Comme beaucoup de Mauritaniens, pseudo intellectuels ou non, j’ai écouté les audio attribués au sieur Ahmed Ould Haroun Ould Cheikh Sidiya critiquant, sans ménagement, un pouvoir auquel il dit pourtant appartenir. Je respecte son point de vue, même si je trouve le procédé peu orthodoxe. Mais néanmoins, et contrairement à « l’extase » provoquée chez certains par les propos de cet « opposant de l’intérieur », je crois que dans la réflexion politique, plus que dans l’exercice de style lui-même, il s’agit d’un mauvais procès fait à Ghazouani et à son pouvoir.
Dire, par exemple, que rien n’a changé prête à équivoque. Certains diront qu’il s’agit là d’une légèreté impardonnable ! Quel changement voudrait-on, en effet, que celui qui a sorti le pays d’une crise politique décennale devenue une sorte de « normalité » ? Sous Aziz, la Mauritanie vivait « sous tension », à l’intérieur, et avec la plupart de ses voisins. Le premier des opposants, le député Biram Dah Abeid, arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, le reconnaît lui-même en disant que le changement et la démarche qu’il adopte aujourd’hui vis-à-vis du pouvoir sont la conséquence naturelle de l’apaisement et de l’ouverture dont le président Ghazouani a fait son credo.
Le changement est également au niveau de ce parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) qui, tout en se réclamant de la voie – nouvelle -, tracée par le président Ghazouani, prend l’initiative de penser et d’agir comme support politique à l’action du gouvernement. A ce niveau, le changement est notoire puisqu’on ose parler, dans divers ateliers interrégionaux, de problématiques considérées, hier, comme des tabous, et laissées alors entre les mains d’une opposition radicale et d’organisations de défense des droits de l’homme qui en usaient et abusaient, ici et ailleurs. Cette pacification de la scène politique n’est-elle pas, elle aussi, un changement notoire à saluer, puisqu’elle libère les énergies et permet d’aller à l’essentiel : les questions de développement.
Ould Haroun verse dans l’hérésie sociale quand il dit, sans « malice », qu’accorder l’assurance maladie à quelque 100.000 familles (soient 600.000 personnes) n’a aucun intérêt... puisque « les pauvres ne vont pas à l’hôpital » ! Soit, on vous accorde celle-ci, monsieur « l’opposant de l’intérieur », mais avez-vous cherché la raison de cette désaffection, supposée ou réelle ? Ne tient-elle pas au fait que, les pauvres, ces laissés-pour-compte de la décennie 2009-2019, ne pouvaient pas, justement, se soigner gratuitement, ce que la prise en charge leur assure désormais ? La crainte de « l’encombrement » de nos hôpitaux - devenus accessibles à nos pauvres - empêche Ould Haroun de voir cet autre changement qui est la traduction dans les faits de l’une des promesses (Taahoudati) du président Ghazouani.
Le dernier point sur lequel Ahmed Ould Haroun fait un mauvais procès au pouvoir est le dossier dit « affaire de la décennie » impliquant l’ancien président Aziz. Étant, jusqu’à hier encore, conseiller du ministre de la justice, il est incontestablement mieux informé du processus engagé au niveau du Parlement par une commission, librement établie par les députés, et qui se poursuit au niveau de la justice.
De tous les responsables impliqués dans cette sulfureuse affaire, l’ancien président est le seul à avoir choisi la confrontation avec la justice, en empruntant la voie risquée de la surenchère, en ne respectant pas les contraintes dans lesquelles il est placé, légalement, depuis l’enclenchement du processus. Ce qu’Ould Haroun reproche à la justice est de n’avoir pas tranché, dès le début, en envoyant Aziz en prison ou en le disculpant. Il parle de « gain » politique perdu, alors que la justice, en toute indépendance, a cherché, visiblement, à éviter de confondre vitesse et précipitation. Un autre changement non, quand on se rappelle la « célérité » avec laquelle la justice d’Aziz « liquidait » les dossiers de ses opposants.
Mohamed O.Brahim