Après l’expulsion par la force de la députée Marième Mint Cheikh au cours de la plénière consacrée à la Déclaration de Politique Générale du gouvernement présentée par le Premier ministre devant l’Assemblée Nationale, jeudi 25 janvier 2024, Birame Dah Abeid a promis de porter l’affaire devant les juridictions nationales et internationales.
Lors d’un dîner organisé au profit des journalistes le jeudi soir, 25 janvier 2024 au domicile de la député Marième Mint Cheikh au PK 9 de Nouakchott, le député et président du mouvement abolitionniste IRA, Birame Dah Abeid, est revenu longuement sur l’incident qui s’est produit le matin à l’occasion de la présentation de la Déclaration de Politique Générale (DPG) du gouvernement pour la période 2023-2024 lue par le Premier Ministre, Mohamed Ould Bilal.
Retour sur l’incident
Après la lecture de la DPG, la parole est donnée aux députés. Intervenant à ce propos, la députée de la coalition RAG/Sawab, Marième Mint Cheikh, a dénoncé le rôle néfaste joué par les chiens de garde du système. Elle a évoqué au passage que sa coalition devait avoir droit à plus de 70 députés n’eût été la fraude massive qui a entaché les élections générales de 2023. C’est surtout ce mot de « chiens de garde » qui a été saisi comme prétexte par le Président de l’Assemblée Nationale, l’ex-général des Armées Mohamed Ould Meguet, pour demander l’expulsion manu militari de la députée Marième Mint Cheikh, suivie de sa suspension pour quatre séances.
Les images de la vidéo montrant ce que Birame a appelé la « milice de Meguet » entrain de forcer la députée à sortir de la salle d’audience a fait le tour de la toile.
« Nous les poursuivrons »
Lors de sa rencontre avec les journalistes, Birame Dah Abeid a déclaré qu’ils ont pris l’identité complète des membres de la « milice de Meguet », ce président de l’Assemblée Nationale, ancien chef de la police et ancien Chef d’état-major des forces armées qui veut transformer selon lui, le parlement en une caserne militaire.
« Nous avons déjà engagé les procédures sur le plan national et international et nous porterons cette atteinte grave portée contre l’immunité parlementaire devant les instances compétentes. Nos avocats sont sur le dossier » a affirmé Birame.
Museler les députés
Birame a déclaré pendant sa conférence de presse qu’il pensait qu’il y avait séparation des pouvoirs et qu’il ne pouvait imaginer voir le parlement se transformer en « garde chiourme et en chien de garde » du pouvoir exécutif pour diaboliser et attaquer de façon injuste les députés de l’opposition en les empêchant de jouer leur rôle, celui de critiquer le gouvernement et ses politiques.
« Comme si le gouvernement était incapable de se défendre, tant bien même qu’il dispose d’une pléthore de députés prêts à attaquer et à agresser tout député de l’opposition qui veut jouer son rôle en défendant le peuple ainsi que son mandat, véritable raison de sa présence au Parlement » a souligné Birame.
Selon lui, la députée Marième Mint Cheikh a le plein droit d’exprimer son point de vue. « J’en profite pour lancer un appel à la presse pour qu’elle joue son rôle en défendant la vérité et en informant l’opinion à travers la transmission des faits et des évènements, surtout quand il s’agit de l’agressivité du pouvoir exécutif et son ascendance sur le parlement à travers sa majorité automatique et embrigadée. Cela en totale complicité avec le bureau de l’Assemblée et son président qui se sont transformés en valets du pouvoir » a encore asséné le leader du mouvement IRA.
Les suprématistes comblés
Birame a cité les propos de la députée Ghamou Mint Achour de la même coalition RAG/Sawab, selon lesquels ce n’est pas le propos « chiens de garde » que Marième Mint Cheikh a prononcé et que le président de l’Assemblée a pris pour des propos adressés au Premier ministre, lui-même descendant d’esclaves, qu’elle a été ainsi punie, mais c’est pour satisfaire une députée de l’aristocratie des anciens maîtres qui a insulté Marième Mint Cheikh. Quand cette dernière a répliqué, la fille aristocrate a considéré que c’était le comble qu’une descendante d’esclave puisse lui répondre et a demandé des sanctions contre elle.
Pour le président du mouvement IRA, le comportement brutal de la « milice de Meguet » envers la députée Marième Cheikh traduit la réminiscence de pratiques jadis utilisées contre les esclaves rebelles et récalcitrants. « Meguet n’ose pas entreprendre cette brutalité sauvage si Marième était issue de la classe de la féodalité » a déclaré Birame, citant l’exemple du député Mohamed Bouya qui dans le même contexte a été caressé dans le sens du poil, convoqué en aparté après la suspension de la séance puis prié de quitter la salle. Pour Birame, le président de l’Assemblé a outrepassé les textes de l’Assemblée Nationale en assouvant un désir longtemps refoulé de s’en prendre à Marième, véritable épine dorsale dans son pied.
« L’initiative de Meguet vise en réalité à satisfaire les suprématistes qui rêvent encore du nivellement de classe » a souligné Birame. Selon lui, l’union sacrée qui se trame sur les réseaux sociaux et qui a été soutenue, voire animée par un cadre de l’opposition, se fait contre le peuple parce que Marième parle au nom du peuple.
Il rappelle que Marième a dit qu’elle considère qu’il y a des chiens de garde du pouvoir qui sont très dangereux pour le peuple parce qu’ils impulsent et exécutent une gouvernance raciste, ségrégationniste et gabegiste au détriment du peuple. « Ils sont dangereux pour le pays et pour le Président de la République parce que cette race de chiens de garde a amené un président de la République au gnouf après avoir déplumé le peuple pendant leur gouvernance » a martelé Birame.
Ils ont toujours craché, selon lui, sur leurs bienfaiteurs lorsqu’ils quittent le pouvoir, citant au passage, Taya, puis Aziz. C’est pourquoi, dit-il en substance, ils sont aussi dangereux pour l’actuel président parce qu’ils vont se retourner contre lui.
« Chiens de garde »
Birame rappelle que le terme « chiens de garde » a été introduit dans le lexique politique sur le plan mondial en 1932 par le pamphlétiste français Paul Nixan, écrivain et philosophe mort au combat lors de la 2ème guerre mondiale contre l’Allemagne nazie. Selon lui, les chiens de garde du système sont ces philosophes et hommes politiques qui servent le régime en place en se cantonnant dans les critiques générales qui ne touchent pas du doigt le fond de l’injustice perpétré par le système.
Plus tard, Serge Halmi sortira un livre sur les chiens de garde vers les années 80-90 où il les décrit comme des gens qui sous prétexte de dénoncer en des propos généraux et neutres les pratiques du gouvernement, ne font en réalité qu’à mieux les servir en donnant du crédit au système d’injustice. Ils sont selon lui en parfaite complicité avec le système dominant sous une apparence d’objectivité tronquée.
Cheikh Aïdara