Rapport de la Banque mondiale sur la Mauritanie  Renforcer l’éducation pour favoriser la cohésion sociale et soutenir le développement économique

dim, 09/08/2020 - 10:18

La Banque mondiale vient de publier son troisième rapport sur la situation économique en Mauritanie, une publication annuelle qui souligne les tendances économiques récentes et se penche sur des questions de développement pertinentes pour le pays.

 

Bien que la croissance se soit améliorée en 2019, les perspectives économiques dépendront principalement de l’impact et de la durée de la pandémie de COVID-19 et des politiques publiques visant à atténuer la crise.

Le chapitre spécial sur l’éducation constate que malgré les progrès réalisés ces dernières années en matière d’accès à l’éducation et d’équité scolaire entre les garçons et les filles, d’importantes lacunes subsistent dans le système éducatif, également affecté par la crise du COVID-19.

Publié le 22 juillet 2020, le Rapport de la BM rappelle quelques indicateurs clés des deux exercices précédents et essaye d’entrevoir des perspectives économiques à la lumière d’une situation de pandémie de coronavirus qui évolue en « avenir incertain ».

Ainsi, « la croissance économique a augmenté de 2,1 % en 2018 à 5,9 % en 2019, portée par un rebond du secteur extractif dû à la hausse de la production minière, notamment de l’or et du fer. Parallèlement, la croissance non extractive est restée robuste (à 5 % en 2019) grâce à une forte croissance des secteurs de l’énergie et des télécommunications qui a compensé la décélération du secteur agricole et de la pêche. L'inflation est passée de 3 % en 2018 à 2,3 % en 2019. »

Cette baisse est due à une décélération de la croissance des prix internationaux du blé, qui s’est traduite par une décélération des prix du pain et des céréales. En outre, la dépréciation de l’euro a contribué à maintenir l’inflation importée à un niveau bas.

L’amélioration de la balance commerciale a atténué les pressions externes. Le déficit du compte courant s’est rétréci, passant de 13,8% du PIB en 2018 à 10,5% en 2019, en raison de l’augmentation de la production minière et de l’amélioration des termes de l’échange. Ce déficit a été financé principalement par des emprunts publics extérieurs et des Investissements Directs Etrangers (IDEs), notamment ceux relatifs au développement de la phase 1 du projet Grande-Tortue/Ahmeyim (GTA). Les réserves internationales sont passées de 3,6 mois d’importations en 2018 à 3,8 en 2019.

A cause de la pandémie du Covid-19 qui continue encore à perturber l’économie mondiale dans son ensemble, le Rapport n’entrevoit pas de changements notables en 2020 : « En 2020, l’économie mauritanienne sera sévèrement touchée par la pandémie de COVID-19. L’épidémie affectera principalement l’économie à cause du ralentissement économique en Europe et en Chine (principaux partenaires commerciaux de la Mauritanie) ce qui entraînera une baisse de la demande pour les exportations mauritaniennes. De plus, les IDEs seront impactées négativement par la pandémie. Sur le plan intérieur, les mesures de distanciation sociale, la fermeture des frontières, des restaurants et des marchés, et l’incertitude croissante entraîneront un fort ralentissement de la consommation domestique. En conséquence la croissance du PIB devrait diminuer fortement, passant de 5,9 % en 2019 à entre -2 et -6,8 % en 2020. Cette contraction créera un déficit de financement et augmentera la pression sur la dette.

 « Pour faire face à cette crise et atténuer son impact socio-économique, le gouvernement est encouragé à élaborer une stratégie axée sur deux fronts : sauver les vies et protéger les moyens de subsistance », explique Samer Matta économiste à la Banque mondiale et principal auteur du rapport.

Ces perspectives pourraient être affectées par plusieurs risques. Le plus grand risque est une pandémie prolongée de COVID-19 avec des effets négatifs supplémentaires sur l’économie. La faiblesse persistante des prix du pétrole et les problèmes techniques constituent des risques importants qui pourraient affecter le projet gazier de GTA. Compte tenu de l’ampleur des besoins de financement, une diminution des IDEs constitue un autre risque qui pourrait éroder les réserves.

L’insécurité régionale dans le Sahel et les cycles récurrents de sécheresse qui ont un impact sur la production agricole et les revenus des ménages constituent d’autres sources de risques.

L’énumération des risques pouvant contrarier les politiques ambitieuses édictées dans le programme « Taahoudati » (mes engagements) du président de la République, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, entre dans ce que la Banque mondiale considère comme les chocs exogènes sur lesquels le gouvernement n’a aucune emprise.

 

Place de choix accordée au système éducatif

 

Le second chapitre de ce rapport se focalise sur le renforcement du système éducatif mauritanien, partant du constat que l’éducation est le principal frein au développement humain et qu’un bon système éducatif est une condition indispensable à la réussite de la diversification économique et à la création d’une croissance inclusive en Mauritanie. Le Rapport rappelle une position peu enviable de la Mauritanie et qui constitue un handicap sérieux pour la mise en œuvre des programmes de développement envisagés par le gouvernement : « le pays est actuellement classé à la 150ème  position parmi 157 économies sur l’Indice du capital humain (ICH) de la Banque mondiale avec un score de 0,35. Cela veut dire qu’un enfant mauritanien qui naît aujourd’hui ne réalisera en moyenne que 35 % de son potentiel de développement professionnel et de santé par rapport à ce qui aurait été possible s’il avait bénéficié d’une scolarisation complète et de qualité et de soins de santé. 

« Bien qu’il y ait eu des améliorations en termes d’accès, la faible qualité de l’éducation en Mauritanie est un obstacle à la croissance économique et pour le développement du capital humain », explique Waly Wane, chargé des projets d'éducation en Mauritanie et co-auteur du rapport.

Plusieurs lacunes dans le système d’éducation de base expliquent ce constat : Un très faible niveau de compétence des enseignants et une pénurie d’enseignants qualifiés ; la faible gouvernance du secteur et l’absentéisme élevé des enseignants ; le mauvais état des infrastructures scolaires et un matériel d’apprentissage inadéquat ;  une discontinuité de l’offre scolaire.

Afin de relever les défis importants soulignés ci-dessus, le rapport propose quelques pistes de réflexion pour améliorer en profondeur le système éducatif mauritanien. Il suggère notamment, que le gouvernement se concentre sur l‘amélioration de la qualité des enseignants en mettant en place des évaluations régulières et en développant leur formation continue. Afin d’améliorer la gestion des écoles et de la carte scolaire, l’étude recommande de former les directeurs d’école en gestion et en leadership et de décentraliser le processus de gestion de la carte scolaire. En outre, il serait important de mettre en place un système de sanction pour mettre un terme au taux important d’absentéisme des enseignants. Enfin, le rapport encourage à améliorer les conditions d’apprentissage en introduisant des leçons scénarisées pour guider les enseignants et d’accroître l’autonomie financière des écoles en recourant davantage a un mécanisme de financement direct des écoles.

Concernant cette recommandation d’importance, on peut déjà saluer la rapidité avec laquelle le ministère de l’enseignement fondamental et de la réforme du secteur de l’éducation nationale (MEFRSEN) a engagé le processus lui permettant, à moyen terme, de corriger ce dysfonctionnement, en lançant, le 25 juillet, un atelier de sensibilisation sur l’évaluation des compétences des enseignants.

D’ailleurs, cet atelier, organisé par la direction des projets de l’éducation et de la formation du ministère de l’Enseignement fondamental et de la Réforme de l’Éducation nationale bénéficie de l’appui de la Banque Mondiale qui rappelle, à travers son Rapport, qu’« Un bon système éducatif est une condition nécessaire pour la diversification et une croissance inclusive. »

Ce chantier représente une priorité pour le gouvernement mauritanien : il fait partie du second levier de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP), qui vise à promouvoir une croissance forte, durable et inclusive. De même, « le programme du nouveau gouvernement qui a pris ses fonctions en août 2019 a montré une orientation claire pour augmenter l’accès et améliorer la qualité de l’éducation dans le but d’améliorer le niveau de vie de la population, d’accroître la cohésion sociale et d’assurer une croissance durable et inclusive », souligne la Banque mondiale.

La Mauritanie est l’un des rares pays de l’ASS qui a atteint l’Objectif de Développement du Millénaire (ODM) d’égalité des genres à l’école primaire et secondaire. Les ratios du taux de scolarisation des filles relativement aux garçons en primaire et secondaire ont augmenté entre 1990 et 2018, dépassants ainsi la moyenne en Afrique Sub-saharienne.

Malgré ces réalisations récentes, d’importantes lacunes subsistent dans le système éducatif, qui est également affecté par la crise du COVID-19. Malgré une progression de 6,9 points de pourcentage au cours de la dernière décennie, le Taux Net de Scolarisation (TNS) dans les écoles primaires reste de 79,6 % en 2018, loin derrière l’objectif du millénaire d’accès de tous à l’éducation primaire. En plus du faible TNS, la déperdition scolaire est élevée car une grande proportion d’enfants mauritaniens ne poursuit pas ses études jusqu’à la fin des cycles. En particulier, plus du tiers des élèves quittent l’école avant la fin du cycle primaire en Mauritanie. La crise de la COVID-19 affaiblira encore le secteur de l’éducation comme elle a déjà forcé près d’un million d’élèves à quitter les salles de classe en raison de la fermeture des établissements d’enseignement publics et privés. La pandémie est susceptible d’avoir un impact disproportionné sur les populations vulnérables qui ont moins d’accès aux moyens de communication.

 

Synthèse : Sneiba Mohamed