Les « orphelins » de l’Ancien Régime. Difficile de savoir aujourd’hui combien ils sont. Les adeptes du troisième mandat qui, sachant vaine cette tentative de démocracide, ont œuvré alors pour une sorte de « régence ». Ils se démènent sur les réseaux sociaux pour livrer un dernier baroud d’honneur. De déshonneur, devrai-je dire plutôt.
Ils s’échinent à faire croire qu’il y a possibilité d’un attelage à deux pour gouverner ! A quel titre ? Ils ne s’embarrassent pas de scrupules pour dire qu’il en était ainsi entre 2008 et 2019. Peut-être bien. Les « deux Mohamed » avaient déposé TAYA. Ensemble. Ils ont « rectifié » SIDIOCA. Ensemble. Même si l’on considère généralement que l’un avait entraîné l’autre dans une aventure qui n’était pas une option partagée, étant une réaction, mais qu’il a entérinée comme fait accompli. Par amitié. Tout comme il jouera le rôle de gardien du temple, en 2012. Par fidélité.
Durant la décennie 2009-2019, le général Ghazouani s’en est tenu strictement à son rôle de Chef militaire auquel le président de la République, exerçant la plénitude de ses pouvoirs, avait confié une mission aussi exaltante que difficile : restructurer l’Armée, la professionnaliser mais, surtout, la rendre performante face à une menace terroriste de plus en plus grande. A-t-il outrepassé ce rôle ? Non !
De tous les généraux, le CEMGA de l’époque était le moins impliqué dans les choses de la politique. Si cela était - et c’est possible - il avait eu l’intelligence d’agir dans la discrétion la plus totale pour que l’opposition, prompte à dénoncer l’implication de l’armée dans la politique, ne crie au scandale.
L’impression que Ghazouani était le second homme fort de l’État, après Aziz, venait du fait que l’armée était devenue, depuis 1978, le tremplin vers le pouvoir. Et que tout nouveau président ne gouverne que par elle et pour elle. La mécanique était alors bien huilée et chacun s’en tenait à son rôle. Les choses de la politique, la gestion « civile » du pays était du ressort d’un Raïs qui agissait en vrai capitaine de bateau. Les choses de l’armée marchaient à merveille parce qu’un général doué et calme agissait avec sérénité pour accomplir sa mission.
Et puis arrive 2019. L’année de l’élection présidentielle sans Aziz. La fin d’une ère et le début d’une autre malgré les agissements de ceux qui croyaient encore possible la survie du « nehj », cette manière de gouverner de plus en plus dénoncée, même au sein du camp du pouvoir. Certains « ministrés » d’Aziz sont les premiers à défendre une continuité qui, si elle se justifie par le fait que les mêmes hommes, au sein des mêmes partis, ont œuvré pour l’élection de Ghazouani, n’implique nullement que le nouveau président devrait assumer les travers et incommodités de son prédécesseur. Deux hommes différents, et donc, forcément, deux styles différents.
On le comprendra très vite quand, trois mois après l’élection présidentielle, Aziz rentre au pays sans crier gare. Il déclenche les hostilités en voulant s’emparer de l’UPR, le parti au pouvoir, alors que son ami n’a pas encore fini de s’installer au palais présidentiel et d’effectuer les premiers réglages. Une intrusion qui est en porte-à-faux avec la discrétion dont avait fait preuve son frère d’armes tout le long de ses deux mandats.
On comprend alors que l’homme n’avait lâché le pouvoir que contraint et forcé, malgré la propagande qui voulait faire croire à un « départ volontaire », alors qu’Aziz laissait derrière lui plusieurs chantiers inachevés. Des investissements qui rapportent, au propre et au figuré.
Le calme olympien avec lequel Ghazouani a géré cette première offensive par laquelle Aziz voulait jouer à la Kabila, en maîtrisant certains rouages du pouvoir (Parti et Assemblée) a fait monter la cote d’un Ghazouani grand adepte du soft power (manière douce), plus efficace, en matière de politique que le « ça passe ou ça casse » de son prédécesseur.
En cette première année de pouvoir de Ghazouani, les avis sont certes mitigés sur le bilan d’un gouvernement dont plusieurs membres sont les rebuts de l’Ancien Régime, mais il a comme circonstances atténuantes qu’il agit, en situation d’urgence (Covid-19) depuis plusieurs mois. Il faudra alors attendre la mi-mandat pour juger de la faisabilité de l’ambitieux programme « Taahoudati » (mes promesses) décliné en actions tournées vers le social, l’éducation, la santé et les infrastructures de base, et mis en œuvre par un gouvernement responsabilisé mais avec obligation de résultats.
Sneiba Mohamed