Action humanitaire et sociale sous Covid-19 en Mauritanie, le groupe parlementaire lance une journée de débat

ven, 20/11/2020 - 01:47

Le Groupe parlementaire à l’action humanitaire et sociale a organisé mercredi 18 novembre 2020 à Nouakchott, un débat sur la situation humanitaire et sociale en Mauritanie sous Covid-19 : état des lieux, projection et impacts socioéconomiques. C’était en présence de représentants de divers départements ministériels, plusieurs députés et leaders de la société civile. Cette journée a été organisée avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).

«La pandémie Covid-19 est une catastrophe mondiale qui a mis à genou les Etats les plus puissants du monde et qui a compromis le développement des pays en voie de développement, avec un impact grave sur la vie des populations pauvres». C’est en ces termes que le président du groupe parlementaire à l’action humanitaire et sociale au sein de l’Assemblée Nationale, El Khalil Ould Ennahwi, a ouvert les débats sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur l’action humanitaire et sociale en Mauritanie. Selon lui, «il est urgent d’activer les ressorts de notre patrimoine culturelle, la solidarité sociale, tout en veillant à renforcer la capacité des députés en matière législative dans ce domaine».

SOS pour l’action humanitaire et sociale

Ould Ennahwi a ajouté que «face à la Covid-19, notre devoir en tant qu’élus, est de lancer un SOS face à la dégradation de la situation humanitaire et sociale dans notre pays» soulignant que dans nos traditions et notre religion, on considère que les «catastrophes sont en général dus à notre action sur la Nature, d’où la nécessité d’une introspection pour changer nos comportements vis-à-vis de notre environnement». L’objectif de cette rencontre, dira Ould Ennahwi, est de susciter un échange d’idées, d’expérience et d’expertise pour trouver une solution.

A son tour, le Représentant Résident de l’UNFPA en Mauritanie, SEM. Saidou Kaboré, a indiqué que «toutes les études ont montré sur le plan mondial, régional et national, que la pandémie Covid-19 a impacté tous les secteurs de développement, y inclus les services sociaux de base, et que les populations les plus vulnérables sont les plus touchées, notamment les femmes, les filles, les personnes âgées et les personnes vivant avec un handicap». Il a évoqué le Plan multisectoriel mis en place par le gouvernement mauritanien, avec la santé comme axe central, afin de réduire les impacts de la pandémie sur l’atteinte des Objectifs pour le Développement Durable (ODD), les engagements de la Mauritanie au Sommet de Nairobi sur la CIPD 25, la croissance inclusive, le renforcement du Capital humain, l’accès aux services sociaux de base, l’autonomisation des femmes et des filles.

Assurer le maintien de l’accès aux services sociaux de base

SEM. Saidou Kaboré a indiqué que les études menées par la Mauritanie pour mieux répondre à la pandémie en se fondant sur les évidences dans tous les secteurs de l’économie et des affaires sociales, ont mis en exergue des chiffres, citant certains dans le secteur social où les enquêtés en 2020 ont relevé pour 83, 6% d’entre eux, les pertes économique dues au chômage, les violences liées à la sexualité où 55, 4% des interrogées ont souligné que ce phénomène était croissant. Sur la base de ces études, a-t-il ajouté, le gouvernement a développé un Plan de riposte multisectoriel efficace, avec au cœur du processus la santé, mais aussi tout le volet économique.

M. Kaboré a précisé que l’UNFPA s’inscrit dans la mise en œuvre de cette réponse planifiée par le gouvernement, à l’instar de tous les autres partenaires techniques et financiers ainsi que le Système des Nations Unies, pour la préservation de la propagation de la maladie ainsi que le maintien de l’offre de santé, de la reproduction en particulier. L’accent a été mis, selon lui, sur tout ce qui pouvait influer sur la réduction de la mortalité maternelle et néonatale, l’accès aux services de planification familiale et l’espacement des naissances, la lutte contre les violences, y inclus les mutilations génitales féminines.

Série de présentations et de communications

Par la suite, les participants ont suivi plusieurs communications, dont celle du Dr. Zala Anssoumana, Directrice Santé Mère et Enfant au Bureau régional de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre (WCARO), sur la «Situation de la mortalité maternelle et néonatale». Elle a rappelé les taux élevés de la Mauritanie, 582 décès maternels sur 100.000 Naissances vivantes, par rapport aux pays du Maghreb, Maroc 100, Algérie 97, Libye 58. Elle a souligné que les politiques de la santé de la reproduction doivent être intégrées dans tous les programmes du gouvernement.

Dr. Sidi Ould Zahaf. Le Directeur général de la Santé Publique, Dr. Sidi Ould Zahaf a évoqué les principaux axes de la Stratégie de lutte contre la Covid-19 pilotée par un conseil interministériel présidé par le Premier ministre qui suit de près l’évolution de la pandémie, désormais considérée comme une maladie chronique. Il a évoqué les derniers chiffres de la pandémie, tout en brossant les mesures prises par le Ministère de la Santé face à la nouvelle vague du Covid-19. Il a aussi mentionné le renforcement du dépistage (dépistage rapide et PCR) dans les hôpitaux à Nouakchott et à l’intérieur du pays, ainsi que le système de prise en charge. Une cagnotte de 13 milliards MRU a été mobilisée selon lui, pour faire face à la pandémie Covid-19.

Saadbouh Regad, Ministère des Finances. Après une introduction sur la Covid-19 et ses impacts économiques profonds, il a souligné que le secteur des Finances est l’un des plus touchés, avec une baisse drastique des recettes fiscales (+ 9 milliards de pertes) et une hausse des dépenses (+ 16,5%), impactant sur la croissance qui a baissé de 6% à 3% du PIB. Selon lui, les répercussions de la pandémie au niveau mondial se sont fait durement ressentis en Mauritanie, eu égard à sa forte dépendance de l’économie mondiale (57% des besoins importés). Il a cependant terminé par une note optimiste quand à une possible reprise des bonnes performances du budget national.

Abderrahmane Deddi, Ministère de l’Economie. Secteur de coordination par excellence, le Ministère de l’Economie a selon lui élaboré un plan d’action qui prend en compte les aspects sanitaires, économiques et sociaux de la pandémie. Selon lui, la fermeture des frontières et les mesures de confinement ont eu des impacts importants sur tous les secteurs, en particulier les services et le secteur informel, avec une forte incidence sur la pauvreté (taux de 51%) et la sécurité alimentaire. Il a évoqué la chute de la croissance économique due selon lui à la baisse des exportations des produits de pêche (+ 50%), la baisse des dépense des ménages, baisse des recettes fiscales et chute du PIB. En contrepartie, selon lui, le pays a connu une hausse considérable de ces dépenses, notamment dans le domaine sociale et sanitaire, et le remboursement de la dette (20% du budget).
Selon lui, le Programme «Ewelyati» élargi doté d’un budget de 240 milliards MRO permettra à travers ses différents axes, dont certains orientés vers le développement urbain et rural, à juguler les effets négatifs de la pandémie.

Idoumou Ahmed Bezeid, Ministère de l’Education. Selon lui, la pandémie a eu de graves répercussions sur le système éducatif, évoquant le renforcement des écarts entre les différents types d’enseignement et la longue fermeture des classes. La pandémie a cependant permis selon lui de développer l’innovation en matière d’enseignement, à travers les cours radiotélévisés dispensés durant la période de confinement et les possibilités offertes par les Ntics.

Abdallahi Said, Ministère des Affaires Sociales. Le département des Affaires sociales, parce qu’il gère selon lui les couches les plus défavorisées de la population, est celui qui ressent le plus l’impact de la pandémie Covid-19. D’après lui, le ministère a multiplié ses interventions en initiant plusieurs campagnes de sensibilisation et de distribution de produits pour freiner la progression de la pandémie, en étroite collaboration avec le Ministère de la Santé, la société civile et les partenaires au développement. L’objectif selon lui était d’assurer le maintien à l’accès aux services de base, la création d’équipes de volontaires dans toutes les formations sanitaires pour encadrer les malades, assurer l’hygiène, assurer la distribution de produits alimentaire durant le confinement, distribution de kits aux malades chroniques, aux personnes vivant avec un handicap et les familles démunies. Il a évoqué les transferts cash et le financement de plusieurs AGR.

Mohamed Limame Abdawa, Agence Taazour. Coordinateur du Programme Emel, à l’Agence pour la Solidarité nationale et la lutte contre l’exclusion Taazour, Mohamed Limame Abdawa a indiqué que son institution est au cœur de la lutte contre la Covid-19 eu égard à ses populations cibles qui sont essentiellement constituées de populations pauvres et vulnérables. L’agence Taazour intervient en effet selon lui à 3 niveaux : la protection sociale, l’intégration économique et l’accès aux services sociaux de base. Elle coordonne ses actions avec plusieurs départements ministériels, avec une masse critique d’interventions à travers 5 programmes, Chayla (éducation, santé, eau potable et énergies renouvelables), Baraka (activités économiques), Dari (habitat social), Tekevoul (registre social), Emel (produits alimentaires de base). Taazour prend selon lui en charge, quelques 200.000 familles dans le domaine de la sécurité médicale, avec 5 Milliards MRO de transferts monétaires ayant profité à 100.000 familles pauvres. A Nouakchott, 20.000 familles profitent des boutiques EMEL.

Mohamed Horma Baba, Commissariat Droits de l’Home, à l’Action Humanitaire et les Relations avec la Société Civile. Son département a développé, dira-t-il en substance, une approche de développement par rapport à la pandémie du Covid-19, en impliquant la société civile, quelques 500 ONG, dans de vastes campagnes de sensibilisation sur les gestes barrières, de distributions de produits alimentaires et de produits désinfectants, mais aussi des campagnes de conseils et d’offres de services. A Nouakchott, cette campagne a profité selon lui à 3.000 familles, 300 prisonniers, des centaines de personnes vivant avec un handicap et plusieurs migrants.

Moustapha Cheikh Abdallahi, Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA). La pandémie Covid-19 a permis de mettre à nu nos insuffisances structurelles et institutionnelles, a-t-il d’emblée souligné. Créé dans les années 70, le CSA a toujours joué selon lui un rôle central dans la sécurité alimentaire, grâce à sa présence sur toute l’étendue du territoire national. Il a évoqué la nouvelle vision stratégique qu’elle porte et qui nécessite l’appui et l’engagement des autres secteurs, notamment le département de l’agriculture, par un renforcement de ses moyens pour la bonne conduite de ses missions.

Ahmedou Moulaye Zeine, Secrétaire Général du Croissant Rouge Mauritanien. Membre du Comité international de la Croix et du Croissant Rouge (CICR) qui regroupe 169 pays, le Croissant Rouge Mauritanien créé dans les années 70 intervient dans toutes les grandes crises, selon lui. Dès le début de la pandémie Covid-19, son organisation a mis en place un plan d’actions d’intervention en se basant sur l’expérience de certain pays comme la Guinée face à Ebola, a-t-il indiqué. Ce plan tourne autour de 4 axes : sensibilisation, propreté et hygiène, appui aux populations pauvres, renforcement de capacité des structures de santé. Le Croissant Rouge, ce sont 56 représentations au niveau national et 6.000 volontaires présents dans toutes les Moughataas, dont 800 agents formés pour la sensibilisation contre Covid-19. Depuis le début de la pandémie, le Croissant Rouge s’est beaucoup investi dans la communication, avec 58.000 affiches publicitaires, des spots à la télévision et à la radio, des panneaux publicitaires de sensibilisation sur la Covid-19, notamment à Nouakchott et à Nouadhibou. Plus de 900.000 personnes touchées, distributions de denrées alimentaires et produits désinfectants à 1.500 familles les plus pauvres à Nouakchott, Rosso, Bakéol et Kiffa, transferts monétaires à plus de 300 familles, aides apportées à 200 migrants, formation de 84 agents pour encadrer les malades confinés à l’Université et s’occuper de la propreté et de l’hygiène des lieux pendant deux mois.

Mohamed Sidi, Vice-président de l’Association des Maires de Mauritanie. Il a déploré la non implication des maires et leur mise à l’écart dans la formulation et l’exécution des projets et programmes du Gouvernement. Selon lui, quand les maires ne sont pas impliqués, notamment dans la lutte contre la pandémie Covid-19, les résultats attendus ne seront pas complètement atteints, réclamant au passage l’application de la décentralisation. Il a rappelé qu’il existe 216 maires en Mauritanie, dont 162 opérant dans des communes où l’Etat est absent, et 60 maires gérant des territoires frontaliers avec des pays limitrophe. «Comment en tant que maires, les départements ministériels, notamment le ministère de la Santé, ne coopèrent pas avec nous» s’est-il indigné.

La Zekatt

Dans son intervention, le député Ould Tweirjene, a soulevé la non imposition de la «Zekatt» dans une République Islamique où les grandes fortunes sont légions. «Ce sont environ 3 Trillons d’ouguiyas que l’Etat mauritanien pourrait collecter chaque année, même sous la contrainte de la force publique, au profit des pauvres » a-t-il plaidé.

Ce à quoi, le Représentant Résident de l’UNFPA, SEM. Saidou Kaboré à répondu, affirmant l’existence d’une étude en cours, réalisée par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’UNFPA et la FAO, sur la Zekatt, étude qui sera soumise au gouvernement mauritanien.

A noter que Brahim Vall Mohamed Lemine, expert à l’UNFPA a présenté une communication sur le dividende démographique, avant que l’avocat consultant Mohamed Ould MBareck ne présente aux députés la meilleure formulation pour les questions orales adressées aux membres du gouvernement, soulignant que ces questions doivent se baser sur des chiffres et des données officielles pour renforcer leurs argumentaires.

L’ouverture des débats a été marquée par la présence du Vice-président de l’Assemblée Nationale, Mokhtar Taleb Nave, la Présidente du Conseil Régional de Nouakchott, Vatimetou Mint Abdel Maleck et le Maire de Tevragh-Zeina, Isselmou Ould Mahjoub.

Cheikh Aïdara