La Directrice régionale de l’UNFPA rencontre la société civile mauritanienne avec au menu, la santé sexuelle reproductive et les violences basées sur le genre

mer, 13/04/2022 - 05:50

Mme Argentina Matavel, Directrice Régionale du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre (WCARO) qui couvre 23 pays, a visité mardi 12 avril 2022, lors de sa deuxième journée en Mauritanie, la clinique de l’Association Mauritanienne pour la Promotion de la Famille (AMPF) dans le populeux département de Dar-Naïm  et le Centre WEVA de l’Association Mauritanienne pour la Santé de la Mère et de l’Enfant (AMSME) situé dans l’un des départements les plus défavorisés de Nouakchott, El Mina. La première association est spécialisée dans les services de santé sexuelle reproductive et la planification familiale et la seconde dans la prise en charge des survivantes des violences basées sur le genre.

A l’entame de sa deuxième journée en Mauritanie, la Directrice régionale de l’UNFPA WCARO, Mme Argentina Matavel, a visité mardi 12 avril 2022 deux structures de la société civile, la clinique de l’AMPF et le Centre WEVA de l’AMSME, situés tous les deux dans les départements pauvres et déshéritées de Dar-Naïm et d’El Mina à Nouakchott, la capitale.

Les services au rabais de l’AMPF au profit des populations pauvres en SSR et PF

L’AMPF fournit depuis sa création en 1990, des services en santé sexuelle et reproductive (SSR) ainsi qu’en planification familiale (PF) au profit des populations pauvres aussi bien dans les départements déshérités de Nouakchott qu’à l’intérieur du pays. Elle sensibilise aussi les populations et les décideurs politiques et religieux sur ces aspects de la santé publique qui butent encore sur des insuffisances et des préjugés.

Le Centre AMPF de Dar-Naim fut la première porte d’entrée de la Directrice Régionale de l’UNFPA WCARO dans le monde associatif mauritanien. Accompagnée du staff du Bureau Pays sous la houlette du Représentant Résident, M. Cheikh Fall, Mme Argentina Matavel a été accueillie à son arrivée à la clinique multifonctionnelle de l’AMPF à Dar-Naïm par la présidente de l’Association, l’ancienne ministre, Mme Marième Mint Ahmed Aïcha entourée de ses collaborateurs.

Une visite guidée qui a permis aux hôtes de l’AMPF de découvrir la gamme de services à bas prix offerts aux populations vulnérables du département, des accouchements assistés par des sages-femmes, à la salle d’hospitalisation, aux consultations gratuites offertes par d’éminents gynécologues et à la pharmacie en passant par la pédiatrie et le service dentaire, jusqu’aux référencements par ambulance en partenariat avec l’Hôpital Cheikh Zayed situé à quelques encablures.  

En plus des services SSR et PF, l’AMPF fournit également des conseils en prénatal et post-natal, des soins pour la mère et le nouveau-né, la vaccination, les soins de l’avortement incomplet et d’aiguillage, la protection contre le VIH et le SIDA, y compris la protection contre la transmission mère-enfant (PTME). L’AMPF fournit les produits contraceptifs à des prix abordables pour cette population cible et en distribue gratuitement en cas de dons offerts par ses partenaires, notamment l’UNFPA et l’IPPF.

La visite de la Directrice Régionale s’est achevée par une rencontre avec de jeunes activistes encadrés par l’AMPF dans le domaine de la sensibilisation sur la SSR et la PF au niveau communautaire.

Centre WEVA pour la prise en charge des survivantes des VBG

L’après-midi du mardi 12 avril 2022, la Directrice Régionale de l’UNFPA WCARO, accompagnée du Représentant Résident et de son staff se sont rendus dans le populeux quartier d’El Mina au centre WEVA de prise en charge des filles survivantes de violences sexuelles créé par l’AMSME.

Elles ont en général entre 12 et 17 ans, assises dans des salles de classe où elles tentent, à l’aide des bénévoles de l’association, de reconstruire des vies brisées.

L’émotion se lisait sur le visage de Mme Argentina Matavel qui n’hésita pas à arracher un bébé tenu entre deux bras frêles d’une fillette à peine sortie de la puberté.

Des besoins énormes en protection

Mme Zeynabou Mint Taleb Moussa, présidente de l’association, égrenait les difficultés d’un combat qui fut celui de sa vie, un arsenal juridique mal appliqué, l’impunité sur le dos de la pauvreté des ménages, des centaines de petite vie brisée sur l’aune des arrangements sociaux... En effet, depuis sa création en 1999, l’AMSME qui est le fruit d’un idéal partagé avec son équipe pour la défense des droits des femmes et des enfants mauritaniens, allait mesurer selon elle, l’ampleur d’une entreprise tout à la fois exaltante et pénible. « Nous n’avions pas mesuré à l’époque le volume des besoins et des attentes qui semblait prendre de l’importance année après année » a-t-elle souligné.

Les filles, en majorité mineures, sont réparties en deux classes, une pour l’alphabétisation pour celles qui n’ont jamais fait les bancs et une autre pour le renforcement de niveau pour celles déscolarisées suite à leur mésaventure.  En effet, selon Mme Zeynabou Mint Ahmed Taleb, en plus d’être stigmatisées par leur famille et la société, les filles sont accablées comme si elles sont responsables de leur propre viol. La plupart des parents les retirent de l’école. D’autres sous le traumatisme et le choc quittent spontanément les classes.

Au Centre WEVA, en plus de leur réinsertion dans le milieu scolaire, les filles apprennent la couture et la fabrication de savon grâce à un partenariat entre l’AMSME et une fondation américaine. La base de données reste confidentielle et les filles sont fichées par code impossible d’accès sauf au responsable administratif.

Poignantes histoires de vie

Devant Mme Argentina Matavel, quelques filles ont refait le parcours de leur histoire, avec un sens de maturité qui a forcé l’admiration et fait couler quelques larmes. C’est la même émotion qui a étrillé quelques membres du staff à l’entame de l’histoire d’une bénéficiaire, originaire du Hodh Gharbi, dont la charge locative et alimentaire à son profit et celui de ses enfants est assurée par l’AMSME. Il s’agit d’une femme dont les six filles ont été victimes de leur propre géniteur. Un criminel en puissance, selon Mme Zeynabou Mint Taleb Moussa, condamné à dix ans de prison et libéré avant d’avoir purgé sa peine.  

L’impunité des agresseurs sexuels

C’est toute la difficulté de l’application de la loi pénale, selon l’ex-commissaire à la retraite devenu conseiller juridique de l’ASME, Ould Ahmed Taleb, un gradé de la police que l’ONG avait apprécié durant ses années de service comme un défenseur né des droits humains. Selon lui, la justice mauritanienne souffre de la non-application des textes juridiques en vigueur. Il souligne que l’écrasante majorité des viols se termine par le retrait de la plainte à tous les stades de la procédure, de l’instruction du dossier jusqu’en plein procès. Ce qui a donné lieu, selon lui, à la prolifération des récidives et la non prise en compte de la situation des survivantes dont l’unique salut est la société civile. Pire encore, dira en substance l’ancien commissaire, les agresseurs issus des rangs des forces de l’ordre et de sécurité sont quasiment assurés de l’impunité. Selon lui, les survivantes appartiennent dans leur écrasante majorité à des familles pauvres et déshéritées, proies faciles et faibles devant la pression sociale, tribale et financière.

Une loi non votée et une insuffisante implication de la société civile

Pour clore ce triste registre, note l’ex-commissaire, une loi contre la violence faite aux femmes et aux filles et que le parlement mauritanien a rejeté trois fois, la plus récente en 2021, sans compter la non activation de l’aide judiciaire devenu un instrument vide et sans coquille.

Enfin, Mme Argentina Matavel et sa suite ont visité la salle d’assistance technique téléphonique des femmes et enfants victimes des violences et de maltraitance, la ligne verte 1013 créée en 2010, fonctionnel 24 H/ 24 et 7 jours/7 et dont le suivi est assuré par des équipes de jeunes conseillers. Là, également, la volonté politique reste absente pour accompagner cet instrument de veille qui, selon Mme Zeynabou Mint Taleb Moussa, a permis de secourir plusieurs victimes. Selon elle et ses assistants, le nombre de violences a plus que doublé durant la Covid-19, avec une double sanction marquée par la suspension des services de santé reproductive et la rupture en pullule du lendemain, ce qui a eu pour conséquences l’explosion des grossesses non désirées issues de viol.

La visite du Centre WEVA s’est achevée par une projection sur les statistiques en terme de violences enregistrées, 1921 cas entre 2013 et 2022.

Cheikh Aidara