Moctar Ould Diay, l’antihéros

lun, 22/05/2023 - 17:52

Beaucoup voudraient voir Moctar Ould Diay revenir au gouvernement par la grande porte. Certains le désignent même Premier ministre d’un imminent gouvernement formé, de tradition, après chaque grande consultation électorale, ou occupant un poste de confiance à la Présidence de la République.

Il faut dire que l’homme ne laissait pas indifférent, même avant d’avoir remporté, haut la main, la « mère des batailles », gagner à Nouakchott qui a été longtemps l’un des rares bastions de l’opposition : Les 9 communes, le Conseil régional et 7 députés sur 21. Nouakchott a aussi été d’un apport considérable dans l’élection des 18 députés EL INSAF (listes nationales mixte, femmes et jeunes) avec un taux de participation oscillant entre 60%, à Nouakchott Ouest, et 66,63%, à Nouakchott sud.

Quand je dis que Moctar Ould Diay ne laisse pas indifférent, je parle, d’abord, de mon expérience propre, moi qui ai passé vingt ans de ma vie (entre 1989 et 2005) au sein d’une opposition luttant, avec les armes offertes du moment, contre la dictature d’un homme (Taya) avant de m’opposer, tout aussi vainement, à celle d’un système (tribus, argent et savoir) et de comprendre, comme disent nos frères pulaar, que « bmourou fof quo farine » : autrement dit que l’homme politique mauritanien peut faire du bien - ou du mal – en étant opposant ou « majoritant ». Vérité bien établie chez nous.

Je dirai, pour revenir à Ould Diay, que j’ai toujours eu de l’admiration pour le directeur général des Impôts qu’il fut puis, pour l’excellent ministre des Finances qui a su révolutionner une gestion de l’argent public qui, avant lui, était du domaine des écuries d’Augias. Une pagaille généralisée. Dans les dépenses publiques, le choix des fournisseurs, les salaires (double ou triple), la gestion des entreprises (Somelec, SNDE, AMI, Radio, Télévision, ENER, etc. les factures d’eau, d’électricité et de téléphone, le parc auto de l’Etat, les logements (location, attribution), et j’en passe. Je prends un seul exemple (parmi mille) pour donner une idée de la justesse – la justice, l’équité – de la mesure prise par le ministre Ould Diay : on ne donne plus de logement à des privilégiés, comme moi, à l’époque, on accorde une indemnité à tous les fonctionnaires et agents de l’Etat ! Passant d’un taux de 35.000 UM, tout en « occupant » ma maison, à 26.000 UM, étant chef de division au Cabinet du Ministre de l’Education Nationale, j’ai loué, dans un article écrit à l’époque où je me voulais neutre (ni de la majorité ni de l’opposition) cette décision qui rendait justice à des dizaines de milliers de fonctionnaires et agents de l’Etat floués par une administration de « la naahi we la mountehi » (chacun agit comme il l’entend).

Je dirai aussi la même chose pour les impôts que seuls payaient les plus faibles d’entre nous : les salariés « coupés » à la source, les petits commerçants, les petits métiers de l’informel... Un tort que Ould Diay, alors directeur général, avait redressé en faisant rendre gorge aux sociétés et hommes d’affaires qui se dérobaient en se cachant sous le « forfait » ! Il a su faire monter l’assiette fiscale à un taux jamais inégalé permettant à l’Etat de s’autofinancer au lieu de continuer à s’endetter.

Il s’agit-là de réalisations concrètes et non d’une simple nomenclature qui, ailleurs, traduit souvent des projets restés à l’état de…projets. Elles justifient l’aura qu’Ould Diay a eu partout où il est passé, macha Allah, et montrent, que l’avenir politique et professionnel de cet homme n’est nullement compromis, le président Ghazouani n’étant pas homme à se soumettre aux caprices des donneurs de leçons qui sont légion sur les réseaux sociaux. Ces réalisations sont certainement aussi pour beaucoup dans le fait que Moctar Ould Diay s’est fait beaucoup d’ennemis, il est vrai, parce qu’il a bousculé des habitudes dans un département à problèmes (les Finances). Ses atouts ? Une bonne connaissance du domaine et une fermeté dont a besoin tout meneur d’hommes.

Ce n’est pas de la politique mais de l’efficacité professionnelle et académique de cet homme qui a fait ses premières armes au MEN dont je parle. Mais si voulez que l’on redescende vers le terrain de la politique, je ne dis pas non, car, là aussi, Ould Diay a des arguments à faire valoir.

Quoiqu’on dise, le raz-de-marée du parti El Insaf à Nouakchott doit beaucoup au « général » Moctar Ould Diay qui a su agir en militaire pour reconquérir cette citadelle. Ses connaissances en statistiques, sa méthodologie éprouvée dans le domaine économico-financier, pour ne pas dire la rigueur qui lui a permis d’aboutir aux résultats que l’on vient de citer au ministère des Finances, ont été mis à profit pour évaluer la situation et mettre en place la STRATEGIE El Insaf qui a donné les résultats que l’on sait. Peut-on reprocher à l’homme d’avoir tout mis en œuvre pour gagner dans un domaine (la politique) où la seule chose bénéficiant du consensus est que « tous les coups sont permis » ?

Ceux qui s’acharnent à charger Moctar Ould Diay pour avoir été ministre d’Aziz lui cherche la petite bête. Il est probablement celui qui répond le mieux aux caractéristiques de l’antihéros, héros non conventionnel, mais dont le mérite est grand. Je n’ai pas évoqué le passage au ministère des affaires économiques ni même celui à la SNIM où, en tant qu’ADG, Ould Diay a abattu un énorme travail en un temps record, redressant la barre de la production et redonnant le goût du travail aux employés de la plus grande entreprise du pays. Je laisse entre nous, « gens du Brakna », ce que Ould Diay fait dans le social étant l’instigateur du soutien (bourses) accordé aux élèves et étudiants démunis issus de son terroir. C’est pour dire, comme le pensent beaucoup de ses concitoyens, que l’homme a de la baraka. Macha Allah.

Ceux qui tirent à boulets rouges sur Ould Diay pour des raisons autres que celles tenant à la réalisation des objectifs de toutes missions qui lui sont confiées, obéissent donc à un agenda caché : ils se complaisent dans la médiocrité et l’amateurisme qui leur permettaient de tirer profit d’une situation de déliquescence dont le coût a pour nom « le moindre effort ».

Si le président du parti El Insaf (et sans doute le président Ghazouani) a décidé, malgré le tintamarre fait autour de la personne d’Ould Diay de lui confier le sort politique de la capitale Nouakchott, lors des élections municipales, législatives et régionales qui viennent de s’achever, c’est parce qu’il a vraiment le profil de l’emploi. L’homme qu’il faut à la place qu’il faut, pour « dire simple ». La présidentielle approche et Ould Diay sera sans doute là pour rééditer son exploit. Souhaitons-lui bon vent et laissons-le servir son pays ! Wtowv !

 

Sneiba Mohamed