Médias et Presse, « Mauritanie Perspectives » organise une table-ronde sur le secteur informationnel en Mauritanie

ven, 02/05/2025 - 02:58

Du 29 au 30 avril 2025, « Mauritanie Perspective » et le Forum Information et Démocratie dont elle est devenue le 55ème membre, ont animé une table-ronde multi-acteurs sur le thème : « Information et communications : état des lieux en Mauritanie et enjeux démographiques à l’heure de l’intelligence artificielle ».

Dans un monde en pleine mutation, avec l’émergence de l’Intelligence Artificielle (IA), l’espace médiatique mauritanien se trouve confronté à de véritables défis qui l’obligent à restructurer son espace afin de le rendre plus fiable et transparent.

C’est pourquoi la Mauritanie s’est engagée dans un processus de réformes importantes de son système informationnel, promulgation d’une nouvelle loi sur la presse et définition du journaliste professionnel avec la nouvelle carte de presse dont le dispositif juridique vient d’être approuvé en conseil des ministres. La volonté des autorités mauritaniennes est désormais conduite par le souci d’assurer l’équilibre entre régulation, liberté de presse et lutte contre la désinformation.

D’où le projet développé par « Mauritanie Perspectives », un think-thank indépendant qui œuvre à l’amélioration des politiques publiques, et le Forum Information et Démocratie (FID), une initiative internationale qui défend un espace médiatique libre, responsable et accessible.

Le projet entendait réaliser un état des lieux du paysage médiatique mauritanien, identifier ses forces et faiblesses et proposer des solutions concrètes pour l’avenir.

Le moment clé de ce projet est l’organisation, les 29 et 30 avril 2025 à Nouakchott, d’une table-ronde multi-acteurs qui a réuni gouvernement, journalistes et responsables de la société civile ainsi que des experts du numérique autour d’un dialogue essentiel pour repenser la régulation de l’information. 

Camper le contexte mauritanien

Ouvrant les travaux de la table-ronde, Issa Ould Yedali, Directeur de la Communication au Ministère de la Culture, des Arts, de la Communication et des Relations avec le Parlement, a appelé à un renforcement du palmarès de la Mauritanie en matière de liberté d’information dont elle occupe le lead au niveau africain et au niveau du monde arabe, malgré de nombreux défis qui persistent encore.

Il a reconnu qu’en termes de liberté de la presse, la Mauritanie a connu des hauts et des bas jusqu’en 2016 où elle occupa la 40ème place mondiale et la 1ère place au niveau africain et arabe. Une position qu’il explique par le recul des libertés en Afrique dû aux nombreux coups d’état militaire que le continent a connus ces dernières années, les conflits armés, la montée des discours populistes, mais aussi par l’ancrage déjà en Mauritanie de cette liberté dans le substrat social et le respect du droit des minorités.

Il a reconnu certes un recul du classement RSF de la Mauritanie en 2019 où elle a été rétrogradée au 93ème rang mondial, 3ème au niveau arabe et 9ème sur le plan africain. Aujourd’hui, la Mauritanie est 33ème sur le plan mondial en matière de liberté de presse, 1ère sur le plan africain et arabe.

Cette position serait d’après lui le fruit de plusieurs progrès dans le domaine institutionnel avec la création de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel (HAPA), dont les rapports et recommandations ont permis au département de la Communication d’améliorer et de perfectionner sans cesse son arsenal juridique et institutionnel. Ce qui s’est traduit par la nouvelle loi de 2024 sur le journaliste professionnel et le décret instituant la carte de presse, sans compter entre autres la révision des textes créant la HAPA pour prendre en compte dans ses missions les nouveaux médias (réseaux sociaux).

Issa Ould Yedali a précisé que dans l’interprétation des textes relatifs à l’exercice journalistique, ces interpellations se font toujours en faveur de la liberté de presse. 

Il a aussi évoqué le doublement du fonds d’aide à la presse qui est passé de 200 à 400 millions d’ouguiyas anciennes, le lancement imminent des radios privées communautaires pour renforcer les médias de proximité plus que ne le font déjà les médias publics qui couvrent pour l’instant seuls tout le pays. Il a parlé aussi de l’encouragement de l’Etat à multiplier les médias en langues nationales avec l’institution d’une Journée de la diversité culturelle pour cet objectif.

Des panels sur l’état des lieux du paysage informationnel

Après Camille Grenier, Directeur exécutif du FID qui a présenté son institution, Birome Guèye, consultant, a présenté une étude sur l’état des lieux du paysage médiatique mauritanien et l’impact de l’IA. Cet état est caractérisé selon lui par la pluralité des médias, les questions liées à la qualité de l’information en Afrique et en Mauritanie en particulier, problèmes d’accès à l’information et multiplication des fakenews.

Il a aussi évoqué la précarité des professionnels du métier (2.000 pigistes dans les médias publics), la montée des discours de haine, les défis sociaux et culturels qui constituent autant d’obstacles pour une information de qualité et équitable.

Il s’est toutefois félicité des nombreuses réformes entamées telle que l’introduction des langues nationales au sein de l’Agence mauritanienne d’information (AMI) qui conserve son statut d’organe officiel au contraire de la TV Al Mouritania et Radio Mauritanie devenus des organes d’utilité publique. 

Il a aussi relevé la montée de la désinformation avec l’explosion des réseaux sociaux et de l’IA.

Les défis actuels de la communication

Dans un panel sur les défis actuels de la communication en Mauritanie et dans la sous-région, le Tunisien Oussama Bouagila, Chargé de Plaidoyer régional Afrique du Nord, reconnaît que l’écosystème informationnel en Afrique est marqué par la pluralité encore fragile des médias et l’absence d’inclusivité dans le partage de l’information dans une région qui vit, selon lui, une quasi absence de dialogue et de diversité des points de vue.

Bakary Guèye, journaliste et président de la section Mauritanie de l’Union de la Presse Francophone (UPF) a évoqué pour sa part l’extraordinaire flux d’informations qui s’abat sur le public, au point que même les journalistes ne savent plus où donner de la tête. Il a évoqué cependant les évolutions en cours en Mauritanie avec les nouvelles réformes prises pour assainir le paysage médiatique et améliorer les conditions de travail des journalistes.

Avec la modération de l’ancien ministre Aziz Ould Dahi, sur l’analyse du rôle des médias dans la construction démocratique et l’évaluation des mécanismes de régulation et les axes d’amélioration, Médallahi Ould Bellal, membre de la HAPA, a évoqué le Digital Service Act (DSA), un outil de contrôle des grandes mégapoles qui ont mis la main, selon lui, sur les médias et les moyens. Il a aussi parlé du rôle de l’UJNESCO dans la gestion des plateformes et des réseaux sociaux à travers les principes de gouvernance qu’il a institués sur les plateformes numériques en 2023.

Adèle Sejad, informaticien et responsable en logistiques des entreprises de transport maritime a abordé l’IA en évoquant le premier lancement du premier Chat-GPT le 30 novembre 2022 et la rapide évolution que cet outil a connue en trois ans.

A son tour, David Youant, journaliste et chercheur de Côte d’Ivoire, a parlé de l’expérience de son pays dans l’utilisation de l’IA à travers l’adoption d’une Charte en dix points.

Le dernier panel a permis à Khalilou Diagana, journaliste rédacteur en chef du journal Horizon et à Khdeija Moujtaba, journaliste et présidente du Réseau des femmes journalistes, d’aborder la question relative à l’IA, l’éthique et la responsabilité du journaliste, la protection des données et la régulation des réseaux sociaux.

Travaux de groupe

La dernière journée de la table-ronde a été marquée par les travaux de groupes autour de deux grands sujets. Il s’agissait pour les deux groupes de formuler des recommandations.

L’un des groupes avait réfléchi sur les problématiques prioritaires, à savoir, l’accès à l’information et la transparence, l’indépendance et la viabilité économique des médias.

Le deuxième groupe a travaillé sur la lutte contre la désinformation, l’éthique et l’IA, ainsi que l’éducation aux médias.

A ajouter qu’une minute de silence a été observée en solidarité avec les Palestiniens de Gaza soumis à un génocide sous les yeux silencieux du monde.

Cheikh Aïdara