M. Diop Amadou Tijane, président du Front Républicain pour l'Unité et la Démocratie (FRUD), assure la présidence actuelle de la Coalition « Espoir Mauritanie » qui regroupe plusieurs partis politiques et mouvements, notamment le Rassemblement des Démocrates Progressistes de Youssouf Issa, le parti Changement Effectif, le Sursaut Populaire et Démocratique (SPD) de Balla Touré, en plus de « Mauritanie Forte » et « La Mauritanie qui Rassemble ». Cette coalition a été lancée le 22 décembre 2022. M. Diop Amadou Tijane est revenu sur les objectifs et priorités de la coalition, mais aussi sur les élections générales en vue et sur d’autres questions d’actualité. Interview.
L’Authentique : vous avez lancé le 22 décembre 2022 une coalition dénommée « Espoir Mauritanie » avec d’autres formations politiques et mouvements. Quelles sont vos priorités à court terme ?
DAT : Je tiens d’abord à encourager particulièrement le journal « L’Authentique » pour le travail qu’il abat depuis plusieurs années.
Nous avons en effet lancé cette coalition dont j’ai l’insigne honneur de présider aux destinées. Elle est le fruit de longues concertations et d’un travail acharné que nous avons menés. Comme il a été dit lors de son lancement, la coalition n’a pas seulement pour objectif d’engranger des résultats lors des élections prévues cette année. Elle va au-delà. Elle doit rester au service du pays et de la population. C’est une idée et un projet social et de développement. C’est pourquoi nous avons fait appel à une large mobilisation partout où sont établis des Mauritaniens pour que chacun puisse répondre à notre appel et venir apporter sa modeste contribution, participer à construire une nouvelle Mauritanie. C’est dans ce sens que nous avons lancé certains slogans, comme une « Nouvelle Coalition pour une Nouvelle Mauritanie », une Mauritanie débarrassée de toute forme d’injustice, de ségrégation, de régionalisme, d’ethnicisme, pour qu’on puisse construire une Mauritanie juste et égalitaire. Une Mauritanie où tous ses fils pourront s’épanouir paisiblement et en toute sérénité. Une Mauritanie où les gens vivent avec les autres et non à côté des autres. Voilà l’idée fondamentale et fondatrice de cette coalition.
Cependant, par rapport aux objectifs à court terme, nous pouvons ne pas nous intéresser aux élections prochaines. Nous sommes en train de nous organiser davantage, de consolider notre union et notre cohésion, tout en travaillant pour contenir d’autres mouvements, personnes et organisations afin qu’ils viennent se joindre à notre projet. Nous sommes en train de nous investir pour cela. Bientôt nous allons publier officiellement nos instances dirigeantes qui prendrons en charge les préparatifs relatifs aux élections qui se pointent. Nous allons annoncer quelques candidatures bientôt. En un mot, nos objectifs à court terme, c’est de ratisser large, nous organiser, consolider notre union et faire venir le maximum de Mauritaniens autour de notre projet.
Nous souhaitons, et c’est l’un de nos objectifs prioritaires, avoir des candidatures lors des élections avec des élus au niveau du Parlement, des communes et des conseils régionaux sur l’ensemble du territoire et à l’étranger. Nous sommes en train de nous investir à fond et nous sommes objectifs.
L’Authentique : Le FRUD a participé aux concertations avec le Ministre de l’Intérieur sur les élections prévues en 2023 ? Quelles appréciations faites-vous de cette rencontre ?
DAT : effectivement, le FRUD a participé activement aux concertations nationales enclenchées le 12 juillet 2022 et qui ont abouti à la signature d’un protocole politique, que j’ai eu l’honneur de présenter en direct devant le peuple mauritanien. J’ai accordé deux interviews à ce propos pour traduire l’expression de notre satisfaction. Au sortir de ces concertations faites sur la base d’un consensus entre 24 partis politiques, une décision a été approuvée de façon consensuelle où chacun des leaders présents s’est retrouvé.
Nous avons fait aussi des innovations par rapport à beaucoup de points sur lesquels je ne reviendrai pas. L’objectif de cette rencontre était clair et précis, le résultat est là. Je ne peux que traduire ma satisfaction. Certes, il y a beaucoup de choses encore à faire. Des questions n’ont pas été débattues et nous les réservons à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui convoquera l’ensemble des partis pour échanger et trancher sur ces questions encore en suspens, notamment le calendrier électoral, les inscriptions sur les listes électorales et la constitution du fichier électoral, la qualité des bulletins de vote. Aucune de ces questions n’est encore tranchées jusque-là.
Même après cela, il y aura beaucoup d’autres choses qu’il faudra observer pour son application et sa mise en œuvre. La chose la plus essentielle, c’est pendant l’élection et la dernière phase du processus électoral. Autrement dit, est-ce qu’elle va être transparente ou pas ? Parce qu’en réalité pour se prononcer véritablement, il faudra attendre après l’élection pour savoir si tout ce qui a été discuté a été respecté oui ou non. C’est ce qui est pour nous le plus fondamental. Pour l’instant, nous apprécions jusque-là mais nous avons encore des réserves. Mais nous préférons attendre jusqu’à la fin des opérations pour apporter un jugement.
L’Authentique : il a été constaté la présence lors du lancement de votre coalition d’acteurs politiques non membres de cette coalition, à l’image du parti RAG qui attend sa reconnaissance mais aussi de RIBAT de Saad Louleid en particulier. Avez-vous approché ces deux formations et d’autres pour une coalition plus large ?
DAT : je tiens à préciser que les dirigeants du parti RAG M. Mohamed Abdel Aziz et Mme Kadiata Bâ, comme ceux du parti RIBAT, M. Saad Ould Louleid, étaient présents car ils ont été invités comme tous les autres chefs de parti. Il y avait aussi le vice-président du parti Tawassoul, le président de la Fondation Sahel. Bref, tous les partis politiques ont été invités.
D’autre part, notre alliance est ouverte. J’avais dit que dans le travail préliminaire que nous sommes en train de mener et inscrit dans le court terme, il y a notre volonté de ratisser large. Donc, nous allons vers d’autres mouvements et partis politiques, voire même d’autres alliances pour former éventuellement une alliance inter-alliance ou inter-coalition. Nous sommes disposés à rencontrer tout le monde et à les associer dans ce travail que nous avons déjà entamé. Il n’y a pas de filtrage par rapport à cette ouverture.
L’Authentique : quelle lecture globale faites-vous de la scène politique à l’orée d’élections générales que d’aucuns décrient comme décisifs pour l’avenir de la démocratie en Mauritanie ?
DAT : par rapport à la situation politique, elle est difficile à analyser. Elle est complexe et elle est ce qu’elle a toujours été, conforme à l’esprit et à la mentalité mauritanienne.
Il y a d’un côté la majorité qui tourne autour d’un parti au pouvoir, le parti INSAV, plus ou moins organisé car obéissant de facto au diktat du parti qui sert de tête de pont.
De l’autre côté il y a l’opposition complètement dispersée, plus ou moins inexistante, car fragmentée, disloquée et fragmentée, en voie de destruction. C’est la vérité. Je suis de l’opposition mais je ne peux pas me taire sur les attitudes.
Sa dispersion est d’ailleurs apparue clairement lors des consultations, même si cela ne nous a pas empêché d’arriver aux conclusions de la rencontre, dans un consensus total. Mais, l’opposition était divergente comme nous l’avons constaté. Elle n’est pas organisée ni structurée, ce qui la fragilise dans des compétitions électorales comme celles en vue. Je ne sais pas maintenant si jusque-là, elle va se ressaisir et la pousser à se regrouper, ce qui n’est pas évident. En tout cas, l’opposition mauritanienne n’est pas bien partante pour remporter la prochaine compétition électorale.
L’Authentique : quelle est votre position par rapport au traitement du dossier de Mohamed Abdel Aziz ? Pensez-vous qu’il est victime d’un acharnement politique ou d’une décision judiciaire justifiée ?
DAT : lors d’une conférence de presse organisée le 11 septembre 2021, nous avions annoncé officiellement notre position par rapport à cette question relative au dossier de l’ex-président Mohamed Abdel Aziz. Nous estimons qu’il est poursuivi pour des faits relatifs au détournement de biens publics sur la base d’un rapport établi par la commission d’enquête parlementaire qui épingle en même temps 300 personnes concernées. Jusque-là, il est présumé, car il n’a pas encore été déclaré coupable par une cour légalement constituée. Dans ce cas, il doit être traité en tant que présumé.
Notre position est que nous demandons à ce que le processus enclenché dans ce dossier soit poursuivi dans les conditions régulières respectant tout ce qui est prescrit par la loi. Qu’il soit jugé par des juges compétents et neutre. Si à l’issue de ce jugement, il s’avère qu’il a détourné des biens publics, nous demandons à ce que la loi lui soit appliquée dans toute sa rigueur. S’il n’a pas été établi clairement avec preuves à l’appui qu’il n’a pas détourné des biens publics, qu’il soit libéré et qu’il retrouve ses droits. Nous considérons que c’est un citoyen qui a des obligations et des droits et il est tenu de respecter les lois du pays. Nous demandons seulement aux autorités de ne pas politiser le dossier et de laisser la justice faire son travail en toute impartialité.
Propos recueillis par
Cheikh Aïdara