Le 8 mars. C’est la journée des femmes. De la Femme. Cette SEULE journée, sur les 360 que compte l’année, est censée rappeler aux hommes le combat menée par leur « seconde moitié » pour la consécration de leurs droits humain, politique, économique et social. Une journée qui est loin d’être un cadeau fait par les hommes…pour les femmes. Une galanterie en somme ! Elle trouve son origine dans les manifestations de femmes au début du 20ème siècle en Europe et aux États-Unis. A l’époque, ces braves femmes ont décidé de réclamer aux hommes, à ceux qui dictaient leurs lois au monde, une égalité des droits, de meilleures conditions de travail et le droit de vote. Mais il fallait attendre 1977 pour voir les Nations unies officialiser cette journée et inviter chaque pays de la planète à la célébrer au nom du féminisme et des droits des femmes. Au niveau de la gouvernance du monde (international), cette journée se perd dans toutes celles qui ont été choisies pour célébrer ceci ou cela. Au total 87 journées internationales initiées ou reconnues par l’ONU !
En Mauritanie, le 8 mars est une journée plus qu’ordinaire. Elle passe presque inaperçue parce que l’écrasante majorité des femmes n’accordent que très peu d’importance à « id el mar’a » (la fête de la femme) qui n’est jour de repos que pour les fonctionnaires (femmes) et les élèves (filles). Oui, il faut bien qu’on le précise parce que même dans la langue « le masculin prime sur le féminin » !
Les droits de la femme en Mauritanie méritent bien plus qu’une journée pour être reconnus. Jusqu’à récemment encore, les Mauritaniennes n’avaient pas le droit à la pension de retraite ! Une aberration qu’un projet de loi adopté en Conseil des ministres, le 06/10/2011, tente de corriger. Il abroge et remplace certaines dispositions de la loi 61-016 en date du 30 janvier 1961 fixant le régime des pensions civiles de la caisse de retraite de la République Islamique de Mauritanie. L’amendement de cette loi touchant les articles 21 et 22 dudit texte comble un vide juridique qui a longtemps duré, les nouvelles dispositions permettant à l’époux et aux enfants de bénéficier de la pension de la femme fonctionnaire décédée. Mais il y a un hic : Depuis deux ans, cette loi manque encore de décret d’application !
Les femmes ne retrouvent vraiment la plénitude de leurs droits que quand il faut imposer aux hommes la manière dont les mariages et les baptêmes sont faits. Des centaines de milles, voire des millions d’ouguiyas sont dilapidés le temps d’un mariage, d’un baptême, où il faut se surpasser, faire mieux que telle famille !
Les femmes règnent aussi en maîtresses durant les campagnes électorales (présidentielles, législatives et municipales). L’animation qui fait l’essentiel de l’action politique est laissée entre les mains de cette frange sociale qui, selon les dernières statistiques disponibles, représentent 53% de la population du pays ! Mais le leadership de la gent féminine s’arrête là. Depuis l’indépendance du pays, aucun président n’a pensé à désigner une « Première » ministre ou une « présidente » de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Il n’y a pas de femmes « magistrate », non plus. Dans la formation de chaque gouvernement, la première chose que l’on regarde, après, bien sûr, la question des quotas Maures –Négro-Mauritaniens, est celle de la parité. Combien de femmes ?
Généralement, il n’y en avait pas plus de deux ou trois, confinées dans les portefeuilles à caractère social (Condition féminine, Santé). La forte pression exercée par le « sexe faible » qui prend de plus en plus conscience de sa force cachée, a fini par porter ses fruits, quand les décideurs politiques ont accepté, d’ouvrir encore plus les portes du gouvernement à leurs consœurs.
Elles demandent encore plus
Mais la représentativité féminine au sein du gouvernement (5/28, soit 17,85%), quoique proche du quota de 20% prévu par un décret présidentiel, en février 2007, n’est réellement suivi qu’au niveau de l’Assemblée nationale où elles représentent environ 20% (19 députées sur un total de 95) mais seulement 1,66% du bureau de la chambre basse (2 femmes seulement sur 12). Mais l’assemblée nationale fait tout de même mieux que le Sénat où les femmes ne représentent que 14,28% (8 sur 56) et ont été exclues, par manque de galanterie, du bureau de la chambre haute formé de 8 sénateurs !
Avec une proportion de 53% de la population, les femmes courent toujours derrière cette parité qui constitue aujourd’hui l’un des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Au niveau du parlement mauritanien élu en 2007, leur représentativité est beaucoup plus élevée que celle de leurs collègues marocaines qui se contentent d’un quota de 10 pour cent des sièges mais elles font encore moins bien que leurs consœurs sénégalaises qui constituent 52 % de la population et réalisent de belles performances : 23 % à l’Assemblée nationale, environ 10 % dans le Gouvernement, 12,97 % dans les conseils régionaux, 20,03 % dans les conseils municipaux et 27,32 % dans les collectivités rurales.
Dans les conseils municipaux, les femmes mauritaniennes peinent encore à se faire de la place alors que, justement, c’est le lieu le mieux indiqué pour elles pour faire leur apprentissage en politique. Sur les 216 conseils municipaux, les femmes n’en contrôlent que trois (1,38%), toutes présentes à Nouakchott (Fatimetou Mint Abdel Malick, Tevragh-Zeina, Rabi Haidara, Sebkha, Nouakchott et Salimata Yéro Sarr, El Mina). C’est encore pire dans l’administration territoriale où le poste de wali (gouverneur de région) reste une « spécialité » masculine. De même que dans le poste d’ambassadeur. Une ou deux nominations, au gré de l’humeur des dirigeants du pays.
Cette situation doit changer en Mauritanie pays qui se vante d’avoir le taux le plus élevé de scolarisation des filles, soit environ 70 pour cent scolarisés.
Ce qu’il faut maintenant pour elles, c’est de forcer ces portes qui restent encore désespérément closes (Primature, présidence de l’Assemblée ou du Sénat) et mener un combat pour la parité au niveau de l’administration et des bureaux exécutifs des partis politiques. Car, là encore, l’hégémonie de l’homme est encore totale. Seules quatre femmes commandent des partis politiques (Naha Mint Mouknass, Présidente de l’UDP), Mintata Mint Hedeit, Secrétaire générale du PRDR), Meghboula Mint El Gharabi, parti mauritanien pour la justice et le développement et Sehla Mint Ahmed Zayed, parti « Hawa ». Quatre femmes sur plus de 60, soit à peine 6,66% !
Dans la composition du Conseil national de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir, elles ne sont que 44 femmes (24,69) perdues au milieu de 122 hommes. Elles réalisent à peu près la même performance au sein des organisations de la société civile mauritanienne où les femmes présidentes d’ONG sont au nombre de 74 sur un total de 307 (24,10%), selon les données du Cyberforum de la société civile.
Présentes également au sein des forces armées et de tous les corps militaires ou paramilitaires (gendarmerie, garde, police, douane, sapeurs-pompiers), les femmes mauritaniennes ne se fixent, apparemment, plus de limites. L’objectif recherché est d’arriver à jouir pleinement de leurs droits de citoyennes dans un pays où les pesanteurs sociales et religieuses constituent, quand même, quelque part, une barrière infranchissable. Naha Mint Mouknass, présidente d’un parti politique dont la raison d’être, comme tout parti, est d’arriver au pouvoir, peut-elle devenir un jour présidente de la République ? Une question qu’il faut poser peut-être à tous ceux qui, au nom de la religion, pensent que la femme doit tenir compte de certaines limites.
Sneiba Mohamed