Le président de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), Dr El Houssein Ould Meddou, a assuré, dans une interview exclusive accordée à l'Agence Al Wiam d'Information, que le décret portant sur la carte de presse va assurer une meilleure fluidité de la profession et sera d'un grand apport aux journalistes.
Le président de la HAPA a ajouté qu'en plus de cette importante loi sur la profession de journaliste, d'autres projets allant dans le sens de l'amélioration de la profession sont arrivés au niveau de l'assemblée nationale pour examen et adoption. Il s'agit notamment de la révision de la loi organisant le secteur audiovisuel, en plus de la presse électronique. Il a également évoqué, la réunion du comité interministériel chargé de la mise en œuvre du décret consacré spécialement aux radios et chaînes de télévisions qu'on attend dans un avenir très proche. Voici le texte intégral de cette importante interview.
Al Wiam : Où en est-on avec le projet de loi sur le journaliste professionnel et quelles en sont les principales caractéristiques ?
Dr El Houssein Ould Meddou : le projet de loi sur la profession de journaliste à travers l’établissement de la carte de presse fait partie d’un arsenal de textes organisant le secteur médiatique entrant tous dans le cadre de la restructuration enclenchée après la formation par le président de la République d’une commission nationale pour la réforme de la presse. Le projet de loi a été approuvé en conseil des ministres au cours des dernières semaines et il se trouve présentement au niveau de l’Assemblée nationale pour adoption. C’est là la partie d’un tout.
Car il faut rappeler que cette ultime étape a été précédée par l’amendement de la loi portant création de la HAPA, ce qui renforce certaines de ses prérogatives pour englober le numérique. Ces mesures seront suivies également d’autres lois raffermissant l’organisation de la presse dans tous ses aspects dont notamment la loi relative à l’aide publique à la presse ainsi que les décrets pris dans le cadre de cette réforme, particulièrement celui sur la carte de presse qui va renforcer la fluidité, le professionnalisme et la liberté du secteur. Cette loi apportera plus de garanties et de facilités au détenteur de cette carte professionnelle et limitera sensiblement ce que d’aucuns assimilent aujourd’hui à un semblant d’anarchie dans le secteur médiatique.
Al Wiam : Après l’adoption de la loi élargissant les compétences de la HAPA, comment se présente aujourd’hui le suivi du paysage médiatique ?
Dr El Houssein Ould Meddou : l’amendement de la loi créant la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel a permis, comme je l’ai dit tantôt, d’élargir les compétences de cette institution chargée du suivi, du contrôle et de la régulation du paysage médiatique national.
Il est vrai, à ce titre, qu’il s’agit d’acquis certains car, en plus de l’audiovisuel et de la presse écrite, la HAPA a aujourd’hui un droit de regard sur le numérique. C’est important certes mais cela pose d’autres défis à la structure de contrôle qui ne se limite plus seulement à l’audiovisuel et à la presse écrite mais doit aussi prendre en charge tout ce que génère le vaste domaine du Net.
Nous sommes tenus, en tant qu’institution de régulation et de contrôle, à rénover nos moyens et outils pour les adapter au nouveau contexte et avec cette donne favorable aux libertés et à l’ouverture mais également cela commande à prendre les mesures qui s’imposent pour éviter les écarts et déviations qui menacent la liberté d’expression elle-même. C’est pourquoi nous avons renforcé l’instrument de contrôle tant au niveau des ressources humaines que des moyens logistiques. Dans ce dernier registre, nous travaillons à l’acquisition d’un appareil propre aux réseaux sociaux capable de collecter l’ensemble de ce qui est publié sur la Mauritanie dans ce vaste univers, soient par des Mauritaniens soient par des étrangers. Ce suivi permet d’avoir une base de données fiable qui nous permet de suivre en permanence les enfreintes et pour assurer un flux libre des contenus et informations médiatiques.
Al Wiam : En quoi la construction d’un nouveau siège constitue un plus et peut-elle aider à la réalisation de votre programme ?
Dr El Houssein Ould Meddou : la construction d’un nouveau siège pour la HAPA entre, comme vous le savez, dans le cadre des réalisations et projets supervisés par Son Excellence le Président de la République à l’occasion de la commémoration du 63ème anniversaire de l’indépendance nationale. Il s’agit d’un siège répondant aux normes architecturales les plus modernes et idéalement bien placé en centre ville ce qui traduit l’importance qu’accorde Son Excellence aux institutions de la République et aux structures de contrôle.
Les travaux du futur siège qui comporte 44 bureaux ont débuté depuis deux mois et il doit être livré dans 15 mois environ. Ce siège facilitera la plupart des activités de la HAPA et lui donnera plus de respect et de considération. Il comprend un certain nombre de pavillons dont un dédié aux services techniques. Il comprend également les services audiovisuels, l’organe de contrôle et les services administratifs, en plus de l’espace devant accueillir les manifestations, ateliers et séminaires que la HAPA organise de temps à autre au profit des journalistes. C’est en cela que nous considérons ce siège comme un important acquis permettant à la HAPA de travailler dans un cadre approprié.
Al Wiam : les observateurs ont constaté récemment un regain d’activités de la HAPA au niveau de ses relations internationales. Que peut-on attendre des visites que vos collègues ont effectuées à Nouakchott dans le cadre de la coopération et notamment de la formation ?
Dr El Houssein Ould Meddou : Comme vous le savez, le travail de la HAPA est fait d’accumulations, d’apports des uns et des autres. Depuis sa création en 2006, la HAPA a bénéficié de ces efforts continuels d’expériences qui lui ont permis un réel ancrage, que ce soit au niveau des réseautages avec les institutions pairs au niveau mondial débuté par la visite du président de l’Autorité de régulation de communication audiovisuel et du numérique (Arcom) en France et qui s’est poursuivie avec celle de notre collègue du Sénégal, il y a de cela un mois. Dans ce cadre, il se prépare l’organisation d’un congrès international avec la participation de toutes les structures de régulation et de contrôle des médias en Afrique membres de la Conférence des Instances de Régulation de la Communication d’Afrique qui se tiendra à Nouakchott et dont le thème sera : « le contrôle et les élections » pour signifier l’importance que revêt l’actualisation des instruments et outils utilisés pour garantir un accès libre et simple à tous les acteurs et candidats aux élections comme processus mettant en avant les valeurs démocratie et de liberté. Comment concilier entre la bonne appréhension des instances de régulation de leur mission, pas seulement en dehors des élections, mais aussi quand celles-ci ont lieu. C’est ce qui nous a poussés à choisir un tel thème pour la rencontre qui se tiendra à Nouakchott dans deux mois.
Les visites que nos pairs ont effectuées dans notre pays ont été couronnées, comme vous le savez, par la signature de conventions dont on attend un partenariat fructueux dans le domaine qui nous concerne, notamment la formation pour les journalistes mais aussi les cadres qui s’occupent de la régulation et du contrôle des médias dans notre pays. Nous sommes membre à part entière des instances de régulation des médias d’Afrique, des pays arabes, des pays islamiques et de ceux de la francophonie ainsi que de l’espace méditerranéen. Nous espérons que cette appartenance multiple sera d’un apport important dans la réalisation de nos objectifs, non seulement dans le bon accomplissement de notre mission mais dans le soutien aux journalistes par l’échange d’expériences. Il en va de même pour les structures chargées de faire face au flux médiatique de manière générale et de l’exploitation des données par des instances comme l’Unesco et d’autres organisations du système des Nations Unies que les questions de presse et d’informations intéressent.
Al Wiam : Après votre réception hier du président de la commission électorale nationale indépendante, peut-on dire que vous avez commencé la préparation des élections présidentielles à venir en ce qui concerne le volet presse et diffusion audiovisuelle et l’équité dans l’accès aux médias publics de tous les candidats ?
Dr El Houssein Ould Meddou : il y a grande convergence entre la mission de la Ceni et celle de la HAPA en ce sens que la première est chargée de l’organisation matérielle des élections et que nous avons pour rôle de garantir l’accès équitable des partis politiques et des candidats aux médias publics et à assurer la neutralité de ces organes dans la couverture de ces scrutins.
En cela, nous avons des expériences diverses partant des élections de 2006 jusqu’à aujourd’hui. Il y a quelques mois seulement, nous avons assuré cette mission lors des élections municipales, législatives et régionales, avec près de 429 tranches d’antennes gratuites dans les médias publics. Tout a été fait en concertation avec les représentants des partis politiques, qui se réunissent avec la HAPA et les partenaires comme la ceni, les Nations unies et l’Union pour mettre en place la stratégie appropriée pour une plus grande équité dans l’accès des candidats aux médias publics.
Cette concertation permanente permet de tirer les leçons et de trouver des solutions aux lacunes qui peuvent survenir, mais aussi pour consolider les acquis obtenus au tout au long du processus qui a suscité la satisfaction de nombreux acteurs politiques et candidats aux différentes élections. Car la HAPA a toujours veillé à assurer l’équité, s’agissant de l’accès aux médias publics, et la bonne circulation de l'information pour qu’elle arrive aux citoyens et aux candidats. C’est dans ce contexte que nous recevons le président de la Commission électorale nationale indépendante, afin de coordonner et préparer de manière optimale les élections présidentielles prévues en juin prochain.
Je fais partie de ceux qui estiment que la HAPA a différents rôles à jouer dans ce domaine précis, non seulement dans les débats d’idées opposants les partis politiques et leurs candidats mais aussi dans la sensibilisation et l’éducation citoyenne pour une plus grande responsabilité lors des élections. Cela passe également par la formation des journalistes pour une bonne couverture de l’évènement et une bonne visibilité de l’ensemble du processus électoral.
Les élections donnent l’occasion aux uns et aux autres de défendre leurs idées, de faire des propositions que les citoyens apprécient et valident ou pas en donnant leur suffrage dans un climat de démocratie et de liberté. Le journaliste ne doit pas se contenter seulement du factuel, c’est-à-dire de la couverture des élections en tant qu’évènement, mais il doit aussi accompagner tout le processus pour l’étudier, en tirer les conclusions susceptibles d’aider à son perfectionnement.
Je considère le processus comme une opportunité sans pareille de rehausser et entretenir les notions de dialogue constructif et d’éclairer le citoyen, non seulement dans la dimension procédurale du processus électoral, mais aussi pour lui permettre d'écarter toutes les pressions qui pourraient s'exercer sur lui pour qu'il vienne au jour du scrutin après avoir acquis la conviction qu'il votera librement, avec perspicacité et pleine conscience de ce qu’il fait.
Al Wiam - Quels sont les efforts entrepris par la HAPA pour limiter l’aide publique à la presse aux institutions qui remplissent effectivement ses conditions ?
Dr. El Hussein Ould Meddou : Il s’agit d'un problème ancien mais récurrent. L’aide publique à la presse, comme vous le savez, a été augmentée sensiblement passant au double de ce qu’elle était au cours des trois dernières années, atteignant cette année 400 millions d’anciennes ouguiyas en application d’un engagement du Président de la République de le doubler à l’horizon de 2024.
Le soutien à la presse se répartit entre les dotations distribuées en fonction de certains critères que la commission établit et respecte, la formation des journalistes et la promotion des valeurs d'excellence journalistique à travers l'attribution de prix annuels, ainsi que l'accompagnement social des journalistes malades et des familles de leurs défunts. Il s'agit d'un ensemble de mesures qui permettent de fixer les modalités de distribution du montant et les récents amendements ajouteront plus de ressources à ce fonds. Je conviens donc avec vous, et nous tenons à ce que cela soit ainsi, que seules les institutions concernées en bénéficient.
Il est vrai qu’au cours des années passées, l’enveloppe dédiée au soutien à la presse était souvent distribuée sans une réelle focalisation sur le processus d'évaluation mais, maintenant, grâce aux enquêtes que nous menons, nous savons la réalité de chaque organisation de presse, celles qui sont en règle avec le fisc, qui disposent de siège et engagent un personnels, ce qui constituent quelques-uns des critères de base pour prétendre à l’appui du fonds d’aide. Nous évaluons aussi ces médias par leur régularité, attestée par l’imprimerie nationale pour la presse papier.
La commission en charge de la répartition des ressources du fonds travaille en fonction du respect de ces critères et normes, pas d’autres choses et elle laisse la porte ouverte à toute personne qui a des réclamations et s’estime être lésée.
Al Wiam : La HAPA a beaucoup investi dans le domaine de la formation des journalistes. Pensez-vous qu'il est devenu possible de s'appuyer sur une nouvelle génération de journalistes pour redonner à la profession son sens ?
Dr El Hussein Ould Meddou : Comme vous le savez, le métier de journaliste, quels que soient les efforts que nous déployons dans le domaine de la formation, reste un métier qui nécessite une mise à jour constante des compétences de ceux qui en ont la charge. La profession est en constante évolution et nécessite un maintien constant également en matière de formation et d'actualisation des connaissances et des expériences, et pour cette raison la HAPA a consenti de grands efforts dans le domaine de la formation au profit des journalistes de toutes les catégories (presse papier, web journalisme, audiovisuel, etc.) mais aussi à ceux qui exercent dans les langues nationales (pulaar, ouolof, soninké). Nous collaborons dans ce sens avec l’ENAJM (l’école nationale d’administration, de journalisme et de magistrature) comme institution spécialisée. Il faut aussi noter que les pouvoirs publics sont en train de travailler à la création d'une structure stable et durable de formation dans le cadre de leurs projets liés à la Cité des Médias et à la Maison de la Presse. Nous avons bon espoir que les efforts entrepris actuellement aboutiront à la création d'une structure permanente à cet effet. Car la formation assure la mise à jour et l'amélioration des connaissances des journalistes. La plupart d’entre nous ont besoin d'une formation actualisée, étant donné le développement rapide des technologies de l’information et de la communication, ainsi que des techniques et des métiers utilisés dans le domaine du journalisme en général. J’insiste cependant fortement sur le fait que tous les efforts que nous déployons ne peuvent représenter qu'une petite partie de la réponse aux attentes des journalistes, et in fine aux attentes du citoyen, car nous accompagnons les journalistes en formation afin d'améliorer l'offre présentée aux citoyen avec lequel nous lie un contrat solide et permanent pour mettre à sa disposition des médias diversifiés et de qualités.
C’est cela qui va aider à restaurer la confiance en la profession et à bâtir quelque chose de solide à partir de toutes les accumulations d’expérience depuis la création de la HAPA à ce jour.
Il faut aussi souligner que notre rôle est de nous dresser contre la désinformation et la recrudescence d’une presse qui fait fi de la responsabilité qu’elle a envers les citoyens pour informer juste et ne pas toucher aux fondamentaux de la profession et encore moins à ce qui peut être considéré comme des « lignes rouges », s’agissant des Valeurs authentiques de notre peuple et de tout ce qui menace la sécurité, la quiétude et l’intérêt du pays. Je ne dis pas qu’il faut restreindre les libertés garanties par la Constitution mais il ne faut pas faiblir, dans notre mission de régulation et de contrôle d’un domaine aussi sensible que celui de la production et de la diffusion de l’information face à ceux qui agissent sans égards aux fondamentaux de la profession pour que le flux de données rendu possible par les nouvelles technologies ne se transforme en anarchie médiatique nuisible à tous points de vue.
Le but de tout média et de tout journaliste professionnel doit être de fournir une information crédible pas de propager des fake news qui portent non seulement préjudice aux personnes et aux institutions mais sèment la haine entre les citoyens et menacent la quiétude de tous. Nous pensons que seul un journaliste bien formé, encadré, peut savoir ce qui est permis, du point de vue professionnel et éthique, et ce qui sort du cadre de l’information stricte.
Source : Agence Al Wiam (traduction : Sneiba Mohamed)