Invité à l’investiture du président Mohamed Cheikh Ghazouani, Abdel Bari Atwan, journaliste palestinien, a livré samedi 3 août 2024 à Nouakchott, une conférence sur le thème « Déluge d’Al Aqsa, présent et avenir », revenant sur la fameuse attaque de la résistance palestinienne le 7 octobre 2023 en plein territoire israélien et ses conséquences.
Nouakchott a abrité samedi 3 août 2024, une conférence animée par le célèbre journaliste palestinien, Abdel Bari Atwan, un enfant de Deir Al Balah, camp de réfugié à Gaza. Il a dirigé de 1989 à 2013 l’un des trois plus grands journaux arabes à Londres, Al Quds Al Arabi. Citoyen britannique résidant à Londres, il est considéré comme l’un des éditorialistes les plus importants de la presse arabe. C’est une figure très écoutée et très populaire dans le monde arabe. Il intervient sur les chaînes d’Al Jazeera et la BBC. Il est membre du Parlement palestinien depuis 1990.
Profitant de son passage à Nouakchott sur invitation du gouvernement mauritanien pour assister à l’Investiture le 1er août 2024 du président Mohamed Cheikh Ghazouani, le réseau des femmes journalistes de Mauritanie et l’association des journalistes mauritaniens pour Al Aqsa, l’ont invité à animer une conférence intitulée « Déluge d’Al Aqsa, présent et avenir ».
Comme à son habitude, il a démarré la conférence par une anecdote, relatant avoir rencontré sur son chemin vers Nouakchott, une de ses connaissances qui lui a demandé où il allait. Il répondit « la Mauritanie ». Devant la mine étonnée de son interlocuteur, il dit avoir ajouté « le peuple mauritanien est parmi ceux qui portent la cause palestinienne dans son cœur. C’est une nation qui a conservé la pureté des Arabes, leur langue, leur culture et leur patrimoine immatériel, fait de naturel, de bonté, d’hospitalité et de grandeur d’âme ». Il dit n’avoir trouvé de similitude qu’avec le Yémen.
Puis, il a enchaîné par un témoignage sur la solidité de la démocratie mauritanienne et sa stabilité dans une région rongée par les conflits et les crises. Il trouve même que la situation en Mauritanie dans le cadre de la démocratie et des droits de l’homme est encore meilleure qu’en Occident où les masques sont tombés après l’attaque du 7 octobre.
La guerre de Gaza et le présent
« Dans un petit bout de terre, sans cours d’eau, sans montagne et sans forêt, sur une terre vierge, se bat depuis plus de 300 jours, un peuple encerclé, privé d’eau, de nourriture et de médicaments, contre des ennemies aussi puissants qu’Israël, les Etats-Unis et l’Europe » a-t-il fait remarquer.
Selon lui, l’objectif d’Israël est de chasser les populations de Gaza de leur territoire pour s’agrandir. « Mais les Israéliens sont tombés sur un peuple vaillant, prêt jusqu’au sacrifice ultime pour défendre la terre de ses ancêtres » a martelé Abdel Bari Atwan. Et d’ajouter « les habitants mangent des feuilles pour se nourrir »
Dix mois d’embourbement
La guerre menée par Israël et les puissances du monde contre Gaza est sans nulle autre pareille, dira-t-il en substance, citant les tonnes de bombes déversées sur ce territoire de moins de 400 kilomètres carrés pour une population estimée à 2 millions d’habitants.
Jusqu’en juin 2024, 37.658 palestiniens ont été tués à Gaza et 86.237 blessés, dont plus de 70% sont des femmes et des enfants, selon TF1 Info.
Les Israéliens, confrontés à la plus longue guerre de leur histoire militaire, plus de 10 mois, ne s’en sortent pas mieux, selon Abdel Barri Atwan. Plus de 4.000 morts et plusieurs milliers de blessés, des centaines, voire des milliers de chars « Mirkava », le fleuron de l’armée israélienne détruits, ainsi que des matériels de transports de troupes, laissés souvent sur le champ de bataille. Une économie en récession, 75 millions de dollars de perte, la quasi fermeture de leur plus important port commercial, ILAT, isolé par les Houtis du Yémen qui ont bloqué toutes les voies maritimes menant vers Israël. Sans compter plus d’un million d’Israéliens qui ont fui vers l’Europe, leurs pays d’origines, l’Allemagne, la Russie, la Grande Bretagne, etc.
La résistance reste intacte
Selon Abdel Bari Atwan, la résistance palestinienne, notamment le Hamas, les brigades d’Al Aqsa et le Jihad Islamique n’ont rien perdu de leur puissance de feu, des armes, des missiles et des munitions fabriquées sur place à Gaza. « 48%, des tunnels sont restés intacts et ce ne sont plus contre 20.000 combattants que l’armée israéliens se bat aujourd’hui, mais contre 200.000 palestiniens, car la quasi-totalité ont rejoint la résistance » a précisé Abdel Bari Atwan.
Les leçons de la guerre
D’après Abdel Bari Atwan, quatre leçons sont à tirer du « Déluge d’Al Aqsa » :
Un, Israël a perdu son aura d’invincibilité. Deux, il a perdu son pouvoir de dissuasion. Trois, Israël a perdu son crédo de pays sécurisé, car les évènements ont montré qu’il est incapable d’assurer la sécurité de ses citoyens. Quatre, Israël a perdu son mythe de pays stable, car depuis le 7 octobre, les manifestations se multiplient pour demander la démission de Netanyahou et le retour des otages détenus par la résistance palestinienne, plus de 130 israélien dont des femmes, des enfants, des vieillards et des militaires.
In finish, a souligné Abdel Bari Atwan, tous les observateurs, y compris des Israéliens, reconnaissent qu’Israël a perdu la guerre de Gaza. Le plus grand cauchemar des stratèges israéliens, selon lui, c’est l’entrée en lice des Palestiniens de Jérusalem-Ouest, là où ils vivent à plus de 4 millions. Selon Abdel Bari Atwan, cette partie commence d’ailleurs à bouger, avec les évènements de Khan Youness et l’exportation des usines de fabrication de missiles, d’armes et de munitions de guerre.
Les tactiques de guerre de la résistance palestinienne sont aujourd’hui enseignées dans les plus grandes académies militaires en Occident, rapporte Abdel Bari Atwan. La guérilla urbaine.
L’élargissement de la guerre
Pour Abdel Bari Atwan, ce sont les pauvres parmi la nation arabe qui se battent à côté de Gaza. C’est le Hezbollah libanais et ses 150.000 missiles. Mieux, dira-t-il en substance, le Hezbollah est passé de la guerre de soutien à la guerre des profondeurs. C’est aussi le Yémen qui a bloqué le trafic maritime desservant Israël, en s’attaquant à tout navire traversant le détroit d’Aden ou la Mer Rouge, allant jusqu’à s’attaquer au fleuron de l’armée américaine, le « Eisenhower ». Le Port de ILAT, plus grand port israélien est ainsi paralysé depuis le 7 octobre 2023. C’est encore le Yémen qui a envoyé il y a quelques jours des missiles dont l’un est tombé sur l’Avenue des Diplomates à Tel-Aviv, à 10 mètres de l’ambassade américaine, faisant des morts et des blessés.
L’avenir
L’avenir jusque-là doré d’Israël est en train de disparaître, selon Abel Bari Atwan. L’objectif, ce n’est plus de libérer Gaza, mais toute la Palestine. Selon lui, Israël a perdu toute crédibilité dans le monde. Tout comme les Etats-Unis qui ont perdu la guerre en Ukraine, comme ils l’avaient perdu partout où ils ont mené des guerres, au Viêt-Nam, en Irak, en Syrie, en Afghanistan, avec plus de 100 Milliards de dollars dépensés en Ukraine en deux ans, Israël aussi a perdu sa guerre la plus longue à Gaza, d’après Abdel Bari Atwan. Aujourd’hui, fait-il remarquer, l’Occident accuse Israël de l’avoir entraîné dans une guerre où ils ont perdu toutes leurs valeurs, leur moralité et leur âme, au regard des atrocités commises par son armée à Gaza. Pour Abdel Bari Atwan, Gaza a gagné au nom de l’Arabité et de l’Islam, mais aussi au nom, de la dignité humaine.
Cette résistance palestinienne est selon lui, le fruit d’un génie nommé Yahya Sinouar, qui a passé 23 ans dans les prisons israéliennes. Un temps si long qui lui a permis d’apprendre l’hébreu, la Thora, mais aussi la mentalité des Israëliens et leur fonctionnement.
Par la suite, Abdel Bari Atwan a répondu aux questions et commentaires du publics, constitués de journalistes, de penseurs et d’universitaires.
A noter que la conférence a été marquée par le mot prononcé par la présidente du Réseau des femmes journalistes de Mauritanie, Khdeija Moujtaba.
Cheikh Aïdara