La technologie des typhavelles est un exemple de solutions fondées sur la nature que l’Aire Marine Protégée (AMP) de Saint-Louis du Sénégal a développé dans le cadre du projet SEDAD piloté par le Projet Régional pour la Conservation de la zone côtière Marine (PRCM), avec l’appui du Centre de Suivi Ecologique (CSE) de Dakar et l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) soutenu par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM). Mauritaniens, Gambiens et Casamançais sont venus s’inspirer de cet exemple au cours d’une visite d’échanges qui s’est déroulée du 27 au 30 novembre 2024.
Lorsqu’en 2018, les premières cases de typhavelles furent installées sur l’AMP de Saint-Louis, la mer était à 40 mètres de la terre ferme, selon le capitaine Kabou, Conservateur de l’aire protégée. Elle sortait même souvent de ses limites, selon lui, pour venir chatouiller les eaux du fleuve situées à plusieurs centaines de mètres à l’intérieur du continent.
Aujourd’hui, la mer a reculé à plus de 120 mètres et ne menace plus les vastes hectares de terres qu’elle avait arrachés aux villages avoisinants. Ces terres de culture, seules sources de subsistance des communautés hôtes, ont ainsi repris leurs pleines activités.
Des monticules de dunes se sont en effet formées grâce à cette technique qu’une forêt de filaos plantés un peu plus loin est venu consolider.
Moulaye Mbaye, président du Comité de gestion de l’aire protégée qui représente les communautés hôtes de l’AMP a dit toute la satisfaction des populations face aux efforts déployés par les équipes techniques du Centre de Suivi Ecologique (CSE) de Dakar et de la Direction des Parcs Nationaux du Sénégal (DPNS) qui ont permis le recul de la menace marine.
A la découverte des typhavelles
Il a fallu une marche de 3 Kilomètres sur la plage, lors de la 2ème journée de la visite, pour arriver à l’installation des premières cases de typhavelles, des rectangles de typhas morts de 8 mètres-cubes qui s’étalent sur 2,5 kilomètres en direction de l’embouchure du Fleuve Sénégal.
Le dispositif ainsi installé a permis, selon le capitaine Kabou, de récupérer en six ans quelques 80 mètres de plage avec le recul de la mer. Du coup, ce sont des dizaines d’hectares de champs qui ne sont plus menacés par la montée des eaux.
Des dix-neuf villages qui occupaient les zones de culture, seuls six ont pu résister à la charge marine durant les années passées, explique El Hadj Ameth Sène Diagne, président de la coopérative des maraîchers de l’aire protégée. Les activités ont repris selon lui avec des rendements importants en légumes, pommes de terre, oignons, tomates, melons, entre autres.
Les typhavelles ont ainsi permis de restaurer les zones humides et de lutter contre les érosions côtières.
Justement, c’est cette expérience réussie de solutions fondées sur la nature que la délégation du Parc National du Banc d’Arguin est venue tirer de Saint-Louis dans le cadre du projet Solutions Ecosystémiques d’Adaptation Durable (SEDAD). Ce projet est financé par la coopération canadienne à hauteur de 15 millions de dollars U.S pour la période 2023-2026. L’objectif est d’apporter une réponse aux défis urgents liés à l’adaptation aux changements climatiques dans les écosystèmes fragiles, notamment le Parc National du Banc d’Arguin (Mauritanie), le parc de Niumie et de Jokadu (Gambie) ainsi que l’AMP de Ufoyaal Kassa-Bandial (UKB) en Casamance (Sénégal).
Chez le maître du typha
La visite de Saint-Louis s’est achevée le samedi 30 novembre par une excursion dans le quartier Bango de Saint-Louis. Les délégations se sont en effet rendues auprès du GIE « SOXALI ALAAM GUI » dirigé par Mamadou Mbaye, « le maitre du typha ».
Là, Mauritaniens, Gambiens et Casamançais ont été édifiés sur la valorisation du typha dans ses aspects écologique, social et économique.
Grâce à cette plante, certes envahissante mais utile, selon Mamadou Mbaye, le GIE s’est transformé aussi en centre de formation pour les jeunes, dont des étudiants de l’Université Gaston Berger. Ici, ils apprennent tous les métiers liés au typha, la maçonnerie, la charpenterie, la fabrication de composte, de clôtures pour concessions et champs, la transformation en charbon de bois pour la cuisine, et même l’alimentation animale et humaine. Plus de 200 jeunes ont été formés jusque-là, affirme Mamadou Mbaye.
Ainsi, le siège du GIE « SOXALI ALAAM GUI » serait entièrement construit à partir du typha, les murs, les toits et les clôtures. Le typha a même permis, selon Mamadou Mbaye, la reconstitution de l’écosystème, notamment la reforestation en mangrove, une plante aquatique qui avait presque disparue.
Le PNBA se prépare à lancer l’expérience
D’abord réticente par rapport à une éventuelle prolifération du typha au niveau du Banc d’Arguin, la délégation mauritanienne conduite par le Conseiller du Directeur Général, Sidi Mohamed Ould Lehlou, a été rassurée sur le caractère inoffensif des tiges de typha et sa technologie qui seront implantés au PNBA pour contrer la montée de la mer.
En effet, les villages Imraguens situés dans le parc, notamment Nouamghar, Iwik, Teychet et R’Gueîba, sont sous la menace constante des eaux de l’Océan Atlantique.
La technologie des typhavelles, probablement remodelée selon le contexte du Banc d’Arguin, représente aux yeux des techniciens du CSE de Dakar et de l’AMP de Saint-Louis une belle expérience pour faire reculer la mer et préserver la viabilité du PNBA et de ses habitants.
Des échanges d’expériences et de pratiques enrichissants
A la fin de la visite d’échanges à l’AMP de Saint-Louis, Mauritaniens, Gambiens et Casamançais ont exprimé leur satisfaction par rapport à la mission ainsi que les explications fournies par les techniciens.
Côté sénégalais, les apports ont été utiles, notamment ceux des Commandants Cissé et Diouf de la Direction des Parcs Nationaux du Sénégal, du capitaine Kabou, Conservateur de l’AMP de Saint-Louis, Aliou Seydou et Nicolas MBengue du Cégep de Dakar, Honorine Diatta du Cégep de Podor et Marième Soda Diallo du CSE de Dakar.
La Délégation mauritanienne, conduite par Sidi Mohamed Ould Lehlou, Conseiller du Directeur Général du PNBA, comprenait deux de ses collaborateurs, en plus de Mme Salla Bâ, Coordinatrice de Programme au Projet Régional pour la Conservation de la zone côtière Marine (PRCM), accompagné de son collègue, Ismail Ould Kebbade, chef de projet, en plus d’une dizaine de jeunes ambassadeurs et ambassadrices climatiques, issus des quatre villages Imraguens du parc, ainsi que des agents locaux du projet SEDAD.
Cheikh Aïdara
Saint-Louis