L’annonce à Nouakchott d’un accord entre la Mauritanie et l’Etat du Koweït sur une dette vieille de quarante ans est incontestablement un succès économico-diplomatique de premier plan. Il dépasse, de loin tout ce qui a été entrepris, au cours de ces dernières années, dans le cadre de la gestion du lourd fardeau d’une dette estimée, avant cet accord, à 5 milliards USD.
Le Koweït renonce à 95% des intérêts de sa dette sur la Mauritanie et accepte que les 5% restants soient transformés en investissements dans des secteurs choisis de commun accord. Ainsi la Mauritanie qui traine ce lourd fardeau de la dette depuis quarante ans (plus d’un milliard de dollars US) n’aura à rembourser que le principal, soit 82,7 millions USD. Elle mobilisera des ressources additionnelles, au sein de son budget, pour honorer l’investissement de 5% convenu avec le Koweït et qui rappelle un accord de même type avec la France, en 2003, le contrat de désendettement et de développement (C2D).
Pour Sid Ahmed BOUH, Directeur du Pôle Services Institutionnels à la Banque Maghrébine d'Investissement et de Commerce Extérieur (BMICE), cet accord providentiel est à saluer comme le « plus grand succès » parce qu’elle place la Mauritanie dans le peloton de tête des pays qui ont su faire face à la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19), sans pour autant oublier les questions d’importance comme celle de la dette qui se négociait, dans divers cadres, sous forme de moratoire ou d’annulation pure et simple. L’accord avec le Koweït est à inscrire donc dans cette dernière option que réclamait, à maintes occasions, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani au nom des pays membres du G5 Sahel.
« Il est tout à fait normal que l’entente ne concerne pas la dette elle-même, soit 82,7 millions de dollars, selon l’actualisation annoncée par le ministre des Finances, parce que le Koweït a une démocratie parlementaire qui n’autorise pas le gouvernement à annuler une dette sans l’aval des députés », explique ce haut cadre mauritanien qui a une longue expérience dans les domaines du management et pilotage des réformes au sein de l’administration de son pays et en tant que directeur exécutif du Trust Fund BaComaB) et des stratégies et politiques de développement (à la Banque mondiale).
Le calcul des intérêts avant de convenir d’en éponger 95% fait cependant polémique. L’estimation des 5% restants qui sont destinés à l’investissement varie, selon que l’on soit dans le camp mauritanien ou koweitien, de 90 millions de dollars à 160 millions de dollars, selon les règles de calcul qui ont fait l’objet de controverse au cours des années passées.
Toujours est-il que l’impact de ce « restant » ne sera pas dommageable sur l’équilibre budgétaire de la Mauritanie, en raison de deux facteurs. Le premier est que la mobilisation n’aura pas lieu sur le budget d’un an. Elle suivra le rythme d’identification et de lancement des projets d’investissement convenus entre les parties. D’autre part, les 5% des intérêts créeront un retour sur investissement pour l’Etat mauritanien, avec de nouvelles opportunités d’emploi notamment et une contribution aux efforts de réduction de la pauvreté.
L’amortissement du principal est prévu sur 20 ans avec une période d’exonération de deux ans et un intérêt de 0,5% similaire à l’intérêt appliqué par la Banque mondiale (Agence internationale pour le développement) pour ses prêts aux pays les plus pauvres, auquel s’ajoute une commission de nantissement de 0,2%.
« Cela signifie qu’en septembre 2044, la Mauritanie aura payé à la partie koweïtienne un total de 87 millions de dollars, dont 82,7 millions de paiements pour le principal et 4,3 millions de dollars pour les intérêts », estime Sid Ahmed BOUH. Ce qui représente un service de dette annuel pour la partie koweïtienne de l’ordre de 4,3 millions de dollars sur une période de vingt ans (de 2024 à 2044).
Le règlement convenu avec le Koweït a conduit à une réduction significative du niveau d’endettement de la Mauritanie qui chute de 60% du PIB (estimé à 7,448 milliards USD par Le consortium Franklin/Finexem recruté en décembre 2020 afin d'aider la Mauritanie à gérer sa dette extérieure) pour atteindre 55%. Malgré son niveau élevé, cette dette pourrait encore baisser grâce aux mécanismes de désendettement enclenchés dans le cadre d’initiatives à l’échelle internationale, comme celle du G20, permettant aux pays pauvres ou à revenu intermédiaire de bénéficier de facilités pour faire face aux effets d’une pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) qui s’installe dans la durée.
Sneiba Mohamed
Source : AFRIMAG (Maroc)