Dans une série d’audio appelées « Al avia » qui sonnent comme un appel à la paix et à la stabilité, dans le droit fil de l’apaisement initié par le président Ghazouani lui-même, le député et fervent défenseur des droits de l’homme Biram Dah Abeid appelle au respect du droit des prévenus dans ce qui est désormais présenté comme « l’affaire de R’Kiz ». Voici donc la transcription littérale de l’audio « El Avia 6 ».
« Ma Responsabilité morale et humaine m’empêche de dormir avant d’exprimer mes sentiments sur les derniers développements de l’affaire de R’Kiz. Par expérience, je sais ce qu’il en coûte de séjourner dans les geôles de la police, de la gendarmerie ou de la garde. C’est présentement le cas de nombreuses personnes dans la moughataa de Rkiz. Je connais les conditions des arrestations, et que la troisième nuit est particulièrement difficile pour les personnes arrêtées, même si elles sont préparées à cela. Que dire alors de ceux qui seraient, pour la plupart, des adolescents, des mineurs dont des femmes, comme on me l’a rapporté ? Des suspects qu’on empêcherait de dormir, de manger, de se laver et de boire, comme il se doit. Je n’ai aucune confirmation de ces dires mais je sais que, dans le passé, nous avons été traités ainsi. C’est pour cela que je ne puis dormir avant de de dire que j’ai été informé de ce qui se passe actuellement à Rkiz et transmettre à qui de droit (le ministre de l’intérieur et le directeur général de la sûreté nationale) de ce qu’on m’a rapporté comme information concernant les personnes arrêtées. C’est à eux d’agir.
La garde à vue conditionne le bon (ou mauvais) début de tout processus de mise en accusation. Le processus est faussé et ne peut plus être juste, ou alors il est convenable et ne plus être frappé de vices de forme. La responsabilité des gens qui supervisent la garde à vue et l’enquête préliminaire (police ou gendarmerie) est grande. Il faut alors qu’on prenne en compte les conditions d’arrestation des mineurs, en appliquant strictement les textes qui sont l’essence des droits de l’homme et du respect de la dignité humaine.
Il faut que notre conscience de la loi et notre responsabilité nous rappelle toujours que le prisonnier, qu’il ait été arrêté en flagrant délit, quelque que soit aussi la gravité de son crime et même s’il passe aux aveux, doit être traité humainement suivant la loi. Il ne doit pas être humilié, torturé, privé de nourriture, empêché de dormir ou battu. Je n’adresse pas de tels propos à Monsieur le ministre de l’intérieur ou au général DGSN, qui connaissent très bien les procédures, mais nous devons se le rappeler nous les Mauritaniens, à haute voix, pour qu’ils soient entendus par les gens chargés de ces arrestations. Parce que le Ministre de l’intérieur et le DGSN ne sont pas présents sur les lieux ; il y a d’autres gens et je sais que, dans pareils cas, des agissements non conformes à la loi sont monnaie courante. C’est là une mise en garde, une contribution pour sonner l’alarme quant au danger qui nous guette.
J’ai vu la vidéo principale qui a servi de pièce à conviction qui prouve aisément que la personne qui a filmé les faits est immature, s’il ne faut pas la qualifier d’autre chose. Et s’il ne s’agit pas d’une mise en scène. C’est quelqu’un d’identifiable, qui parle à haute voix en déclarant qu’il offre un million, prononçant des injures, appelant les manifestants à se diriger vers la maison du maire et à brûler tout sur leur passage.
Cette personne qui fait tout à découvert doit être sotte, ou même folle. Mais si elle a agi de façon délibérée, on peut aussi penser qu’elle se sent protégée et ne craint pas d’être inquiétée ! Elle donne l’impression d’exécuter des ordres venus de personnes qui peuvent être tapies au sein même du pouvoir et qui obéissent à des agendas cachés. On doit se demander à qui est destinée cette vidéo par laquelle cette personne a tenu à immortaliser ces scènes de saccage ? Ce sont là des questions légitimes qui doivent être posées et prises en considération dans la recherche de la vérité des faits.
On m’a informé aussi que parmi les gens arrêtés se trouvent des militants de Tawassoul, d’IRA, du RFD et même de la périphérie de l’UPR, et probablement aussi d’autres organisations "opportunistes".
Ce qui importe dans tout ça est le traitement que la justice doit accorder à cette affaire, notamment en ce qui concerne la garde à vue et l’enquête préliminaire qui doivent être suivies de près par les hauts responsables concernés. Il faut une honnêteté sans faille dans les conditions de détention et d’enquête. L’affaire est partie très loin et elle est suivie par tout le monde. Je dirais même que c’est le premier examen, le vrai test, pour le pouvoir dans le traitement des questions de droits de l’homme, de sécurité et de justice dans une affaire d’une telle ampleur.
Je souhaite de tout cœur que le pouvoir réussisse dans cette épreuve parce qu’il s’agit de donner la preuve que l’image de l’État n’est plus ce qu’elle était il y a peu. Nous avons tous travaillé pour qu’il en soit ainsi, pour que ce Président qui nous a donné une bonne impression soit aidé à continuer sur la même voie. Qu’on lui accorde notre confiance en le réconfortant pour qu’il fasse taire les mauvais augures qui, dans son propre entourage, vivent de ce genre de tension, agissements qui, comme des caméléons, ont déjà émaillé les pouvoirs précédents en ravivant les guéguerres politiques et la culture des complots.
C’est ce que j’ai voulu dire ce soir, avant de dormir, en compassion avec tout prisonnier, indépendamment de ce qui suivra comme condamnation ou acquittement. Cela émane de mon caractère humain qui est un don d’Allah et de mon expérience des geôles de l’État. »