Accueilli dans plusieurs localités du pays par des « Zéro » retentissants lors de la campagne pour la présidentielle, obligé de passer, selon ses adversaires de la présidentielle du 29 juin 2024, par des « fraudes électorales massives », Ould Ghazouani avait bien senti le désir de changement des 44% des Mauritaniens qui ont voté contre sa reconduction. Malgré tout, les yeux étaient rivés sur la formation du premier gouvernement de son second mandat et la déception fut au rendez-vous.
La formation du premier gouvernement du deuxième quinquennat de Mohamed Cheikh Ould Ghazouani suite au scrutin du 29 juin 2024 a déçu beaucoup de monde. En fait, il s’avère n’être, pour la plupart des observateurs, que le remake d’une pratique de dosage tribalo-ethnique et politique, bien établi depuis l’arrivée des militaires au pouvoir en 1978. Un gouvernement où le souci est d’abord de payer certains lobbies en contrepartie de leur effort électoral, plutôt que le changement explicite exprimé par plus de 44% des Mauritaniens qui ont voté contre lui et celui tacite des 56% qui l’ont plébiscité.
Un début prometteur avec Ould Djay
Lorsque Ghazouani a nommé Mokhtar Ould Djay à la tête de la Primature à la place de Mohamed Ould Bilal, un grand espoir avait traversé la Mauritanie, des plus proches entités du pouvoir jusqu’aux opposants les plus radicaux.
Birame Dah Abeid, classé 2ème à la présidentielle de juin 2024 et qui continue de contester l’élection de Ould Ghazouani, a vu dans cette nomination une décision qui « s’inscrit sur le bon chemin ».
Les partisans de l’ex-président Mohamed Abdel Aziz, toujours en prison, y ont perçu une action sage à saluer.
L’unanimité autour de Ould Djay fut pendant une ou deux journées, le cordon ombilical qui semblait unir tous les extrêmes.
La flagrante déception
C’est le lundi 5 août 2024, tard dans la soirée, que fut dévoilé la composition du gouvernement que tous les Mauritaniens, mais aussi tous les observateurs hors du pays, attendaient avec impatience, avec l’espoir que le changement tant souhaité sera au rendez-vous.
Mais la déception fut grande. La Montagne venait d’accoucher d’une minuscule souris. Onze ministres, membres du gouvernement sortant, avaient retrouvé intact leur place. Parmi eux, les détenteurs des quatre départements de souveraineté. La chasse gardée de Ould Ghazouani. Sa garde rapprochée. Mohamed Salem Ould Merzouggh, Affaires Etrangères, Mohamed Mohamed Lemine dit Ould Houerthi, l’Intérieur, Mohamed Mahmoud Ould Boya, la Justice et Hanena Sidi, la Défense.
Parmi aussi les ministres du gouvernement sortant rappelés figurent Mohamed Ould Beibat au même département de l’Agriculture, Savia NTahah au ministère de l’Enfance et de la Famille (exit les Affaires Sociales).
D’autres sont restés mais ont tout simplement changé de portefeuille. C’est le cas de Lam Houssein, nommé Ministre Secrétaire Général du Gouvernement alors qu’il était ministre des Pêches et de l’Economie Maritime dans le précédent gouvernement.
C’est aussi le cas de Mohamed Abdallahi Louly, placé à la tête du département chargé de la Jeunesse, des Sports et du Service Civique, précédemment ministre de la Transformation Numérique, de l’Innovation et de la Modernisation de l’Administration. Il y a également Sidi Yahya Cheikhna Lemrabott qui était ministre de la Fonction Publique et du Travail et qui devient dans ce nouveau gouvernement, ministre des Affaires Islamiques. Zeynabou Mint Ahmedna qui était Ministre de l’Emploi, de la Formation Professionnelle dans l’ex-gouvernement est maintenu comme ministre du Commerce et du Tourisme. Enfin, Niang Mamadou qui était ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique est devenu Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Habitat et de l’Urbanisme.
D’anciens ministres reviennent
Pour vraiment affirmer qu’il n’a rien retenu des leçons de la présidentielle de juin 2024 et qu’il fait fi de la demande de changement réclamé par les Mauritaniens, Ghazouani et son Première Ministre, ont même reconduit d’anciens ministres qui avaient été remerciés.
Il s’agit de Mohamed Soueidat, ex-ministre de la Culture qui revient comme Ministre de la Fonction Publique et du Travail. C’est le cas de Mélainine Ould Eyih qui fut Ministre de l’Education Nationale, de la Formation et de la Réforme, nommé dans le nouveau gouvernement comme ministre de la Formation Professionnelle, de l’Artisanat et des Métiers.
Il s’agit aussi de Massouda Baham qui fut ministre du Développement Rural et qui est rappelé à la tête du ministère de l’Environnement et du Développement Durable. On se rappelle qu’en 2015, son domestique étranger l’avait délesté de 12 millions d’ouguiyas volé de son domicile.
Il s’agit aussi de Amal Maouloud, qui fut ministre de l’Equipement et des Transports, puis Directrice générale de la compagnie Mauritania Airlines. Elle fait partie de ceux qui ont été auditionnés plusieurs fois dans le dossier de la décennie sur la gestion de l’ancien président Aziz. C’est elle et Hademine, l’ancien PM, qui avaient apposé leur signature sur l’attribution de la concession de financement, de construction et d’extension du Port de Nouakchott pour 390 millions de dollars US à la société Arise.
Les novices ou nouveaux entrants dans le gouvernement
Sid’Ahmed Bouh, le nouveau ministre de l’Economie et des Finances est un économiste expert en développement avec 21 ans d’expériences, dont de longues années au sein du même département comme directeur général chargé du développement du secteur privé et des PPP (Partenariat Public-Privé), puis directeur chargé du développement à la Zone Franche de Nouadhibou. Il a travaillé à la Banque Mondiale et à la Banque Maghrébine pour l’Investissement et le Commerce. Il a été également ministre conseiller à la Présidence de la République.
Houda Babah, Ministre de l’Education et de la Réforme de l’Enseignement, a été Directrice générale de l’Institut Pédagogique National (IPN), enseignante-chercheur à l’Université de Nouakchott, conseillère chargée de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, directrice du Centre universitaire de Cartographie et de Télédétection.
Dr. Abdallahi Wedih, Ministre de la Santé a été nommé en septembre 2023 Directeur général du Centre hospitalier de Nouakchott.
Mohamed Khaled, ministre de l’Energie et du Pétrole, occupait auparavant le poste de Directeur général de la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH).
Thiam Tijani, nommé Ministre des Mines et de l’Industrie, a occupé précédemment les postes de Secrétaire général du gouvernement, Directeur général de l’Etablissement des travaux et d’entretien routier (ETER), président de la Zone franche de Nouadhibou.
Mokhtar Gaguih, Ingénieur en génie civil, ministre de l’Elevage, a dirigé l’usine de Lait de Néma.
Ahmed Salem Ould Ebode, Ministre de la transformation numérique et de la modernisation de l’administration
Fadhili Sidaty, Ministre de la Pêche, des Infrastructures maritimes et portuaires.
Mokhtar Ahmed Bousseif, Ministre des Domaines, des Biens de l’Etat et de la Réforme Foncière était Secrétaire général du Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement.
Ely El Veirik, Ministre de l’équipement et des transports.
Houssein Ould Meddou, Ministre de la Culture, des Arts, de la Communication et des Relations avec le Parlement était à la tête de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA).
Yacoub Salem Vall, Ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, de la promotion de la décentralisation et du développement local, chargé de la décentralisation et du développement local, était directeur de la SOMASERT, une filiale de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), maire de Zouerate.
Ankimour Kodero Harouna, Ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget.
Changement de nomenclature
Beaucoup de départements ont changé de nom, certains ont même disparu et des directions ont été érigées en ministère. Ainsi, l’Economie et les Finances ont été réunis après plusieurs années durant lesquelles ces ministères étaient séparés. Les domaines et le foncier qui ont été toujours rattachés au Ministère de Finances passent ainsi de simples directions en ministère.
Le ministère de la Jeunesse et des Sports se détache du ministère de la Culture et s’allonge avec un service civique. La défense s’alourdit d’autres attributs, les affaires des retraités et les fils des martyrs. Le Ministère des Affaires Etrangères et des Mauritaniens de l’Extérieur devient le ministère des affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Mauritaniens de l’Extérieur.
Le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation devient le Ministère de l’Intérieur, de la Décentralisation et du Développement Local. Le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille devient le ministère de l’Enfance et de la Famille tout court. La formation professionnelle est détachée du ministère de la Transformation numérique pour former un nouveau département qui récupère l’Artisanat du ministère du commerce et on lui accole les Métiers qui ne figuraient nulle part.
Les mines ont été coupées de l’Energie et du Pétrole pour aller former un autre ministère avec l’Industrie qui a été détachée elle aussi du commerce.
Le ministère des Pêches et de l’Economie maritime devient le ministère de la Pêche, des Infrastructures maritimes et portuaires. Le commerce et le tourisme deviennent veufs de l’industrie et de l’artisanat. Le ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports et des Relations avec le Parlement devient le ministère de la Culture, des Arts, de la Communication et des Relations avec le Parlement. Le ministère de l’Environnement récupère le Développement Durable qui lui avait été arraché pour le racoler au ministère de l’Economie.
Cérise sur le gâteau, deux ministères délégués ont été créés, un rattaché au ministère de l’Intérieur et un au ministère des Finances.
Les remerciés
Quelques ministres ont quitté l’attelage gouvernemental, comme Ahmed Sid’Ahmed Dje, ministre de la culture, Ismael Abdel Vetah ministre de l’hydraulique, Dah Ould Sidi Ould Amar Taleb ministre des Affaires Islamiques, Isselmou Ould Mohamed MBady ministre des Finances, Abdessalam Ould Mohamed Saleh ministre de l’Economie et du Développement Durable, Lalya Aly Kamara ministre de l’Environnement, Hmedeit Ould Cheine ministre de l’Elevage, Mohamed Ali Ould Sidi Mohamed ministre de l’Equipement et des Transports, Lemrabott Ould Benahi ministre du Commerce.
L’ancien ministre des Mines, de l’Energie et du Pétrole, Nany Chrougha a été nommé dans la nouvelle équipe comme ministre directeur chargé du cabinet du Président de la République. L’ancien ministre de l’Habitat et de l’urbanisme, Sid’Ahmed Ould Mohamed a été nommé président du parti au pouvoir, INSAV.
Cheikh Aîdara