Biram Dah Abeid : « Oui, j’ai trouvé mon ami ! »

lun, 14/03/2022 - 19:22

A la veille de l’ouverture, à Nouakchott, d’un colloque sur l’esclavage dans la zone sahélo-saharienne, avec la présence d’ONG jusque-là interdites d’entrée en Mauritanie par le pouvoir de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, le président de l’Initiative pour la Résurgence d’un Mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA), le député Biram Dah Abeid, est revenu longuement sur ce qui fait la différence entre Ghazouani et Aziz.

 

Biram Dah Abeid fonde son argumentaire sur un « avant » et un « après » Discours de Genève (février 2020), quand il avait qualifié la Mauritanie de « pays d’Apartheid » jugeant, après quelques mois de gouvernance Ghazouani, que la situation n’avait pas changé ou très peu. Alors qu’avant la présidentielle de 2019 de tels propos provoquaient l’ire du pouvoir, ils ont plutôt déclenché un premier contact entre le président Ghazouani et le président d’IRA. Le premier qui a rencontré le second au Palais présidentiel et en plein jour, l’assurait que la chasse aux sorcières était finie et que les militants de l’organisation antiesclavagiste jusque-là interdits de  réunions, pourchassés par la police et souvent arrêtés et jetés en prison, ont la latitude d’agir et de parler comme si IRA était reconnue !

Cet apaisement faisait sans doute partie du soft power que Ghazouani avait choisi, dès l’annonce de sa candidature à la présidentielle de juin 2019, pour sortir de la crise qu’Aziz avait entretenue comme « normalité » durant toute une décennie de pouvoir autocratique. Pour le président d’IRA, on ne peut « traiter » avec Ghazouani, ouvert au dialogue pour trouver une solution aux questions qui fâchent, notamment celle concernant l’esclavage, en usant de « l’arme » qu’on employait contre le négationnisme d’Aziz, et même son entêtement à faire de son oppression contre les militants antiesclavagiste un « ciment » entre toutes les forces rétrogrades (tribus, chefs religieux, justice, etc.) qui cherchent à maintenir un statu quo ante pourtant préjudiciable à l’unité nationale qui ne doit pas se faire – être défendue - au détriment des plus faibles.

« Quand je dis que j’ai trouvé mon ami, parlant de Ghazouani, je le dis avec conviction, parce que, jusque-là, le Président a tenu parole», martèle BDA qui estime qu’en eux-mêmes, l’apaisement et l’ouverture sont des acquis importants et des points positifs à inscrire dans la partie bilan du président de la République.

Pour le président d’IRA, la sécurité est primordiale ; elle ne doit être transgressée sous aucun prétexte, surtout quand il y a la possibilité d’agir librement dans un contexte nettement plus démocratique que celui qui prévalait durant la décennie 2009-2019.

BDA pense que ses rencontres avec le Président Ghazouani ont permis de « dédiaboliser » IRA et son président qui est maintenant devenu une personne fréquentable, aux yeux de ceux qui le fuyaient comme la peste ! Ghazouani a ainsi fait preuve d’une sagesse et d’une clairvoyance qui sont le meilleur moyen de préserver la cohésion sociale.

« Quand je dis que j’ai trouvé en Ghazouani un ami, je ne suis pas en train de le rejoindre, être membre de sa majorité, avec armes et bagages. D’ailleurs, il ne me l’a pas demandé », ironise Biram Dah Abeid, mais je mets en exergue, moi qui ne cherche que l’intérêt général, celui de la Mauritanie et des Mauritaniens, ses qualités d’homme de paix qui a un sens de l’écoute exceptionnel. Pour le dialogue en préparation, il n’a pas suivi une partie de l’opposition dans sa volonté d’exclure des « partis non reconnus » ! Je pensais que les hommes politiques étaient plus mûrs que les militaires (Ghazouani est un ancien général, ndlr). Malheureusement, ce n’est pas le cas. »

Le système déclaratif a permis à de nombreuses ONG d’exister, a rappelé le député Biram Dah Abeid, précisant que c’est loin d’être négligeable. « Notre combat pour lever cet obstacle, celui de l’autorisation qui prévalait sous Aziz, n’est donc pas uniquement à notre profit mais bénéficie à toutes ces organisations qui ont maintenant la latitude de travailler en toute sérénité », dit celui qui est maintenant vu comme le Premier des opposants étant arrivé deuxième à la Présidentielle de 2014 et de 2019.

Dans la cabale contre IRA, son président pense qu’il ne reste plus que la commission nationale des droits de l’homme (CNDH) qui fait de la « résistance », allant paradoxalement à contre-courant de la tendance générale.  Le renouvellement du mandat du président de la CNDH servira de « jauge » pour savoir si, réellement, quelque chose a changé ou pas, si elle cessera de faire de BDA l’ennemi public n°1 ou s’alignera sur la tendance générale au sein de la Majorité « apaisée ».

Un autre hic souligné par le président d’IRA est le comportement des juges, toujours fidèles à la « vieille école », celle qui prend le parti des esclavagistes contre leurs victimes, comme ce qui s’est passé à Bassiknou, à R’Kiz et à Niawlé. « Si je parviens au pouvoir, c’est par là que je vais commencer en dotant le pays d’une justice capable de dire le droit en toute indépendance », assène Biram Dah Abeid.

Le président d’IRA estime que le colloque sur l’esclavage dans la zone sahélo-saharienne qui s’ouvre ce mercredi 16 mars 2022 à Nouakchott, en présence d’Ong sous-régionales qui étaient interdites d’entrée sur le territoire mauritanien, est la meilleure preuve que quelque chose a changé avec Ghazouani. « La construction de la démocratie demande du temps et, là, c’est véritablement, un progrès. Nous sommes sur la bonne voie et ceux qui veulent que nous restions accrochés à nos luttes contre Aziz n’ont qu’à descendre sur le terrain, mais je leur dit qu’il ne s’agit pas d’un courage de papier ou de celui qu’on exprime, à longueur de journée, sur WhatsApp ! Ceux qui décideront d’y aller, doivent écrire leur testament, comme l’auraient fait un John Garang ou un Fidel Castro ! Nous, nous pensons que la démocratie n’avance qu’avec la lutte politique d’essence pacifique », conclut Biram Dah Abeid.

Mohamed B. Sneiba