Recrudescence des Violences basées sur le genre au Gorgol sous Covid-19

dim, 14/11/2021 - 21:33

Les Mutilations génitales féminines (MGF), forme extrême de violences basées sur le genre (VBG), reviennent en force sous la pandémie Covid-19, notamment dans la Wilaya du Gorgol. Le constat a été fait auprès de quelques acteurs rencontrés à Kaédi et à Mbout. C’était lors d’une mission de distribution de supports de communication anti-covid menée par le Ministère de la Santé et le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) du 6 au 8 novembre 2021.

« Les VBG ont repris de l’ampleur depuis 2020 et vont crescendo depuis le déclenchement de la pandémie Covid-19 » déclare Roghaya Cheikh Abdel Kader, responsable de « Femmes Volontaires pour le Développement au Gorgol », une ONG des droits de l’homme, qui abrite aussi une « Maison Familiale » spécialisée dans la formation aux métiers de l’agriculture et de l’élevage.

Des MGF en croissance

Ce sont surtout les MGF qui semblent avoir pris du poil de la bête, notamment en milieu rural et dans certains villages du Gorgol, où la pratique de l’excision a repris de plus belle, malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation sur les dangers de ce phénomène. C’est ce que Roghaya Abdel Kader, point focal de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) au Gorgol, a précisé.

Elle a évoqué le mécanisme de prise en charge des cas de survivance aux MGF mis en place par la Délégation régionale du Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Familiale (MASEF). Plusieurs cas de VBG notamment de MGF, de viols et de violences conjugales ont été portés selon elle devant la justice. « Notre ONG a recensé pour l’année 2021, quatre cas de VBG, mais je ne sais pas ce que les autres organisations comme l’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) et l’Association Mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME), ont reçu de leur côté » a-t-elle ajouté. Elle a souligné que son ONG prend en charge les survivantes sur le plan psychosocial et qu’elle dispose de l’assistance d’un avocat. Elle travaille en étroite collaboration sur les VBG avec le PASOC (programme financé par l’Union européenne), avec l’AMSME, World Vision et une prévision de partenariat avec le GFF.

Les VBG les plus récurrentes au Gorgol sont, selon Roghaya, les MGF, le mariage des enfants, les violences conjugales et les viols, en grande partie dans les écoles, les lycées et dans les ménages.

Quelques cas de VBG et une absence de centre d’accueil pour enfants abandonnés

Roghaya Abdel Kader a cité quelques cas de VBG que son ONG a traités, comme celui intervenu il y a deux ans dans le quartier Wandama à Kaédi. C’est une collégienne de 15 ans que sa maman a pratiquement livré à un homme qui venait prendre le thé chaque soirée chez elle. La maman s’arrangeait pour que la fille reste seule avec l’homme, jusqu’à ce qu’elle s’est retrouvée avec une grossesse.

L’autre cas est celui d’un tailleur quadragénaire qui a abusé puis enceinté une fille de 13 ans à Mbout. L’affaire a été traitée à Kaédi, lieu de travail de l’auteur principal. Après trois jours de garde-à-vue, un arrangement à l’amiable a interrompu le processus judiciaire déjà engagé, regrette en substance Roghaya. La victime était la fille adoptive de l’épouse du coupable.

Elle a cité également un cas de mariage de mineur, une lycéenne qui devait passer son baccalauréat et que sa famille a marié durant les grandes vacances.

Roghaya indique que les cas de viol sont nombreux à Kaédi, dans de nombreux quartiers comme Touldé. Elle a remarqué que les VBG avaient baissé quand les campagnes de sensibilisation se succédaient, mais depuis que ces campagnes ont cessé, les cas de violence se sont accrus. Elle a regretté surtout l’absence de centre d’accueil pour enfants abandonnés dans toute la région du Gorgol. « Une copine a adopté une fille qui a été abandonnée, mais combien d’enfants ne trouvent pas une famille d’accueil ? » s’est-elle interrogée.

A Mbout, les cas de VBG explosent

Selon le Représentant de l’ONG AMSME à Mbout, Sid’Ahmed Saleck, 38 cas de VBG ont été enregistrés au cours de l’année 2021 dans la Moughataa, dont 20 violences sexuelles, 18 violences conjugales, 3 cas de MGF et 20 cas de mariages précoces. En 2020, l’ONG avait enregistré 16 cas de VBG.

Mme Sy, Sage-femme au centre de santé de Mbout rapporte plusieurs cas qui ont été acheminés dans sa structure. Elle a évoqué le cas d’une fille, originaire d’un village, mariée à 10 ans et qui a accouché à l’âge de 11 ans. « L’accouchement s’est passé sans problème, l’embonpoint de la jeune maman et sa taille plus grande que son âge, l’ont beaucoup aidé » a-t-elle fait remarquer.

Elle a aussi cité le cas dramatique d’un bébé excisé 15 jours après sa naissance et qui a été acheminée au Centre de santé après une fièvre. « Elle est morte quelques instants après son admission. Ce n’est que plus tard que la nouvelle a circulé selon laquelle, la fillette a été excisée quelques jours plus tôt », rapporte-t-elle.

A noter que le gouvernement mauritanien a approuvé deux projets de loi sur les VBG, en 2016 et en 2018. Le dernier en date, la Loi cadre sur les violences faites aux femmes et aux filles, a été approuvé lors du conseil des ministres le 6 mai 2020, puis présenté au Parlement. Comme les précédents projets de loi, le gouvernement a été contraint pour la troisième fois de retirer le texte après de vives protestations au sein de la Chambre des députés.

Cheikh Aïdara