Fin de l’atelier sur le second plan national de la SCAPP, la vision de la Mauritanie dans les 5 prochaines années

ven, 10/06/2022 - 01:08

Conviés à examiner et valider les documents présentés par des experts nationaux et étrangers sur le deuxième plan quinquennal 2021-2025 de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP), les acteurs nationaux ont rendu leur copie le mercredi 8 juin 2022, à l’issue de deux jours de travaux et d’échanges. Un diagnostic sans complaisance de tous les problèmes de la Mauritanie a été posé et des esquisses de solutions proposées.

Pendant deux jours, du 7 au 8 juin 2022, acteurs sociaux, partenaires techniques et financiers, secteur privé et décideurs politiques ont planché sur le 2ème Plan national de la SCAPP 2021-2025. Ce document qui a été soumis à leur appréciation définit les axes de développement correspondant à la vision de la Mauritanie vers l’horizon 2030. Les trois groupes constitués autour des trois leviers de la SCAPP ont ainsi rendu leurs copies à l’issue de leurs travaux, au cours d’une plénière présidée par l’ancien Administrateur directeur général (ADG) de la Société Nationale Industrie et Minière (SNIM), Mohamed Saleck Ould Heyine.

Des défis à tous les niveaux

Le constat a été amer au niveau de tous les secteurs. L’alarme a été ainsi tiré sur les problèmes liés à la croissance, face à un secteur économique peu structuré, peu diversifié et peu compétitif. La pandémie Covid-19 et les crises multiformes au niveau de la géopolitique mondiale avec la rupture des chaines d’approvisionnement due à la situation en Ukraine et la montée des prix ont rendu la situation davantage plus compliquée, selon les participants.

L’ambition du second plan de la SCAPP, d’après la vision des experts, table sur une croissance de 7% au cours de la période 2021-2025, avec la manne attendue de l’exploitation du gaz et une rationalisation des dépenses publiques.

Ainsi, les participants à l’atelier relatif au Levier 1 de la SCAPP sous la présidence de l’ancien ministre Thiam Samba, ont-ils rendu leur copie relative à la croissance inclusive et durable, les secteurs productifs et le développement économique. Il fut aussi question dans ce volet de la transition énergétique avec la promotion de l’économie verte et de l’emploi vert, ainsi que la nécessité de développer davantage la digitalisation de l’économie.

Parmi les questions soulevées, la faible employabilité des femmes, les trois quarts d’entre elles se trouvant hors du circuit du marché du travail, car seules 25% d’entre elles sont actives. Il y a surtout le fait que 90% de l’économie mauritanienne est dominée par le secteur informel, or d’après les experts, « aucune économie ne peut se développer avec ce nombre important d’informalité ».

Education, Santé, Emploi

Dans le levier 2, sous la présidence de l’ancien ministre Isselmou Ould Taleb et la vice-présidence d’Abderrahmane Ould Didi, les participants ont discuté du volet relatif au relèvement de l’accès à l’éducation, l’amélioration des conditions d’accès aux services de santé, la promotion de l’emploi, la jeunesse, la culture et la résilience des populations vulnérables.

Dans ces différents secteurs, la situation a été jugée d’alarmante à plusieurs niveaux. Dans le domaine de l’éducation, il a été déploré l’insuffisance des infrastructures et la qualité médiocre de l’enseignement, avec la dévalorisation du métier d’enseignant et la dualité enseignement public et enseignement privé. Ce dernier, parce qu’il rémunère mieux les enseignants, a tendance à absorber le personnel enseignant au détriment du public. Une situation exacerbée par le départ massif à la retraite des anciens enseignants et l’absence d’une relève de bonne qualité. S’en suit une déscolarisation massive, la non prise en compte suffisante des besoins des enfants et des adultes vivant avec un handicap et la politisation de l’école.

Il a été recommandé dans ce cadre de restituer à l’école son rôle de facteur d’unité nationale et de cohésion sociale en plus de son rôle de formation citoyenne. Il a été aussi proposé la fusion des deux enseignements (public-privé) pour créer une nouvelle école capable de relever les défis de demain, d’introduire une nouvelle gestion basée sur la création de la carte scolaire et la mise en place d’un système scolaire décentralisé.

Dans le cadre de la formation professionnelle, il a été proposé de calquer le contenu des enseignements sur les besoins du marché de l’emploi, de réintroduire le système de l’internat et des cantines scolaires pour renforcer la cohésion sociale et l’unité nationale.

Dans le domaine de la santé, c’est le même constat, avec la dichotomie public-privé, le taux élevé des décès maternels et infanto-juvénile et la question d’éthique dans la gestion des biens publics.  A été aussi posé la nécessité de lier la nutrition à la santé, de promouvoir le droit à la santé et de renforcer la question genre, mais aussi de relever la qualité des soins. Autres propositions avancées, la création de la carte sanitaire qui permet de mieux quadriller le territoire et identifier les besoins par point géographique. D’où, la nécessité de promouvoir les regroupements villageois et de développer des mécanismes de rapprochement des services de santé, comme les caravanes médicales.

Concernant l’emploi, les jeunes et la culture, les participants ont insisté sur l’aspect protection de l’enfance qu’il faut renforcer, notamment les enfants vivant avec un handicap, les enfants de la rue et les enfants en conflit avec la loi. Autre point souligné, la nécessité de promouvoir le travail social, encore peu structuré, peu organisé et développé en Mauritanie, malgré les besoins énormes dans ce domaine. L’absence de qualification de la jeunesse mauritanienne a été posée, mais aussi les peu de ressources accordées par l’Etat au secteur de la jeunesse et des sports. Il y a surtout un manque notoire de coordination entre les divers départements sur la question de la jeunesse, pourtant considérée comme transversale. Il y a surtout l’absence en qualité et en quantité des données statistiques.

Gouvernance et capital humain

Dans le domaine de la gouvernance, les participants à l’atelier relatif au Levier 3, présidé par l’ancien ministre Mohamed Ould Nani, se sont penchés sur les 13 points se rapportant à ce volet. La question relative à la décentralisation et celle consacrée à la société civile ont accaparé l’essentiel des débats.

Dans le domaine de la décentralisation, l’accent a été surtout mis sur le capital humain jugé important surtout pour la gestion des régions et des communes. L’expérience des communes depuis la décentralisation communale de 1986 et la décentralisation régionale depuis 2018-2019 souffrirait aujourd’hui de l’absence de transfert des moyens après le transfert des compétences territoriales. Les participants ont insisté sur l’impérieuse nécessité de doter de moyens les entités décentralisées pour qu’elles puissent remplir leur mission, mais aussi la nécessaire prise en compte de la dimension environnementale à tous les niveaux.

D’autres trouvent qu’il faut réformer la loi sur la décentralisation compte tenu du contexte actuel et des spécificités locales. Il a été question d’un mapping des investissements pour mesurer l’impact des fonds injectés dans les régions avec la déconstruction des procédures financières. Il a été aussi recommandé de transférer la compétence des cellules régionales du Ministère des Affaires Economiques aux Conseils régionaux.  

S’agissant des plateformes de la société civile installées dans toutes les régions, il a été recommandé de promouvoir à leur sein la formation des jeunes, avec un point portant sur la mise en place de textes d’exécution de la nouvelle loi sur la société civile, une entité aujourd’hui considérée comme le 5ème pouvoir. Il a été question dans ce cadre de la nécessité d’associer les organisations de la société dans toutes les prises de décision et de poursuivre le renforcement de capacité de ses membres, mais aussi d’imposer des critères de catégorisation de la société civile.

A été abordée dans ce levier 3, la gouvernance politique, avec une demande pour la réduction du nombre de partis (27 théoriquement aujourd’hui après le 1% éliminatoire des législatives et municipales de 2018). Il fut également question du volet Justice, avec la nécessité d’une politique de réinsertion sociale des détenus, le renforcement des moyens humains, matériels et financiers du secteur et le renforcement de capacité de son personnel.

La gouvernance administrative a été aussi abordée avec la situation des fonctionnaires à améliorer et l’état-civil à revoir, notamment dans son volet enrôlement des enfants et dans celui relatif à une plus grande couverture des autres actes d’état-civil comme les mariages, les divorces, les décès, etc. La gratuité de ces actes fait aussi partie des décisions demandées, comme la création d’un centre de désintoxication et de réinsertion des jeunes sous dépendance en produits psychotropes.

Dans le domaine de la gouvernance économique et financière, il a été question des cash transfert Taazour à relever, de la création de pôles régionales de développement, de la réforme foncière et de la mise en œuvre effective de la SCAPP pour en faire un véritable levier de développement local et régional.

Dans le domaine de la migration et de réfugiés, il a été question de la pérennisation de la paix en matière de gouvernance transfrontalière, l’utilisation des langues nationales dans les médias régionaux, de contrer les contenus attentatoires à l’unité nationale et à la cohésion sociale des réseaux sociaux.

Les assises sur le Rapport du 2ème plan d’action de la SCAPP ont été marqués par un discours de clôture prononcé par le Secrétaire Général du Ministère des Affaires Economiques, Idoumou Ould Abdi Ould Jiyid.

Cheikh Aïdara

TEMOIGNAGE

Ahmed Baba Cheikh, Point Focal Société Civile au sein de la SCAPP

« Nous avons assisté durant deux jours aux assises consacrées à la validation du deuxième plan national de la SCAPP 2021-2025. Nous avons donné nos avis par rapport aux contraintes et difficultés que va rencontrer cette stratégie lors de sa mise en œuvre. Nous avons noté en particulier que cette stratégie n’est pas budgétisée et n’est pas conforme au Budget de l’Etat. Pour nous, elle est théorique sans point de rencontre avec le budget et ces différents chapitres ne le sont pas non plus, ce qui rend presqu’impossible le suivi de son exécution par le citoyen et par la société civile. »