
Les électeurs gabonais sont appelés aux urnes ce samedi 12 avril pour une élection présidentielle qui marque le début de la sortie de la transition entamée par la fin du long règne des Bongo le 30 août 2023. Un scrutin à la portée historique puisque, pour la première fois depuis 1967, aucun bulletin ne portera le nom « Bongo ».
Pour ce seul motif, à valeur de fait d’armes notoire ayant mis fin à une dictature de près de quarante ans, le chef de la transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, mérite, comme récompense, d’être plébiscité le 12 avril. Et, il faut dire que tous les indices pré-électoraux concourent à confirmer cette tendance.
En effet, l’homme dont le charme a opéré dès sa prise du pouvoir a été rallié par la quasi-totalité des forces politiques et de la société civile. Ce qui fait que beaucoup d’observateurs nationaux et étrangers affirment qu’on s’achemine vers une élection sans surprise.
Le général candidat compte des soutiens de poids en cette élection d'importance pour les Gabonais. Tel le
ministre des affaires étrangères, SEM. Michel Regis Onanga Ndiaye, ancien ambassadeur du Gabon au Sénégal et grand ami du Président Brice Clotaire Oligui Nguema, présent sur les fronts intérieur et extérieur pour une victoire au premier tour du Gèneral-candidat.
Michel Regis Onanga Ndiaye est originaire de l’Ougooué-maritime, une très grande province parmi les neufs que compte le Gabon. Cette région convoitée par tous les candidats se place deuxième du point de vue population.
Dans le cadre du soutien à la candidature du Général, Chef de la transition, le ministre Onanga Ndiaye, en compagnie de son frère Patrick Barbera Isaac, ministre des sports, se sont rendus à Port-Gentil, capitale de la province de l’Ougooué-maritime, pour appeler les populations à opérer une transition vers l’agriculture après le pétrole. Ils ont déroulé tous les projets orientés par le Président candidat vers la province, en particulier dans le secteur de l’éducation et l’agriculture un discours de campagne qui doit avoir son pesant d'or dans la bascule électorale.
En fait, après la désillusion d’un "printemps démocratique" africain suite au discours de La Baule - écrit, du point de vue formel, mais pas sur le fond - par Erik Orsenna - et prononcé par le président de la République française François Mitterrand, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France à laquelle étaient invités 37 pays africains, la résurgence des coups d’Etat en Afrique a été vue, dans la plupart des pays, comme une action salutaire. C’est la dialectique, à double sens, de l’armée et le pouvoir ou du pouvoir de l’armée. En Mauritanie, d’abord, entre 2005 et 2009, période d’une transition qui a mué, sans heurts significatifs, vers un régime civil dirigé par d’anciens généraux qui ont réussi à dompter la politique. Et les politiques. Puis, au Mali, au Niger, au Tchad, au Burkina Faso, en Guinée et au Gabon, où les populations n’expriment aucun regret de voir chassés du pouvoir des régimes faillis.
Pour revenir à la situation au Gabon, le deuxième de ces pays, après le Tchad, à remettre en jeu le pouvoir par la voie des urnes, pour une conformité démocratique nécessaire mais non suffisante pour faire aboutir les bonnes réformes, il faut dire que les populations ont déjà fait leur choix en se basant sur le profil des huit candidats en lice. Il faut donner une chance à celui qui a mis fin au long règne des Bongo. Une sorte de prime à l’audace face à laquelle les adversaires de général candidat ne présentent, comme arguments électoraux, que leurs ambitions personnelles d’être président !
On est loin des moments de tension qui précédaient, à chaque fois, les élections présidentielles remportées dans un climat de suspicion par Omar Bongo puis, après sa disparition, par son fils Ali qui avait bénéficié du système en place pour légaliser une succession politique non ouverte, donc non légitime. L’élection de 2025 est vraiment différente à tous points de vue.
Loin de l’ambiance délétère de l’ère Bongo
En 2009, en 2016 et encore en 2023, le Gabon vivait au rythme des meetings, avec d’un côté le PDG (Parti démocratique gabonais), ex-parti au pouvoir soucieux de le conserver par tous les moyens avec Ali Bongo, après l’avoir agrippé avec son fondateur Omar Bongo ; et de l’autre, les mobilisations de l’opposition pour faire tomber la dynastie, souvent derrière des transfuges du pouvoir. Cette année, rien de tout cela, le coup de tonnerre politique ayant déjà eu lieu le 30 août 2023, lorsque les militaires ont annulé une élection que la présidence n’avait cette fois pas les moyens de renverser.
Vingt mois plus tard, c’est le visage du chef des « libérateurs » (terme employé à raison par les soutiens du général – qui occupe l’espace public : panneaux d’affichage, affiches, abribus, Brice Clotaire Oligui Nguema est partout, avec sa campagne « C’BON », qui joue sur ses initiales. Le slogan du CTRI (Comité pour la transition et la restauration des institutions), « c’est enfin notre essor vers la félicité », imprimé sur fond des couleurs nationales, habille les grilles du gigantesque chantier qu’est le bord de mer de Libreville.
On a vraiment envie de continuer sur l’air de changement que le général a suscité en déjouant les manœuvres d’Ali Bongo qui voulait perpétuer le règne de sa famille dans ce qui ressemblait fort bien à une monarchie sans le nom.
La mobilisation générale des Gabonais en faveur du candidat du CTRI est sans équivoque. Le vote ne sera qu’une simple formalité, les sept autres candidats paraissant ne faire que de la figuration tant leurs programmes électoraux ne suscitant aucun engouement auprès de citoyens décidés à faire prolonger la transition par un mandat s’inscrivant dans la continuité de l’action menée par le pouvoir depuis le 30 août 2023.
Pour beaucoup de Gabonais, il ne faut pas se le cacher : « Nous sommes dans une campagne plébiscitaire, la question est de savoir si ceux qui ont fait tomber Ali Bongo ont le droit de poursuivre. C’est difficile de proposer autre chose et de remettre en cause celui qui a posé cet acte que peu de gens imaginaient et qui a été largement applaudi. Il faut rappeler que beaucoup disaient qu’ils voteraient pour n’importe qui s’il était face à Ali Bongo. »
Pour cette campagne, Brice Clotaire Oligui Nguema jouit du soutien de la quasi-totalité des forces politiques, qu’elles soient issues de l’ancien système PDG, de l’ex-opposition qui a participé à la transition, comme les ténors Alexandre Barro Chambrier ou Paulette Missambo, ou de voix jadis très critiques de la société civile comme le défenseur de l’environnement Marc Ona Essangui ou l’avocat Anges-Kevin Nzigou.
Le Gabon ne jure que par « C’BON ». « La campagne est ouverte et se déroule bien, chacun emploie sa stratégie », affirme la ministre de la Communication, Laurence Ndong. « Le candidat Oligui Nguema fait l’unanimité. Le peuple voit en lui un bienfaiteur après les kleptocrates de l’ancien système. Mais il a aussi un bilan qui fait progresser le pays. Les Gabonais sont rassurés par la réalité », assure l’une des vingt-sept porte-parole du candidat.
Une candidature portée par le Rassemblement des bâtisseurs
Pour chapeauter tous ses soutiens, Brice Clotaire Oligui Nguema a créé le « Rassemblement des bâtisseurs », un nom en écho à son axe politique principal : la reconstruction des infrastructures du pays. Parce qu’avec la transition le CTRI a donné le sentiment que le pays est en chantier, en mouvement, les Gabonais sont dans l’optique que tant que le semblant du quotidien est là, ils poursuivront. On est dans le sens du vent. Malheureusement, les autres ne sont pas crédibles. Alain Claude Billie-By Nze a, selon moi, un projet cohérent, mais il est "invotable", radioactif. »
Parmi les sept candidats à défier le chef de la transition, Alain-Claude Bilie-By-Nze, le dernier Premier ministre d’Ali Bongo est en effet la seule personnalité politique de poids. Il dit qu’il est temps de mettre un terme à ce système » et se définit comme « la seule alternative aux militaires », et va aux élections « pour gagner ».
Un ton qui lui vaut de prendre des coups en retour : « La mue du serpent ne change ni sa nature ni la toxicité de son venin », assène Laurence Ndong, véhémente contre « les discours fallacieux, les postures méprisantes et arrogantes » d’un adversaire qui, selon elle, « ne vit que par la division des Gabonais ».
La participation sera scrutée après un référendum constitutionnel de novembre dernier dont les chiffres (91% de oui, 54% participation) ont été diversement appréciés entre ceux qui ont vu l’abstention comme un début de désamour vis-à-vis des militaires, et ceux qui l’ont expliquée par des raisons conjoncturelles (période scolaire et saison pluvieuse limitant les déplacements).
L’élection présidentielle du 12 avril va consacrer la bravoure et le patriotisme que les militaires d’Afrique ont dans le sang. Elle va surtout décider du sort d’un pays qui a tant souffert d’une gestion clanique calamiteuse. Tout le monde croit que les attentes, malgré leurs importantes et leurs diversités, ne seront pas déçues.
SNEIBA Mohamed
Journaliste mauritanien