Remanionama : l’art de changer, tout en restant sur place

En Mauritanie, le pouvoir tourne entre une poignée d’individus que l’on tire de la tirelire au gré des circonstances pour faire semblant de changer la donne tout en restant sur place, dans la médiocrité. Le gâteau tourne entre les mêmes convives, mais l’assiette reste loin de la populace.

Une année, c’est la vie la plus longue d’un ministre en Mauritanie. On ne lui demande pas un bilan, mais on lui signifie juste qu’il doit quitter la table en amenant avec lui son butin.

Arrivé en général fauché comme Job, le ministre a donc juste une année, parfois moins, parfois plus exceptionnellement. Il doit utiliser ce temps pour se mettre à l’abri. Au moins, une villa cossue à Tevragh-Zeina, un parc de 4X4 et de véhicules domestiques et quelques provisions bien gardées dans une banque.

La routine est tellement rôdée que le commun des mortels n’accorde même plus d’importance à ces valses de chaises musicales.

C’est ce qui vient d’arriver avec la nouvelle compote que l’équipe Ould Diay vient de servir comme plat du jour. Nous ne parlerons que de quelques figures emblématiques.

Naha Mint Mouknass

Retour de Naha Mint Mouknass, départ de Naha Mint Mouknass. Elle n’est jamais très loin de la salle à manger où se découpe le gâteau. Elle est toujours à l’affut dans un recoin bien doré de la présidence, le temps de prendre ses marques pour revenir sur le ring. C’est la ministre qui a la plus longue longévité dans l’histoire politique en Mauritanie. Elle l’est depuis plus de trente ans. Elle s’est pavanée entre la quasi-totalité des ministères. Les vétérans aujourd’hui à la retraite l’ont vu passer plusieurs fois au cours de leur carrière. Avec des courbettes, ils ont depuis longtemps murmuré devant les portes des ministères où elle est passée, bonjour madame la ministre, au revoir madame la ministre. Les plus jeunes l’ont certainement vu une dizaine de fois, passer devant elle, imperturbable dans son voile coloré. 

Naha Mint Mouknass a été Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération de 2009 à 2011, Ministre de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme de 2014 à 2018, Ministre des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille en 2018, Ministre de la Santé de 2023 à 2024.

Elle a été conseillère à la présidence sous Maaouya de 2000 à 2001, Ministre conseillère à la présidence sous Maaouya jusqu’à sa chute de 2001 à 2005, Ministre conseillère à la présidence depuis avril 2022. 

A la faveur du mini-remaniement du 19 septembre 2025, elle atterrit au Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme.

Mohamed Ould Soueidat

C’est l’une des étoiles filantes de la nouvelle génération de ministres. De 2017 à 2022, Mohamed Ould Soueidat était Secrétaire général au Ministère de l’Intérieur. En 2022, il atterrit comme ministre au département de l’Elevage. En 2023, il est nommé Ministre de la Culture et en 2024, ministre de la Fonction Publique.

Il est invité par la suite à la Présidence, comme conseiller, exactement dans l’antichambre de la salle à découper le gâteau où il n’a pas trop attendu, car le voilà catapulté au département de la Justice, au détour du mini remaniement du 19 septembre 2025. 

C’est l’un des rares ministres qui est passé par la case élue, en tant que maire d’Aleg de 2014 à 2018, puis président de l’Association des Maires du Brakna, ce qui lui donne une certaine assise politique dans la région. 

Abdallahi Souleymane Ould Cheikh Sidiya

Il fait partie des rescapés de l’ère Taya pour avoir été ministre des Affaires économiques de 2003 à 2004, puis ministre des Finances de 2005 à 2007. C’est un technocrate qui partage avec Ghazouani l’appartenance à une famille soufi et zwaya. Il fut l’artisan de l’annulation de la dette multilatérale, ce qui a rendu possible le financement du processus électoral et deux importantes augmentations de salaires. 

Il reprend aujourd’hui un portefeuille qu’il maîtrise, celui des Affaires économiques. 

Dr. Mohamed Mahmoud Ely Mahmoud

Ce jeune médecin s’était illustré lors du Covid 2019 où il donnait chaque soir le bilan de l’épidémie H/24, s’attirant la sympathie du public qui attendait chaque soir ses décomptes macabres, mais si rassurants sur l’avancée de la lutte.

C’était sous l’éprouvette de l’ancien ministre de la Santé, « Magic Mounirou », celui qui avait apporté des coupes réglées au sein du département au point de s’attirer la foudre de la mafia des faux médicaments, qui ont eu finalement sa tête.

Dr. Mohamed Mahmoud Ely Mahmoud s’est illustré à la tête de la Direction de la Santé Publique. Ironie du sort, il remplace au détour de ce remaniement, le ministre qui l’avait dégommé de la direction pour le fourguer dans le garage des conseillers.

Sidi Ahmed Ould Bouh

Compter des billets de banque et coiffer les finances de la République, ce n’est certainement pas pareil que compter des graines de mil et de haricot. C’est le sort qui a été réservé à Sidi Ahmed Ould Bouh, dont tout le monde a remarqué l’engouement à placer Sidi Ould Tah sur le trône de la Banque Africaine de Développement BAD. Il vient d’être déménager des Finances vers l’agriculture et la souveraineté alimentaire.

Le champion de l’arabisme administratif et financier aura désormais à cœur de veiller sur nos pauvres plats et nos estomacs. 

Mariem Boidiel

C’est la novice du gouvernement, qui vient tout juste d’être tirée de son poste de comptable à l’ambassade de Mauritanie à Washington. Elle débarque au Ministère de la Fonction Publique

Ministre, fille de ministre, elle pourra avec les conseils de papa s’en tirer sans doute dans ce marigot des vieux dinosaures. Quelques chroniqueurs ne voient en elle qu’un simple numéro au marché à puces des quotas ethnico-tribaux. Une hartania qui viendrait rehausser la représentativité d’une couche victimisée à l’extrême et considérée comme marginalisée. 

Cheikh Aïdara