Après quatre ans de mise en œuvre par le BIT et ses partenaires, 2020-2024, le projet « Vellahine » financé par le Trésor américain à hauteur de 900.000 dollars U.S, a été clos. Sauf bonnes dispositions du bailleur, ces actions restantes risquent de ne pas aboutir, laissant quelques regrets. Les résultats de l’évaluation du projet ont été présentés lors d’un atelier de restitution qui s’est déroulé à Kiffa, le 29 juillet 2025.
Kiffa a abrité le 29 juillet 2025, l’atelier de restitution des résultats d’évaluation du projet « Vellahine » intitulé « Mobilisation des communautés pour lutter contre l’esclavage et les discriminations fondées sur l’esclavage en Mauritanie ».
Ce projet vise à combattre l’esclavage par ascendance, les pratiques assimilées et les formes connexes de discrimination et d’exclusion sociale, par la promotion de l’autonomisation sociale et économique des victimes et de leurs descendances. Il a ciblé les deux Hodhs, l’Assaba, le Brakna et le Gorgol. Il s’est inspiré de l’expérience de libération des Adwabas sans terre de l’Aftout durant la période 70-80 et qui avait permis aux communautés asservies de triompher de l’ordre féodal. C’est cette expérience que le projet « Vellahine » a valorisé pour inspirer d’autres communautés sur les voies de l’auto-émancipation.
Les résultats du projet
L’experte en évaluation, Oumoul Khairy Bâ, dont la méthodologie par l’approche participative avait permis de collecter des données de terrain issues des entretiens avec toutes les parties prenantes, a dégagé trois grands résultats. Premièrement, le renforcement de capacité des organisations de lutte contre l’esclavage, comme SOS Esclaves et le Syndicat des Agriculteurs de Mauritanie (SAM), deux partenaires de mise en œuvre du projet. Les autres résultats sont l’accès des victimes à la justice, à la protection sociale, notamment l’accès à la santé par le biais de la CNASS, l’accès à l’état-civil et aux opportunités socioéconomiques, comme le financement accordé à plus d’une vingtaine de coopératives féminines regroupant plus de mille femmes.
Le projet a permis surtout l’implantation de SAM sur le territoire national et le financement de son premier congrès à Nouakchott, à l’heure où le syndicat avec des moyens quasi nuls, peinait à couvrir une seule région.
Les participants enrichissent le rapport
Au cours des débats qui ont suivi l’exposé de l’experte Oumoul Khairy Bâ, les participants venus de plusieurs régions, Hodh Charghi (Néma), Hodh Gharbi (Kobeni), Assaba (Kiffa et Kankossa), Gorgol (Mbout), Brakna (Maghta-Lahjar, Bourat, Bassinguidi), ont enrichi le document par leurs recommandations.
L’accent a été surtout mis sur quelques regrets, à la fin de ce projet, notamment l’insuffisance des séances de formation dispensées au profit des paysans membres de SAM sur les techniques culturales nouvelles ainsi que sur les appuis en produits et matériels agricoles.
Hormis les remerciements à l’égard du BIT qui a permis l’adhésion de 600 familles de SAM à la CNASS en prenant en charge le payement de leur première cotisation, les participants ont toutefois déploré l’insuffisante couverture des services de santé de la CNASS, les coûts de déplacement hors de portée et le retard dans la livraison des carnets de soin.
C’est surtout sur la précarité des communautés ciblées par le projet où les interventions ont été les plus nombreuses, le chômage des jeunes ruraux, l’accès à l’éducation, à la santé, à l’état-civile, aux services de justice, la précarité des communautés paysannes.
Des regrets ont aussi été exprimés par rapport à beaucoup d’engagements qui n’ont pas pu être réalisés et que les responsables du BIT ont expliqué par la rupture des financements sous Trump et les exigences du bailleur par rapport à certaines actions, comme son refus de financer toute construction ou achat de véhicule.
Il faut rappeler que l’ouverture de l’atelier de restitution des résultats d’évaluation du projet « Vellahine » s’est déroulée en présence du Conseiller du Wali de l’Assaba, du Directeur Régional du MASEF, du Représentant de l’Instance nationale de lutte contre la traite de personnes et le trafic des migrants, le Coordinateur du projet et le Secrétaire général de SAM.
A rappeler aussi que l’évaluation du projet « Vellahine » s’est déroulée en une journée d’intervalle et sur les mêmes lieux avec celle du projet « Ihtiram » pour les domestiques. Il s’agit de deux projets presque complémentaires aussi bien dans le contexte de leur conception que dans leurs objectifs communs, la lutte contre l’esclavage, les discriminations sociales et l’exclusion des communautés victimes des pratiques esclavagistes.
Cheikh Aïdara