Depuis plusieurs semaines, la scène politique nationale est en ébullition. Les états-majors des différents partis politiques battent déjà une campagne avant l’heure, en vue des prochaines consultations électorales, notamment les municipales, les législatives et les conseils régionaux, prévus courant 2023.
La course vers la pêche aux voix bat son plein. Réunions politiques, meetings populaires, tournées régionales, congrès pour le renouvellement des instances... C’est la fièvre électorale au sein des partis et mouvements politiques en Mauritanie, à quelques encablures d’élections générales et locales prévues dans le premier semestre de 2023.
La Coalition de l’Alternance et sa virée populaire
Depuis plusieurs jours, le pool de l’Alternance amené par Birame Dah Abeid, député et président du mouvement IRA, Mohamed Abdel Aziz vice-président du parti RAG, Ahmed Ould Obeid, vice-président du parti Sawab, Salka Merhab Teinech, présidente de l’Association des fils de Martyrs, sillonne la Wilaya du Guidimagha. La délégation a ratissé toutes les Moughataas de la région, Sélibaby, Ghabou, Ould Yenge, allant de village en village, de localité en localité.
Partout, sur leur parcours, les accueils étaient populaires et enthousiastes. Les discours du leader abolitionniste et porte-flambeau de la coalition, Birame Dah Abeid, ont porté sur le programme politique de l’alliance, invitant les populations à s’inscrire massivement sur les listes électorales. De brèves embardées pour critiquer le pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazouani, son gouvernement et ses adversaires politiques, ont ponctué ses sorties.
Auparavant, la délégation avait battu les faubourgs du Trarza, de Rosso à Tintane, Mederdra, Keur-Macène, dans la chamama comme sur les bordures du fleuve, avec les mêmes élans populaires.
La délégation compte poursuivre son périple. Au passage, le pool de l’alternance a planté ses candidats en vue des différentes consultations à venir.
A Kiffa, le leader Birame Dah Abeid, hospitalisé un moment au centre hospitalier a repris son bâton de pèlerin sans attendre sa complète convalescence. A Fam Lekhdheirat, il a fait un tabac, là où il y a deux ans, un incident avait rompu ses contacts avec sa base. Sur ses traces, le même staff, rejoint par Mohamed Vall Hendeya, président du Mithaq des Harratines, qui avait organisé un meeting populaire à Guerrou le 25 janvier dernier.
INSAF et ses mouvements d’initiatives
Du côté des soutiens du Chef de l’Etat, Mohamed Cheikh Ghazouani, l’appel au rassemblement a pris diverses formes, avec les tentacules multiples du parti-Etat, INSAF, concurrencé parfois par des initiatives à caractère personnel parfois, tribal et régionaliste dans plusieurs autres cas. Une dispersion des forces hors du noyau central du parti qui n’a pas plu à ses responsables.
Le parti INSAF a organisé aussi des virées dans plusieurs régions du pays, avec des adhésions massives dans certaines régions. Il a eu aussi à superviser des candidatures aux candidatures du parti, avec ses guerres de tranchées et ses batailles intestines.
Les choix des candidats furent le lieu d’âpres empoignades entre les divers clans et sensibilités d’un parti qui a l’avantage d’avoir le pouvoir et ses atours, celui de détenir la main sur la haute administration, ses hommes d’affaires, ses chefs tribaux et ses notables, ses coups de sirène et l’aisance de celui qui détient les rênes du pouvoir temporel.
La récente visite du président Ghazouani à Rosso fut l’occasion pour le parti INSAF de tenir dans ces girons une région du Trarza jadis noyau de l’opposition en Mauritanie.
Mais les tentatives de récupération continuent d’émailler les tournées du parti INSAF. A Guerrou, la délégation conduite par l’ancien Wali, Ahmedou Ould Cheikh Hadrami a dû rebrousser chemin devant les tentatives du maire sortant de Guerrou, de s’accaparer tout seul de l’évènement en alignant ses seuls partisans et en voulant démontrer que la délégation est là pour lui seul. Ce que le délégué de INSAF n’a pas pu digérer, car il lui a répondu « je suis là pour l’ensemble de la population de Guerrou ».
Les Islamistes regroupent leurs forces affaiblis
Principal parti de l’opposition au parlement après les élections de 2019, le parti Tawassoul des islamistes est sorti presque divisé à la suite de son 4ème congrès de décembre 2022.
L’élection de Hamady Ould Sd’El Moctar n’a pas beaucoup plus aux partisans du président sortant, Mahmoud Ould Seyidi, battu à plate couture, 13% des voix contre plus de 86% pour son adversaire. D’où un certain mécontentement qui a failli effeuiller ses rangs.
Ce qui n’a pas empêché le parti de réussir sa première sortie, lors du meeting en fin janvier 2023, dans son fief de Ouad Naga, à une cinquantaine de kilomètres à l’Est de Nouakchott.
Congrès et rebelote
Deux présidents de parti ont décidé d’aller au charbon en mettant leur fauteuil en jeu, face à leurs congressistes.
Le premier s’en est sorti avec une reconduction pour une année à la tête de son parti. Il s’agit d’Ibrahima Moctar Sarr, président du parti Alliance pour la Justice et la Démocratie – Mouvement pour la Refondation (AJD/MR). A l’issu du congrès du parti, tenu les 18, 19 et 20 janvier 2023 Ibrahima Moctar Sarr rebelote à la présidence du parti qu’il a créé en 2007 avec un groupe d’activistes négro-mauritaniens qui avaient comme programme politique, la consolidation de l’unité nationale et la cohésion sociale, à travers le règlement du passif humanitaire, la distribution équitable des richesses et des postes de responsables d’une manière équitable entre toutes les composantes de la nation.
L’AJD, de son temps, avait enregistré un score honorable lors de la présidentielle de 2006, avec 8% des voix, score le plus élevé qu’un opposant négro-africain a obtenu. L’AJD a ses débuts parviendra même en 2013 à obtenir 4 sièges de députés à l’Assemblée Nationale ;
Des dissensions décimeront cependant l’AJD devenu AJD/MR, au point que le parti ne compte plus à ce jour aucun député ni maire d’une commune.
Ibrahima Moctar Sarr qui voulait passer le flambeau à la jeunesse lors du congrès passé, est resté sur la pression de ses militants. Mais il a insisté pour que son mandat ne dure qu’une année pour préparer dès 2024 la relève.
L’autre président que certains souhaitaient voir à la retraite, Ahmed Ould Daddah, reste aux commandes. Le vieux leader historique du parti Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), quelques années chef de file de l’opposition démocratique et son principal moteur, reste à la barre.
C’est le samedi 4 février 2023 que s’est ouvert le congrès. Il s’est achevé par un communiqué final dans lequel le parti a déclaré sa décision de participer aux prochaines consultations. Le timonier garde la barre et il ne fut nullement question de renouvellement des instances.
Cheikh Aidara