En présence de quelques membres du bureau exécutif et du Conseil des sages, les acteurs des cultures urbaines de Mauritanie réunis au sein d’une coalition (COACUM) de plus de 300 membres adhérents ont lancé jeudi 12 décembre 2024, le début de leurs activités. Objectif, aboutir à la reconnaissance d’un combat de plus de trois décennies de rayonnement et d’apports sur le plan socioéconomique et dans le domaine de la diplomatie culturelle.
La COACUM est le premier rassemblement opérationnel qui agit pour l’intérêt des acteurs des cultures urbaines et qui regroupe plusieurs disciplines dont le Hip-hop. Elle offre aux différentes organisations et aux artistes mauritaniens, un cadre structurel, un espace de réflexion, de partage, de travail et de professionnalisation.
C’est par cette réflexion que Kane Limam Monza, membre du Comité des Sages de la COACUM et l’un des initiateurs de la coalition, a campé le décor lors de la conférence de presse le jeudi 12 décembre 2024 à Nouakchott.
Au-delà d’une reconnaissance juridique, la reconnaissance effective
En effet, Mamadou Aly Diallo dit Mikey Aly, président de la COACUM avait expliqué lors de l’ouverture de la conférence de presse annonçant le lancement des activités de la structure, que cette coalition lancée il y a une année, est le fruit d’un long combat.
Selon lui, le récépissé de reconnaissance juridique de la COACUM est déjà un acquis important mais pas le seul, l’autre combat à mener étant celui de la reconnaissance effective auprès des autorités de tutelle, en l’occurrence le Ministère de la Culture. D’autant plus, précise-t-il en substance, que 80 % de la population mauritanienne consomme de la culture urbaine, offrant à cette dernière une assise légitime qui lui permet d’occuper une place de choix dans le magma culturel national.
Pour lui, les jalons sont lancés et que ce sera aux générations actuelles et à venir de poursuivre ce long marathon de la reconnaissance.
Les cultures urbaines, un brassage d’énergie
Prenant la balle au rebond, le vice-président de la coalition, Cheikh Baby, devait préciser que leur structure est apolitique et que 90 % de la jeunesse mauritanienne est dans le Hip-hop et dans les autres métiers des cultures urbaines, comme l’expression artistique, le management, etc.
Selon lui, les artistes mauritaniens, notamment les jeunes inscrits dans ces formes culturelles doivent jouir des mêmes retombées dont jouissent les autres artistes dans les pays voisins, mettant en exergue les opportunités économiques et sociales que cette discipline offre.
Pour sa part, Mokhtar Koita, Commissaire aux Comptes de la Coalition est revenu sur le texte de loi relatif au Statut de l’Artiste et dont certains points n’étaient pas, selon lui, à l’avantage des acteurs des cultures urbaines, saluant la vigilance de Monza qui a permis de lancer la réflexion autour de la révision de certaines de ses dispositions.
Ainsi, selon lui, l’une des raisons qui ont poussé les artistes à créer la COACUM, figure cette nécessité ressentie de s’unir autour d’une seule structure pour défendre leurs intérêts. L’objectif étant de faire profiter les acteurs des cultures urbaines de leurs droits en termes de reconnaissance, d’appuis et d’accompagnement de la part de l’Etat.
Le RAPP mauritanien, premier produit de consommation
Reprenant la parole, Monza devait rappeler le rôle de la culture en tant qu’un des piliers du développement, un champ économique et un foyer de métiers transversaux. Selon lui, si la COACUM existe, c’est dans l’objectif de créer une synergie entre l’ensemble des acteurs.
Il a aussi rappelé qu’aujourd’hui, le RAP mauritanien est le premier produit de consommation culturel dans ce pays. L’exemple selon lui est le fait que les artistes remplissent des stades à guichet fermé et que des fans déferlent de tous les quartiers de Nouakchott par milliers pour venir assister à un spectacle de Hiphop. L’alerte lancée en direction des autorités est, selon lui, qu’il y a une masse de demandes auxquelles elles doivent répondre, notamment par la mise en place d’un cadre légal qui peut régler d’autres problèmes, dont celui de défendre les artistes mauritaniens contre des envahisseurs venus d’ailleurs et qui leur volent leur pain.
Il a précisé que la COACUM est le rassemblement de Mauritaniens de toutes les couches sociales réunies par l’amour des cultures urbaines, sans aucun particularisme.
Engagements internationaux et Statut de l’Artiste
Abordant des aspects plus institutionnels et juridiques, Monza souligne que la Mauritanie est signataire de plusieurs engagements internationaux dans le domaine de la culture, dont la Convention UNESCO 2005 qui garantit une rémunération équitable des artistes.
« Depuis juillet 2012, nous avons une loi sur la propriété intellectuelle, littéraire et artistique. La Loi n° 0036-2012 qui n’est plus d’actualité car le monde culturel après 12 ans a évolué » a-t-il souligné. Ce texte de loi a été pris, selon lui, par un ancien ministre de la Culture qui allait signer un décret portant sur le statut de l’artiste, mais sous un nom différent. Il était intitulé « Statut des professionnels des arts et de la culture ». Et de se poser la question « qu’est devenu ce projet et où en est-on ? »
Monza affirme que ce projet de décret a été porté à l’attention d’experts avec comme idée de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs sans copier, mais l’adapter au contexte mauritanien, même si selon lui, il ressemble à celui des pays voisins, au moins en termes d’écosystème des acteurs.
COACUM, seul interlocuteur des artistes
Pour Monza, la démarche de la COACUM est de faire en sorte que cette structure soit la seule voix autorisée entre les acteurs des cultures urbaines et les autorités publiques, mais aussi les partenaires techniques et financiers de la Mauritanie.
Pour revenir au lancement de la COACUM, objet de la présente conférence de presse, Monza déclare que l’un des objectifs est de faire savoir à l’opinion que cette structure rassemble toutes les initiatives des cultures urbaines en Mauritanie et qu’il faut passer par elle pour s’adresser aux artistes. Selon lui, il est temps de valoriser le hiphop en mettant fin à son ostracisme et à son exclusion de tous les avantages octroyés par le Ministère de la Culture à d’autres groupes culturels comme les griots.
Le RAPP, un levier de développement
Pour Monza, le RAP n’est pas là pour amuser la galerie, mais qu’il est un puissant moteur de conscientisation des masses, une école d’éducation citoyenne et un lanceur d’alertes contre les maux qui rongent la société. Il est aussi un important levier qui participe au développement du pays, soulignant que le RAP injecte beaucoup d’argent dans l’économie de la Mauritanie, au regard des différents évènements organisés tout au long de l’année, notamment pour la sécurité, la location des salles, de la sonorisation, de l’emploi créé autour de ces évènements, etc.
Droits d’auteurs et monétisation
Enfin, Monza s’est porté en faux contre la cellule des droits d’auteurs et des droits voisins installés et contrôlés par le Ministère de la Culture et qui ne travaille pas, exigeant la création d’une société de gestion collective des droits dirigée par les acteurs culturels comme dans les autres pays.
Il a ensuite défendu l’idée de la monétisation en Mauritanie des contenus sur Google et sur YouTube, soulignant l’ampleur des pertes en numéraires énormes subies par les artistes mauritaniens.
En conclusion, le président de la COACUM a rappelé que le combat ne fait que commencer pour la reconnaissance effective des cultures urbaines auprès des décideurs politiques, eu égard à leur important apport dans la vie sociale, économique et diplomatique du pays.
Il faut noter que la COACUM est dirigée par un Bureau exécutif de sept personnes dont deux femmes et un Comité des Sages représentant toutes les composantes de la société mauritanienne. Certains membres résident à l’étranger, notamment en Europe.
A noter que la modération de la rencontre a été assurée par Cheikh Diagne dit Mister X, chargé de communication de la COACUM et membre du Comité des Sages.
Dieh Moctar