Elections du 13 mai 2023, Birame et la Coalition de l’Alternance signent leur première sortie pour tirer la sonnette d’alarme

mer, 17/05/2023 - 02:12

« Le Ministre Nany Chrougha a utilisé la base de données de Taazourt pour forcer les familles bénéficiaires à voter pour le parti INSAF » dixit Birame Dah Abeid.

Birame Dah Abeid a animé mardi 16 mai 2023 une conférence de presse au cours de laquelle il a exprimé son inquiétude face au climat de colère qui se répand depuis l’organisation scabreuse des élections générales du 13 mai dernier. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) mais aussi les partis qui ont accepté le dialogue parrainé par le Ministre de l’Intérieur sont tous responsables, selon lui, de la mascarade électorale sur l’autel duquel la population mauritanienne a été sacrifiée.

En effet, le siège du mouvement IRA qui a servi de siège de campagne pour la Coalition de l’Alternance formée sous la bannière du parti Sawab, lors de la campagne électorale préparatoire du scrutin du 13 mai 2023, a abrité mardi 16 mai, une conférence de presse animée par Birame Dah Abeid (IRA), Oumar Ould Yali (RAG) et Ahmed Ould Oubeid (Sawab).

Le pouvoir est le plus grand perdant

Dans sa première sortie publique depuis la fin du scrutin du 13 mai 2023, Birame Dah Abeid, tête de liste du parti Sawab à la députation, a déclaré que la fraude massive qui a émaillé les élections sont sans commune mesure dans l’histoire politique du pays. Il a comparé le climat qui a prévalu durant ces scrutins à ceux qui ont eu lieu en 2003 sous Ould Taya, lorsqu’il offrit à ces deux principaux concurrents de l’époque, Ahmed Daddah et Messaoud Boulkheir, trois voix chacun.

Selon lui, la mascarade électorale à laquelle les Mauritaniens viennent d’assister dessert plus le régime de Ghazouani que ses opposants, car elle offre au monde une image non reluisante de la démocratie mauritanienne.

Il déclare avoir pris ses distances par rapport à Ghazouani depuis qu’il a renoncé au dialogue inclusif auquel tous les acteurs étaient conviés et qu’il avait mis en garde les partis politiques de l’opposition d’aller à l’abattoir auquel le Ministre de l’Intérieur les avait conviés pour leur imposer les règles du jeu : pas d’encre dans les bureaux de vote, pas de procès-verbaux pour les représentants des partis, pas de décalage de la date des élections, etc. Tous ses constats, l’opposition vient d’en tirer les conclusions, a-t-il ajouté, dans la dernière déclaration qu’elle vient de diffuser par rapport aux violations qui ont émaillé les élections.

Birame a souligné que Ghazouani n’a pas besoin de vivre l’amère expérience de Ould Taya qui a essuyé un coup d’état manqué après le scrutin de 2003, mais dont les retombées l’ont éjecté du pouvoir. Selon lui, « tout le monde n’est pas Birame ou le mouvement IRA qui militent pour la non-violence, et je trouve que les Mauritaniens ont le droit de prendre les armes », si le pouvoir veut continuer d’après lui, à maintenir la population par la violence publique, la transgression des lois et de la Constitution, le mépris de leur liberté de choix et la provocation primaire.

Pour Birame, le régime actuel est en train d’étouffer la population et de tuer tout espoir de changements auxquels elle aspire, précisant que tout cela est une patate chaude qui risque d’éclater à tout moment sur son visage.

Il en appelé à la rescousse des sages et des cadres imbus des constances de la République pour interpeller le Chef de l’Etat et lui demander de prendre ses responsabilités en annulant les résultats des élections du 13 mai durant lesquelles le choix des électeurs mauritaniens a été confisqué et dévoyé par son entourage.

Enfin, il a souligné que le pouvoir actuel n’a pas hésité à utiliser la vulnérabilité d’une couche de la population à des fins électorales pour le compte du parti au pouvoir. Il a accusé directement le ministre de l’Equipement et Porte-parole du gouvernement, Nany Ould Chrougha, d’avoir utilisé la base de données de l’Agence Taazour pour plier les 200.000 familles bénéficiaires des vivres et des cash-transfert à la volonté du régime et de son parti. Transportés à bord de bus, ces pauvres auraient ainsi été transbahutés d’une localité à l’autre, pour submerger les électeurs locaux et les livrer aux barons du parti au pouvoir avant de quitter les lieux.

Oumar Ould Yali, « du jamais vu »

Le président du parti Refondation pour une Action Globale (RAG), l’ancien ministre Oumar Ould Yali a déclaré qu’il n’a jamais vu durant toute sa carrière politique et même sous les pires régimes d’exception, des élections pires que celles que les Mauritaniens viennent de vivre. Au parti RAG et au mouvement IRA, cela semble ne pas les avoir surpris, a-t-il avoué en substance, soulignant que leur participation à ces scrutins était considérée comme une manière de participer à l’évolution démocratique dans le pays et à son rayonnement.

Selon Ould Yali, les prémisses d’une élection tronquée d’avance sont apparues depuis le jour où les partis politiques ont accepté de laisser le Ministère de l’Intérieur piloter les règles du jeu, comme au bon vieux temps de l’époque dictatoriale de Ould Taya où tout se jouait dans les locaux du Ministère de l’Intérieur.

Ainsi, pour Oumar Ould Yali, les élections démocratiques en Mauritanie sont désormais enterrées. C’est la première fois, dira-t-il en substance, que les horaires du scrutin pourtant fixés par la loi, ont été prolongés ad aeternam par la volonté d’un haut responsable du parti-Etat. Cela sans compter, le déplacement et la création subite de bureaux de vote, comme au temps où chaque chef de tribu avait son propre bureau dans lesquels les représentants des partis de l’opposition n’étaient pas admis. Il a lancé un appel au président de la République pour qu’il prenne ses responsabilités en sauvant les acquis démocratiques du pays, en imposant le respect des institutions de la République et ses symboles.

Ahmed Ould Oubeid, « sonner l’alarme »

Pour le vice-président du parti Sawab, Ahmed Ould Oubeid, l’objet de cette conférence de presse, « ce n’est pas pour parler des résultats des élections, nous le ferons à la fin des décompte », précisant qu’il s’agit de sonner l’alarme face à l’ampleur de la colère qui sourd dans toutes les régions du pays à cause de la fraude généralisée et éhontée qui a caractérisé les élections.

Il s’agit aussi, selon lui, d’alerter les responsables chargés de l’organisation des élections des dangers que court le pays et les inviter à un débat serein pour étudier les voies et moyens d’en sortir sans dégâts.

Selon lui, la CENI qui a été dotée de tous les moyens financiers et matériels nécessaires n’a pas pu jouer son rôle, en conservant son indépendance et sa neutralité par rapport à l’Exécutif et au parti au pouvoir. Plus grave, dira-t-il en substance, les commissions décentralisées de la CENI, au niveau régional, départemental et au niveau des arrondissements, n’ont pas été formés sur les opérations électorales, tout comme les représentants des partis candidats. D’où les erreurs mortelles qui ont marqué les élections et dont la responsabilité incombe en grande partie à la CENI et à son comité des sages ainsi qu’à ses cadres.

Ahmed Ould Oubeid a déclaré que ces scrutins sont aussi marqués par la descente dans l’arène électorale, pour la première fois, de tous les membres du gouvernement, lesquels ont utilisé leur fonction pour menacer les populations de privation des services de leur département s’ils ne votent pas pour le parti au pouvoir.

Il a enfin lancé un appel aux sages du pays pour une rencontre ouverte afin de tirer les conclusions néfastes de ces élections et rectifier ses dégâts mortels sur la sérénité politique et la confiance des populations dans les institutions de la République.

Cheikh Aïdara