Dans une série d’audios largement diffusée le 4 septembre 2025 depuis la capitale française Paris, le député antiesclavagiste et Lauréat du Prix des Nations Unies pour les droits de l’Homme, Birame Dah Abeid, est revenu sur la visite actuelle en Mauritanie du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des migrants, M. Jihad Madi.
Sur invitation du gouvernement mauritanien, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des migrants est en visite de travail en Mauritanie depuis le 2 septembre 2025 pour un séjour de dix jours. Selon Birame Dah Abeid, la Mauritanie a invité M. Jihad Madi dans le but de se justifier face au tollé soulevé par sa gestion du dossier des migrants, notamment après le rapport accablant de l’ONG internationale, Human Rights Watch à ce sujet.
L’Afrique de l’Ouest, terre d’accueil
Dans ses audios, le leader du mouvement IRA, Birame Dah Abeid, a tenu d’abord à rappeler que quelles que soient les origines fondées ou supposées revendiquées par certains Mauritaniens qui les rattachent à la Mecque ou au Yémen, leur véritable ancrage historique, religieux, commercial et social, réside en Afrique et en particulier en Afrique de l’Ouest. Cette région qui englobe entre autres le Mali, le Sénégal, la Gambie, la Guinée, la Côte d’Ivoire, l’Angola, le Gabon, serait, selon lui, leur véritable lieu d’attache, leur marché naturel par lequel passe l’essentiel de leurs transactions et leur véritable baromètre de réussite ou d’échec par le nombre impressionnant de Mauritaniens qui y vivent et exercent le commerce.
Feu dans la demeure
Pour Birame, le simple fait d’inviter le Rapporteur Spécial des Nations Unies pour les droits des migrants est le signal fort de la part des autorités qu’il y a feu en la demeure en Mauritanie et que le tollé soulevé par sa gestion du dossier des migrants est devenu sérieux. En fait, cette visite traduirait, selon lui, l’inquiétude exprimée par la communauté internationale sur d’éventuelles atteintes graves commises par rapport aux droits des migrants en Mauritanie. L’inquiétude des autorités mauritaniennes serait d’autant plus grande qu’il s’agit de droits encadrés par des conventions des Nations Unies ratifiées par la Mauritanie.
Les mauvais influenceurs
Birame Dah Abeid pense que certains décideurs mauritaniens prêtent de plus en plus l’oreille à des égarés des réseaux sociaux, incultes et peu instruits, dont les appels à la haine des étrangers avaient empli ces derniers temps leurs pages sur Facebook, tiktok et Instagram. A en croire Birame, certains milieux proches du pouvoir auraient utilisé comme force de pression, cette ribambelle de plumitifs des réseaux sociaux dans le cadre d’une campagne anti-migrants, s’en prenant aux étrangers des pays d’Afrique noire accusés de tous les maux.
La bombe désamorcée
Birame affirme avoir remarqué dans la foulée et durant cette période, une levée de boucliers au sein des réseaux des organisations régionales et internationales des droits de l’homme, indignées par des vidéos qui circulaient à large échelle sur les mauvais traitements infligés aux migrants noirs en Mauritanie. Il affirme avoir saisi le Premier Ministre Moctar Ould Diay à qui il a montré les vidéos en question, attirant son attention sur le danger qu’elles pouvaient représenter pour l’image du pays, notamment au niveau des pays africains où vivent un grand nombre de citoyens mauritaniens.
Birame Dah Abeid précise que suite à son entretien avec le PM, une note fut élaborée par le gouvernement dans lequel il était précisé que la Mauritanie est respectueuse des droits des migrants, qu’elle les traite conformément aux dispositions des conventions internationales, s’engageant à faciliter la régularisation des étrangers qui souhaiteraient s’établir librement en Mauritanie et qu’elle respectait aussi les usages en matière d’expulsion de ceux en situation irrégulière qui ne souhaiteraient pas se soumettre à la législation nationale en vigueur.
Toilettage d’images
Ce serait fort de cette note lue par le Porte-parole du gouvernement, affirme Birame, qu’il a pu taire les ressentiments des organisations régionales et internationales des droits de l’homme et amorcer ainsi la bombe des indignations qui allaient s’abattre sur le pays. Birame aurait également expliqué à ces pairs des droits de l’homme, dont il se considère comme l’un des leaders mondiaux, que les dérapages enregistrés dans le traitement des étrangers sont loin de représenter la position officielle de la Mauritanie et que cela relèverait plutôt d’actes individuels et isolés commis par certains agents.
Retour case départ
Seulement, poursuit Birame, les actes de violence contre les migrants n’ont pas cessé sur le terrain, malgré ses appels, conduisant la Mauritanie au stade actuel avec la campagne internationale engagée aujourd’hui contre elle.
Pour preuve, il a cité une anecdote personnelle qu’il a vécu lors de son déplacement avec sa famille de Bruxelles à Paris, racontant comment le chauffeur nigérien qui les transportait a voulu, lorsqu’il a débarqué de voiture à Paris, faire descendre son épouse, ses enfants et un ami qui les accompagne sous prétexte que les Mauritaniens maltraitent les étrangers africains.
Il a cité aussi la situation actuelle au Mali, avec la fermeture de plusieurs commerces appartenant à des Mauritaniens et l’interdiction de toute transhumance des troupeaux mauritaniens sur le territoire malien.
On ne trompe pas un fonctionnaire international
Tout en mettant en garde le régime actuel contre toute tentative de tromper le Rapporteur Jihad Madi en pensant pouvoir l’amadouer, expérience tentée sans succès selon Birame par Maaouya et Mohamed Abdel Aziz, il a évoqué l’amère expérience qu’il a vécue avec 0uld Ghazouani. Selon Birame, durant sa lune de miel avec ce dernier, dans le traitement à l’amiable de la question des droits de l’Homme, couronnée par la Conférence internationale sur l’esclavage organisée à Nouakchott, Ould Ghazouani lui aurait planté un couteau dans le dos en soudoyant des parlementaires européennes afin de l’empêcher pour la seconde fois, après Aziz, d’être nominé pour le Prix Sakharov pour les droits de l’Homme.
Une visite qui se poursuit
A rappeler que le Rapporteur des Nations Unies pour les droits des migrants va poursuivre ses contacts en Mauritanie jusqu’au 12 septembre 2025. Il a déjà été reçu par le Président Ghazouani et certains responsables, comme le Ministre des Affaires Islamiques, le Président de la Commission nationale des droits de l’homme et le président de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic des migrants. Dans son agenda, des rencontres avec les responsables des agences des Nations Unies basées en Mauritanie, des personnalités de la société civile, ainsi que des visites de terrain sur certains sites d’accueil des migrants, à Nouakchott, Nouadhibou et Sélibaby.
Cheikh Aïdara