique Centrale sont déjà membre de cet ensemble régional, Tchad, Cameroun et Congo.
Mme Marième Cissé de la Commission de l’Union Africaine a pour sa part rappelé les dispositions de l’Agenda 2063 de l’Union africaine qui place selon elle la femme au cœur de ses politiques, mais aussi le Protocole de Maputo sur la femme et l’Initiative Saleema sur l’accélération de l’élimination des mutilations génitales féminines (MGF). « En Afrique, 15 millions de filles sont confrontées aux trois risques majeurs, la grossesse précoce, le mariage précoce et l’abandon scolaire » a-t-elle déclaré. Elle a mis l’accent sur l’amélioration de l’accès aux services de santé sexuelle reproductive et l’accélération de la mise en œuvre des dernières recommandations de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) de Nairobi.
La Directrice Régionale de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre (WCARO), Mme Argentina Matavel, dont l’institution est l’un des principaux partenaires techniques du SWEDD, à travers son Secrétariat Technique Régional (STR), s’est réjoui de l’extension du projet à d’autres pays au cours de sa deuxième phase, ce qui confirme selon elle, le succès de ces approches de développement. Le chemin est encore long, reconnaît-elle en substance, mettant l’accent sur le renforcement du pouvoir économique des femmes et des filles pour lutter contre leur situation de vulnérabilité. Elle a enfin relevé la convergence des objectifs visés par l’UNFPA et le projet SWEDD, à travers notamment les Trois Zéros Transformateurs, à savoir zéro décès évitable, zéro besoin non satisfait en matière de planification familiale et zéro violence basée sur le genre.
De son côté, Mme Bouzeima de la Banque Mondiale a rappelé qu’en 2100, l’Afrique comptera 4 Milliards d’habitants, tirant la sonnette d’alarme sur le taux d’accroissement spectaculaire de la population et son impact sur la pauvreté et la vulnérabilité, notamment celle des femmes et des adolescentes. Ce constat doit selon elle conduire à un accroissement des investissements dans le capital humain, notamment le développement du potentiel des jeunes filles, évoquant au passage l’impact des changements démographiques sur l’environnement climatique.
Cheikh Aïdara
TEMOIGNAGES
Mme Argentina Matavel Piccin, Directrice Régionale de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre
« Au moment où on a eu l’expansion de 6 pays à 9, et encore plus récemment, d’autres pays ont rejoint le SWEDD, le constat est que ces pays ont vu des progrès intéressants réalisés dans cet ensemble en termes d’accélération dans l’autonomisation de la femme et de la jeune fille. C’est le désir de tous les pays de l’Afrique, parce que les objectifs visés se trouvent dans l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, d’où cet engouement de plus en plus nombreux de pays qui cherchent à rejoindre le SWEDD. La plupart des pays prennent des prêts, même auprès de la Banque Mondiale, pour pouvoir implémenter ce projet. Cela montre l’importance qu’ils accordent à la promotion et à l’autonomisation de la femme et de la jeune fille. Sans un intérêt pour cette frange qui constitue la moitié de la population, notamment la jeune fille qui représente la génération de demain, nul développement n’est possible. Il faut impérativement scolariser la jeune fille, reculer l’âge du premier mariage et lui éviter toute grossesse précoce. »
Mme Kapinga Yvette Ngandu, Commissaire Chargée de la Promotion du Genre, Développement Humain et Social à la CEEAC
« Nous avons 11 Etats membres de la CEEAC et l’idée de ma participation à cette réunion de Nouakchott est de consolider le travail qui est déjà accompli dans notre région géographique, notamment dans le domaine de l’autonomisation et la réduction de la vulnérabilité économique de la femme. Nous avons déjà au niveau de la CEEAC une politique Genre qui porte déjà sur ce principe. Il faut dire que de façon timide, nos Etats membres ont évolué vers la mise en œuvre de cet engagement qu’ils ont pris eux-mêmes en 2019. Nous sommes heureux néanmoins de constater qu’il y a 3 Etats membres du CEEAC qui ont déjà adhéré au SWEDD (Tchad, Cameroun et Congo) et qui se trouvent de fait doublement engagés à faire avancer les aspirations qui sont contenues dans ce programme ».
Mme Bouzeima, Banque Mondiale
« L’adhésion au SWEDD découle d’abord de la volonté des pays de participer à ce projet. Le processus repose donc sur l’appropriation des priorités qui étaient déjà portées dans le SWEDD 1. Nous n’avons pas réellement de cible et tout vient des discussions que nous avons avec les pays. Dans le cadre de l’IDA 20, la problématique sur le genre est une priorité et le projet SWEDD est un projet ancré dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Les pays peuvent exprimer leur volonté de participer. L’un des succès de ce projet est qu’il y a beaucoup plus d’intérêt au-delà de l’Afrique de l’Ouest. Nous sommes en train de monter un projet similaire sur l’Afrique de l’Est. La question est de se demander quelle est la priorité pour ces pays, vu qu’il y a un processus de discussion et des ressources disponibles. A priori, tous les pays sont éligibles et c’est un réel plaisir de travailler avec tous les pays qui le souhaitent ».