Au Mali, la sortie médiatique inattendue du Premier ministre ChoguelMaiga révèle, une fois encore, le côté sombre de la politique. Ayant choisi d’accompagner l’armée dans sa volonté d’opérer des réformes profondes devant garantir aux Maliens un retour, s’inscrivant dans la durée, de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, le Premier ministre, débarqué depuis, a montré, clairement, que son engagement était de circonstance. Une sorte de "placement" politique que les hommes d’affaires, joueurs, qualifient de "bon risque".
Ce qu’il faut comprendre, avec les nouvelles transitions démocratiques en Afrique (Mali, Niger, Burkina Faso, Guinée, Gabon) est qu’il s’agit d’agendas ouverts, alors que celles qui se sont passées avant ces rectifications patriotiques étaient, en réalité, des révolutions de palais soutenues par l’Occident, notamment la France. Ces transitions prendront fin, quand les objectifs seront atteints, en fonction des spécificités de chaque pays, pas des ambitions et accommodements de politiques dont la gestion des affaires publiques a montré ses limites de l’indépendance à nos jours.
Pour revenir à la situation particulière du Mali, il faut dire que le travail ne vient que commencer. Le retour de la sécurité, après plusieurs années, de situation d’Etat failli, ne se limite pas à la stabilisation d’une sorte de ligne Maginot, comme l’avaient fait les régimes d’avant le 19 août 2019, mais à la récupération de tout le territoire national et au retour à la pleine souveraineté de l’Etat à travers une administration de développement consciente de la grande responsabilité qui pèse sur ses épaules.
C’est pour dire que les dirigeants Maliens actuels - et tous ceux qui vivent une situation similaire au Sahel - ont raison de ne pas confondre vitesse et précipitation. Ils doivent marcher à leur propre rythme. Sans pression aucune, ni de l’extérieur ni de l’intérieur. Parce que, ceux qui s’agitent, pour réclamer le retour à la "démocratie", sont mus par des agendas cachés privilégiant leurs ambitions personnelles sur l’intérêt général. Parce que, comme l’a si bien dit le président Assimi Goita, quand la sécurité est encore à construire, les élections peuvent (doivent) attendre, car elles relèvent de ces choses dont F. Ravel dit qu’elles sont « inutiles et incertaines ».
S’occuper d’élections pour simplement satisfaire l’exigence de faire « comme en Europe », alors que le contexte africain est différent, relève de l’inconséquence. La démocratie « ne se mange pas », pour paraphraser A. Kourouma. Elle est même un luxe dans un pays où le minimum vital, comme la sécurité, la santé et l’éducation, relève encore d’une lutte de tous les jours.
S’Il faut précipiter les choses pour satisfaire les caprices d’une élite politique qui n’a jamais réussi à gérer le pays de manière à faire taire les revendications populaires en matière de bonne gouvernance, je dirai, comme beaucoup de panafricanistes sincères, « haro sur la démocratie et les élections » !
Ici, en Mauritanie, nous avons vécu le même cas, en 2005. Tout le peule était derrière l’armée, la seule institution organisée sur laquelle l’on peut compter en tant de crise. Les partis politiques, les organisations syndicales et celles de la société civile n’offrent aucune garantie quand le danger arrive sans crier gare, qu’il s’agisse de menaces terroristes, de velléités étrangères ou de troubles sociaux provoqués par l’incurie d’une gestion civile des affaires publiques. Les peuples préfèreront toujours la légitimité de l’Armée à la légalité que l’on attache, à tort ou à raison, à un pouvoir civil issu d’élections souvent organisées sans les conditions minimum de transparence. Ceci est vrai au Mali, comme en Mauritanie, au Niger, au Burkina Faso, en Guinée et dans tout pays africain où l’Armée, contrainte d’assumer ses responsabilités de gardienne de la souveraineté nationale et de la quiétude des citoyens, s’est vu obliger de prendre le pouvoir et de ne le rendre que quand toutes les conditions sont réunies. Le pouvoir de l’Armée plutôt que l’incertitude de la démo-gâchis.
Sneiba Mohamed, journaliste,
- Directeur de la Rédaction à Courrier du Nord
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