En deux jours d’intenses sessions et d’échanges à Nouakchott, les 21 et 22 mars 2022, les Coordonnateurs des pays membres du Projet Autonomisation des Femmes et Dividende Démographique au Sahel (SWEDD) et leurs partenaires techniques et financiers, ont préparé les documents de base devant servir à la 6ème réunion des ministres membres du Comité Régional de Pilotage (CRP) du projet SWEDD, dont la présidence est assurée par M. Ousmane Mamoudou Kane, ministre mauritanien des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs (MAEPSP).
Les rideaux sont tombés mardi 22 mars 2022 sur les travaux des Coordonnateurs des unités de gestion et les responsables suivi-évaluation du projet SWEDD qui regroupe 10 pays, alors que quatre nouveaux candidats frappent à sa porte, Congo, Togo, Gambie et Sénégal.
La cérémonie de clôture a été présidée par le Secrétaire général du Ministère des Affaires Economiques (MAEPSP), M. Mohamed El Moustapha Ould Abdi Ould Jiyid qui a souligné la nécessité de renforcer la collaboration entre les pays au niveau des activités transfrontalières pour un meilleur ciblage des populations. « La rencontre a permis de préparer les documents clés qui seront soumis au Comité Régional de Pilotage, instance de gouvernance du projet SWEDD pour lui permettre d’adopter le bilan des activités 2021 et d’indiquer les orientations stratégiques devant guider la conduite du plan d’action 2022 » a-t-il déclaré
Des innovations pour booster les indicateurs
Faisant l’économie de la rencontre dans une synthèse de l’atelier, Pr. Babacar Fall, consultant, a mis en exergue la performance du projet SWEDD, visible selon lui, à travers les résultats réalisés lors de la première phase d’exécution (2015-2019) et qui sont en train d’être confirmés dans la deuxième phase (2019-2023), notamment un bilan financier et un plan de travail annuel 2022 satisfaisant et prometteur, ainsi qu’un partenariat renforcé avec l’UNFPA et l’OOAS. Il a surtout noté les innovations, saluées par les participants, réalisées au Mali et au Niger à travers les systèmes numérisés de collectes et de suivi-évaluation des indicateurs, mais surtout le passage à l’échelle du projet à travers les demandes d’adhésion exprimées par plusieurs pays, dont quatre déjà en phase d’être intégrés comme le Congo, la Gambie, le Sénégal et le Togo.
M. Babacar Fall a relevé la pertinence des approches visant à améliorer le partenariat interfrontalier et l’analyse du système de suivi-évaluation dans les différents pays, mais aussi l’importance à accélérer le passage à l’échelle de la Phase 2 du projet.
Le Représentant de l’UNFPA en Mauritanie, SEM. Cheikh Fall a qualifié la rencontre des Coordonnateurs de stratégique pour l’initiative SWEDD, car elle a permis selon lui de faire la revue des programmes et de partager les résultats atteints ainsi que les défis rencontrés. « J’ai pu percevoir à travers vos différentes interventions et échanges sur les innovations, les modèles d’impact, les bilans pays et l’identification des contraintes et des leçons apprises » a-t-il déclaré.
La représentante de l’OOAS, Mme Oluwafunmike, s’est félicité de la richesse de l’atelier et du niveau des échanges, insistant sur la nécessité d’accélérer le passage à l’échelle du projet, tout en souhaitant une bonne présentation des résultats lors de la réunion ministérielle du 24 mars prochain. Elle a souligné l’engagement de son institution à mettre en œuvre les recommandations qui lui sont adressées.
M. Djibrila Karamoko, s’exprimant au nom de la Banque Mondiale a dit apprécier le travail des Coordonnateurs et des responsables suivi-évaluation au cours des deux jours de l’atelier. « Nous devons nous assurer que nous sommes sur la bonne voie » a-t-il déclaré, avant de féliciter les nouveaux pays candidats pour l’adhésion au projet SWEDD, ce qui ne fera selon lui qu’accélérer la capture du dividende démographique et booster la lutte contre la pauvreté, l’objectif prioritaire de son institution.
Où en sommes-nous ?
Quelques pays représentés lors du présent atelier de Nouakchott ont fait le point par rapport à leurs avancées, notamment les pays candidats qui se sont exprimés sur leur état de préparation pour rejoindre le SWEDD, élaboration de notes conceptuelles, analyse diagnostic, mise en place de groupes de travail et de comités techniques intersectoriels, etc. Le Niger, le Congo, le Togo, la Gambie et le Sénégal, sont passés pour exposer leur propre parcours et expérience.
Des organisations partenaires ont aussi exposé sur leur bilan, les leçons apprises et les contraintes, à l’image de l’OOAS, l’Union Africaine et le Secrétariat Technique Régional de l’UNFPA qui a exposé son bilan 2021 et perspectives, notamment en termes d’assistances techniques aux pays dans le domaine de la planification, de la mise en œuvre des composantes du projet SWEDD, en termes de communication, notamment la campagne 2020 « Stronger Together », les femmes leaders, les espaces sûrs, les clubs des futurs maris, les observatoires nationaux sur le dividende démographique, etc.
Le Mali, un exemple en matière d’innovation
Le système de collectes et d’analyse des indicateurs du Mali a servi d’école en matière d’innovation dans l’alignement du pays par rapport aux objectifs du projet SWEDD. Le modèle de suivi des filles à risque d’abandon scolaire à travers des ONGs recrutées pour la collecte des données, par région, département, communes et établissements scolaires, a séduit l’assistance par la pertinence de la méthode et l’affinement des données. L’exemple du Niger dans la collecte de données a été aussi présenté.
Il faut noter que l’atelier des Coordonnateurs et représentants suivi-évaluation des pays SWEDD a été lancé lundi 21 mars 2022 au Monotel Dar-El-Barka de Nouakchott par le Ministre des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs, président en exercice du CRP SWEDD, M. Ousmane Mamoudou Kane, en présence des partenaires techniques et financiers.
Parmi les personnalités présentes à l’atelier, la Représentante de la Banque Mondiale en Mauritanie, Mme Christina Santos, le Coordonnateur du Secrétariat Technique Régional au Bureau UNFPA Afrique de l’Ouest et du Centre, M. Justin Koffi et son staff dont notre compatriote, M. Mohamed Ould Mohamed Abd et le Coordonnateur du Projet SWEDD Mauritanie, M. Mohamed Souleymane Haiballa.
A signaler que le projet SWEDD regroupe les pays suivants : Burkina Faso, Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.
Cheikh Aïdara
TEMOIGNAGES
Quatre pays sont sur les strapontins pour rejoindre la famille SWEDD. Nous avons demandé à leurs représentants lors de l’atelier de Nouakchott, les raisons de la demande d’adhésion de leur pays à ce projet régional. Voici leurs réponses.
Mohamed Ndiaye, Conseiller technique au Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants du Sénégal
« Le Sénégal souhaite adhérer à ce grand projet SWEDD parce que le Président de la République, SEM. Macky Sall a mis en place un cadre de référence majeur pour les politiques publiques au niveau du Sénégal dénommé « Le Plan Sénégal Emergent » dans lequel l’autonomisation de la femme se situe au cœur de ce plan stratégique. L’autonomisation est prise en compte dans les trois axes de ce plan, axe sur la transformation structurelle de l’économie et croissance. On ne peut parler de cet axe sans valoriser le potentiel apporté par la femme sénégalaise. Le deuxième axe, sur le capital humain, qui constitue l’épine dorsale pour les femmes parce qu’il leur faut améliorer leurs potentiels par la formation et les doter de moyens supplémentaires pour mieux faire éclore leurs potentiels économiques. Enfin, l’axe stratégique sur la gouvernance, la paix et la sécurité.
Pour toutes ces raisons, le Sénégal ne pouvait pas être en reste par rapport au projet SWEDD qui est un projet régional d’envergure qui adresse les questions d’autonomisation de la femme et de la jeune fille, en particulier les adolescentes de 10 à 19 ans. Aujourd’hui, quand on regarde la structuration de la population sénégalaise, dominée principalement par les jeunes, voire les adolescents et les adolescentes, il y a là un réel défi pour la capture du dividende démographique. La transition démographique que cela induit et qui nous projetterait naturellement vers cette autonomisation et vers l’émergence à l’horizon 2025. Ce sont là les résultats essentiels qui justifient la présence du Sénégal dans ce projet d’envergure. C’est le lieu pour nous, encore une fois, de remercier et féliciter les différentes parties prenantes. Je pense à la Banque Mondiale, qui a bien accepté la participation du Sénégal dans ce projet, mais aussi l’UNFPA pour son soutien technique et sa disponibilité à nous accompagner dans ce processus, ainsi que l’ensemble des coordonnateurs SWEDD que j’ai eu l’avantage de rencontrer ici en terre mauritanienne, république sœur du Sénégal, pour échanger avec eux les bonnes pratiques. Nous allons certainement à partir de ce moment consolider ces acquis que nous avons déjà eus mais nous projeter fondamentalement dans ce projet qui est un projet d’envergure ».
Suzanne Somboko, Directrice du Partenariat bilatéral et multilatéral au Ministère du Plan du Congo, Coordonnatrice du Groupe de Travail Multisectoriel qui prépare le SWEDD Congo
« Le Congo cherche à adhérer au projet SWEDD parce que nous avons beaucoup de défis sur la problématique de l’autonomisation des filles et des femmes. En ce qui concerne les filles, nous avons vraiment des problèmes avec les décrochages scolaires dus aux grossesses précoces, au manque d’informations sur la santé sexuelle et reproductive et sur toutes les questions liées à l’hygiène menstruelle qui ne sont pas bien expliquées et qui ne sont pas dans les curricula des études scolaires. Tout cela fait qu’il y a beaucoup de filles qui quittent l’école. Au primaire, elles sont nombreuses, au secondaire par contre les abandons sont moindres par rapport aux garçons. A l’université, les abandons sont nombreux parce que les études universitaires demandent beaucoup de moyens financiers et la pauvreté des parents poussent les jeunes filles à abandonner leurs études. Nous avons aussi surtout le problème d’autonomisation économique des femmes et des filles. Elles sont souvent victimes de violences basées sur le genre, de la part parfois de leur conjoint ou de leur entourage proche au sein des familles. Il n’y a pas de dénonciation. Heureusement, une loi vient d’être adoptée pour lutter contre les violences basées sur le genre. Rien que cela, voire que notre population est très jeune, avec les 15-25 ans qui constituent la majeure écrasante, on n’arrive pas à exploiter ce potentiel par des formations professionnelles qualifiantes ou par l’exploitation de ce potentiel afin qu’il contribue à l’économie. Avant même la crise sanitaire, nous avions eu la crise économique et monétaire, et beaucoup d’autres problèmes. Mais si notre main d’œuvre, cette jeunesse, n’est pas formée ni qualifiée, elle ne pourra pas apporter sa contribution et demain, son avenir aussi est hypothéqué. Nous avons été séduits par le modèle SWEDD, c’est pour cela que nous avons adhéré à cette initiative et d’être là pour nous inspirer des autres pays qui nous ont devancés et les écouter sur ce qu’ils ont déjà fait, ce qui nous renforce davantage dans notre adhésion ».
Babake Bawoumondom, Coordonnateur du Groupe de travail multisectoriel pour la mise en œuvre du projet SWEDD au Togo
« Le Togo a choisi d’adhérer au projet SWEDD parce que c’est un projet structurant qui adresse de manière efficace les questions d’autonomisation des femmes et des filles. Nous avons regardé un peu les performances de ce projet dans les six premiers pays et les autres qui les ont suivis. Au-delà de ces performances qui nous ont confortés dans notre décision, l’acuité des besoins en termes d’éducation, de prévalence contraceptive, les mariages et les grossesses précoces et la pauvreté des filles dans notre pays, ont milité en faveur de la demande d’adhésion du Togo au projet SWEDD. Notre espoir, c’est qu’au cours de ce processus, nous puissions non seulement tirer profit des pratiques réussies et des expériences des autres pays qui mettent déjà en œuvre le projet, et surtout de faire en sorte que le projet SWEDD puisse apporter des réponses positives, une transformation et un changement tangible dans la vie des filles et des jeunes femmes togolaises ».
Fanta Bai Secka, Secrétaire Permanente adjointe Financement et Administration au Ministère de la Santé de Gambie
« La Gambie est un pays enclavé qui compte 5 portes d’entrée et de sortie avec le Sénégal, ce qui nous permet aussi d’avoir des ouvertures vers la Guinée Conakry et la Guinée Bissau, notamment à Karan, Farafigné, Kabada et Casamance. Ainsi, le projet SWEDD se trouve déjà à nos portes et rien ne pouvait nous empêcher de demander notre adhésion à ce grand ensemble, d’autant que nous sommes confrontés à des défis liés à la déscolarisation des filles, les mariages d’enfants, l’autonomisation des femmes et des filles, les violations basées sur le genre, sans compter bien d’autres pratiques culturelles néfastes. Les opportunités qu’offre le projet SWEDD et les résultats probants dont nous avons entendus parler ainsi que les réussites dans les pays membres, ont poussé la Gambie à adhérer à ce projet régional, afin qu’il puisse profiter des opportunités de croissance qu’il offre à travers l’amélioration de la qualité de notre jeunesse, notamment les filles et les adolescents, mais aussi notre jeunesse masculine, qui a besoin de formation et d’appuis. Nous comptons beaucoup sur le potentiel d’expertise technique dont dispose le projet SWEDD pour booster notre capacité économique, humaine et sociale ».