Dialogue politique, Ghazouani invite Birame pour un tête-à-tête

mar, 25/02/2025 - 23:20

Le président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani a adressé une invitation à son double dauphin aux présidentielles de 2019 et 2024, le député Birame Dah Abeid, pour une audience à deux. C’était le jeudi 20 février 2025, alors que les sirènes d’un éventuel dialogue déchirent déjà l’arène politique. Quid de cette audience qui a pris tout le monde au dépourvu ?

Personne ne s’y attendait ! Pourtant, c’est arrivé ! Le président Ghazouani a convié le député Birame Dah Abeid, actuellement en déplacement à Dakar, pour une rencontre au sommet.

L’invitation lancée le jeudi 20 février 2025 a aussitôt entrainé une réunion d’urgence des présidents de la coalition antisystème que préside Birame Dah Abeid pour examiner cette main tendue du président Ghazouani. Après délibérations, le conseil a décidé à l’unanimité de répondre favorablement à cette invitation, tout en réaffirmant son attachement au dialogue constructif et à la défense de l’intérêt général.

Quelques jours auparavant, aux termes d’un débat entre les partis de l’opposition pour échanger sur le dialogue en perspective, Birame Dah Abeid avait déclaré qu’il ne prendrait pas part à ce dialogue sauf sous certaines conditions.

Auparavant, le chef de file de l’opposition démocratique, Hamadi Sidi Mokhtar, président du parti Tawassoul avait fait le tour des leaders, dont en particulier Birame Dah Abeid et Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des Forces du Progrès (UFP).

Cette effervescence de la scène politique en léthargie depuis la dernière campagne présidentielle de 2024, résultait de l’appel au dialogue qu’avait lancé le Premier Ministre, Mokhtar Ould Djay durant sa Déclaration de Politique Général (DPG) de janvier 2025 devant les députés de l’Assemblée Nationale. Il reprenait l’idée qu’il avait lancée déjà en novembre 2024 suite au discours de Ghazouani qui avait appelé déjà en 2023 à un dialogue politique nationale, idée reprise et confirmée plus récemment par le ministre de la Culture et porte-parole du gouvernement, Houssein Meddou.

Enfin, réhabilité ?

Faisant fi du déni de reconnaissance dans son entourage de la dimension politique de Birame Dah Abeid sur la scène nationale, le président Ghazouani se serait sans nul doute rendu à l’évidence que la politique de l’autruche ne saurait perdurer et qu’il fallait donner à César ce qui appartient à César.

La volonté évidente de son ministre de l’Intérieur d’écarter Birame Dah Abeid d’un dialogue qu’il comptait mener en solitaire sans devoir rendre des comptes, se serait enfin brisé sur la clairvoyance de Ghazouani qui pesait tout le ridicule qu’un tel scénario pouvait entraîner.

En effet, les acteurs nationaux, même les plus proches du pouvoir, mais surtout les partenaires extérieurs, voyaient très mal cette fuite en avant dans le déni de reconnaissance de la dimension politique de Birame et le refus entêté de lui délivrer les moyens légaux d’une participation politique, à travers la reconnaissance de son part, RAG.

L’invitation officielle que le président Ghazouani vient d’adresser à Birame Dah Abeid ne serait ainsi que la manifestation d’une reconnaissance explicite de sa dimension d’homme d’Etat.

Les termes éventuels d’un deal

Il est attendu, selon plusieurs observateurs, que l’entrevue entre Ghazouani et Birame porte essentiellement sur des questions politiques, en tête desquelles la reconnaissance de son parti, RAG, ainsi que celle des FPC de Samba Thiam, entre autres formations politiques en gestation.

Les échanges porteront de manière plus large sur le dialogue envisagé entre les acteurs politiques. Birame réitérera sans nul doute les exigences qu’il avait posées durant sa dernière rencontre avec le pool de l’opposition. A savoir, des garanties formelles sur la transparence du dialogue et de ses résultats, le choix des acteurs, la désignation d’un organe de supervision qui ne serait pas le ministère de l’Intérieur, et le caractère décisionnel des conclusions auxquelles les acteurs parviendront, exit toutes formes de recommandations.

Birame pourrait aussi poser le cas des jeunes assassinés à Kaédi et dans d’autres villes de la Vallée, à Boghé en particulier, lors des manifestations qui ont suivi la proclamation des résultats de la présidentielle de 2024. Aucune enquête n’a été menée depuis lors pour déterminer les circonstances du drame et désigner les auteurs.

En retour, le président Ghazouani, sous réserves des exigences déjà citées et d’autres que pourraient avancer Birame Dah Abeid au cours de l’audience, pourrait demander la participation de Birame au dialogue, la reconnaissance des résultats de l’élection présidentielle de 2024 qu’il continue de refuser.

En perspective de 2026             

Il faut dire que la Mauritanie se dirige vers une succession démocratique en 2026 à laquelle l’actuel président, Mohamed Cheikh Ghazouani, sera écarté. Déjà, beaucoup de sources parlent d’officiers supérieurs qui prendront le relais, des noms circulent, comme si le pays est condamné à être dirigé par l’Armée. Le recyclage des militaires en costume durent depuis 47 ans. Et le peuple en a assez. Le changement vers un régime civil est le souhait actuel de tous les Mauritaniens, eu égard aux grands tords que les régimes militaires successifs ont créé. Retard de développement, mauvaise gouvernance, gabegie, émergence de tous les « ismes » destructeurs (tribalisme, clientélisme, despotisme, régionalisme, éthnicisme, etc.). La Mauritanie s’enfonce de plus en plus dans un gouffre sans fond, avec la recrudescence des injustices, du favoritisme, des passe-droits, de la compartimentation sociale, de la déliquescence du service public, pour ne citer que ceux-là.

Ghazouani serait ainsi bien inspiré, en tant qu’acteur principal des futurs enjeux politiques, de veiller à ce que l’élection présidentielle de 2026 soit l’une des plus transparente possible. De combattre ce qui devra être son ex-camp contre les magouilles et les tripatouillages dont il détient les secrets. Faire tout pour que la volonté populaire puisse s’exprimer en toute liberté et que le plus fort gagne. Laisser enfin un pays réconcilié avec lui-même et d’être l’artisan de la deuxième transition démocratique du pays, après celle qui avait amené Sidi Cheikh Abdallahi au pouvoir en 2006.

Cheikh Aïdara