Tous des peshmergas ! Vous, lui, moi. La Mauritanie est en train de gagner, haut la main, la palme du journalisme alimentaire !
Peshmergas est ce nom qu’une certaine presse affichant une « honorabilité » usurpée donne à ces centaines de journalistes – journulistes – qui font fi des règles les plus élémentaires régissant une profession devenant « le petit mur » de tout celui qui cherche un métier sans qualification. Une distinction faite à tort parce que, la pratique de tous les jours, montre que le « peshmerguisme » est le Mal généralisé. Sauf que certains le pratiquent avec raffinement et parviennent à gagner gros jusqu’à se donner les airs de grands patrons de presse qu’ils sont loin d’être.
L’ambasseur Cheikhna Ould Nenni, l’un des pionniers de la presse privée mauritanienne, souvent pris pour cible par des journalistes à la solde de certains de ses adversaires politiques, déclarés ou non, ou de ceux dont il a souvent dénoncé les agissements quand il était à la tête de l’un des plus importants groupes de presse du pays, au cours de la décennie 1990-2000, me reprochait, avec raison, d’avoir contribué à la floraison d’une presse au rabais en servant de « nègre » à des feuilles de choux dont les propriétaires, souvent incultes, ont fini par se faire un nom. Lui avait compris, très tôt, qu’une sélection naturelle pouvait se faire, si les « écrivants », comme moi, cessaient de prêter leurs plumes aux individus qui ont infesté la profession avec, comme seul objectif, de s’en servir comme moyen de survie et de chantage contre les politiques et les hommes d’affaires. On joue souvent les uns contre les autres, alors que cette « chaire à plumes » (comme la chaire à canons) n’est que la victime, consentante ou non, d’un journalisme alimentaire pratiqué de tout temps par une certaine presse.
Le développement rapide du numérique et l’entrée fracassante des réseaux sociaux dans la diffusion anarchique de l’information ont contribué à l’accentuation des dérives que la presse papier et les sites charriaient dans leurs sillages, en l’absence de lois susceptibles de réguler, sérieusement, un secteur ressemblant, de plus en plus, aux Ecuries d’Augias.
La volonté de restructurer le secteur sera vaine si la réforme amorcée en 2021 s’arrête au seuil d’un redéploiement des moyens financiers que l’Etat octroie à la Hapa (Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel) et au ministère de la culture, de la jeunesse, des sports et des relations avec le parlement, sans revenir aux fondamentaux qui font le départ entre le journaliste (de métier ou de formation sur le tas) et ceux, nombreux, qui ne disposent pas des pré-requis académiques pour l’exercice d’un métier capable du meilleur et du pire, à tel point qu’il est appelé le quatrième pouvoir.
Certes, on ne peut empêcher certains journalistes, surtout ceux qui font de l’opinion – donc de l’alignement idéologique ou politique – le tout du journalisme de donner des qualités à ceux qui les financent, à coups de millions d’ouguiyas, mais ceux-ci doivent accepter qu’ils ne sont différents en rien d’un peshmerga ordinaire, sauf que ce dernier réclame son « statut » fièrement, alors que le premier affiche la pudeur d’une p…!
Parce que ce journalisme alimentaire haut de gamme rapporte gros, ceux qui le pratiquent ont tendance aujourd’hui à délaisser la presse papier pour se lancer dans l’aventure – oui, s’en est vraiment une – des plateformes et des sites ! Pourtant, cela ne change rien à la pratique de ceux qui ne mettent pas de gants ni de filtres pour afficher clairement leur allégeance à tel homme d’affaires ou tel personnalité politique prête à payer ce qui ressemble bien à une officine de communication.
Comme des palefreniers engagés dans des « écuries », ces journalistes sans vergogne savent qu’il faut toujours entretenir le feu de la discorde entre ceux qu’ils défendent – ou accablent – pour que, eux-mêmes, trouvent leur raison d’être. Et sans qu’ils le veulent, peut-être même tout en étant gênés, Noueigued, Bouamatou, Chav’i, Zeine El abidine, Tajidine, et j’en passe, se trouvent cités dans des écrits qui les opposent à d’autres avec un air de « soupçon » et une dose de machiavélisme dont se servent des journalistes de leurs cours. Et il ne s’agit pas que de nos hommes d’affaires ! Les hommes politiques sont également « mangés » à cette sauce.
Toujours est-il que, quoi qu’on dise – ou qu’on fasse – ces journalistes, qu’ils agissent à découvert ou pas, ne trompent personne. Le jeu, moins subtile qu’ils ne le pensent, les place au même niveau que ces journalistes taxés de pershmergas qui guettent les visites, les séminaires ou souhaitent ardemment l’éclatement d’une crise pour renouveler leur allégeance à ceux qui les entretiennent mais contre lesquels ils peuvent aussi se retourner quand ils sont sollicités par un autre prêt à donner plus.
Sneiba Mohamed