Lettre d’excuses et d’esquisse pour la présidence de la République

ven, 06/03/2020 - 19:37

« La seule fois où j’étais appelé à accompagner le président, c’était en 2001. La seule fois où j’ai été invité à la présidence, c’était en 2005. Depuis, on m’a sorti du « corps » des « journulistes ». Dhaak el vih el khair. »

Il semble bien qu’il y a eu une troisième fois, mais il a fallu que j’écrive ce post sur ma page Facebook, en réaction-compassion avec un autre grand « oublié » de l’invitation de la Présidence, Mohamed Naji Ould Ahmedou, pour que je découvre que, pour une fois, je m’étais trompé.

J’étais bien sur la liste des invités, ce jeudi 05 mars 2020, mais les gens du Protocole ont appelé ce frère avec lequel j’ai tout en partage : l’enseignement (il est inspecteur et je suis professeur), la passion pour le journalisme, depuis plus de vingt ans, mais surtout, le nom SNEIBA (lui, El Kory, et moi, Mohamed). Même père, même mère, comme il aurait dit, dans l’un de ses savoureux « Autour d’un thé ».

C’est lui donc que les gens de la Présidence ont appelé au téléphone pour transmettre l’invitation et, quand il a su que c’était plutôt l’autre SNEIBA, c’était déjà trop tard. J’étais « en discussion » avec mon ordinateur, dans un quartier populaire de Nouakchott, et loin de penser que je devais être autour d’un buffet entre « journulistes » qui se respectent. Raté le méchoui, pour un Alégois et arriver incognito à la fin de la réception présidentielle ne me tentait donc pas.

J’adresse donc mes excuses pour la présidence de la République pour n’avoir pas répondu présent à cause de ce quiproquo. Eux, sont excusés parce que « celui qui te reconnait par ton frère, t’a reconnu », n’est-ce pas El Kory ?

Je me réjouis de savoir, qu’enfin, mon statut de journaliste soit officiellement reconnu, ici, bien qu’ailleurs, il l’est depuis près d’un quart de siècle, par des formations (CFI, Médiapart, Institut de la banque mondiale, RFI, CAPJC de Tunis, Médias & Démocratie et Journal Sud Ouest (France), de nombreux voyages de presse : France, Japon, Maroc, Tunisie, Sénégal, Mali, Ethiopie, Togo, Côte d’Ivoire...

Le journalisme n’est plus un métier, comme le pensent, à tort, certains ; il devient, de plus en plus, une attitude. C’est le rapport à l’information et la capacité à la rendre à des lecteurs qui, eux aussi, ne se contentent plus de leur rôle de récepteur (de réceptacle), exerçant maintenant, grâce aux réseaux sociaux, leur droit à la critique. L’information devient alors une création (sans altération du substrat) parce qu’il y a possibilité d’échanges et de persuasion mutuelle. Le journaliste revient des fois pour corriger des positions sur des faits observables, ôtant aux médias une bonne part de leur pouvoir de perception (opinion) et instaurant, par la même occasion, un journalisme citoyen qui rappelle, à bien des égards, le rejet des règles, au 19ème siècle, par les romantiques.

Le dîner de la Présidence, malgré l’absence de journalistes de renom (Mohamed Naji Ould Ahmedou et Jedna Deida, entre autres), aura permis, je l’espère, de donner un aperçu au maître des lieux de ce « corps » fragilisé par de graves intrusions.

Il ne s’agit pas, comme le pensent certains, de ceux qui ne sont pas diplômés d’écoles de journalisme (on ne naît pas journaliste, on le devient) mais bien de ceux qui ont investi le domaine pensant qu’on gère un média comme on le ferait pour une quincaillerie ou un poulailler ! La transformation de la presse, surtout électronique, en un tel « business » a donné naissance à cette corporation, unique en son genre, qu’on appelle « peshmergas » (les journulistes), beaucoup plus importante aujourd’hui que celle des vrais professionnels des médias.

 Dans le programme « Ta’ahoudati » (mes promesses), il doit y avoir, nécessairement, une place de choix pour le secteur sensible des médias parce que c’est à travers eux que passe la compréhension de tout ce qui est dit (entrepris) pour convaincre que les engagements seront tenus. On ne demande pas aux médias d’être justes (le peuvent-ils seulement ?) mais d’avoir des attitudes justifiables. S’ils comprennent que l’opinion n’est pas (forcément) la vérité, ils joueront alors le vrai rôle d’une presse (officielle) à laquelle on ne demande pas d’être neutre mais objective.

 

SNEIBA Mohamed