Après les sorties médiatiques du Président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani, sur des médias internationaux, Jeune Afrique, RFI et France 24, le leader de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), le député Birame Dah Abeid, a réagi sur trois points abordés par Ghazouani lors de ses interviews, notamment le dialogue politique, le retour de l’ancien président en exil Maaouiya Sid’Ahmed Taya et le passif humanitaire. En question subsidiaire, l’esclavage foncier.
Dans une interview qu’il m’a accordée ce dimanche 1er août 2021 à son domicile au P.K 10 de Nouakchott, le président du mouvement IRA, le député Birame Dah Abeid est revenu sur les sorties récentes du Président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani, notamment sur Jeune Afrique, RFI et France 24. Dans cette interview, Birame déclare être circonspect et opposé aux déclarations de Ghazouani sur trois points, le dialogue politique, le retour de l’ancien président en exil au Qatar, Maaouiya Sid’Ahmed Taya et le passif humanitaire.
Concernant le dialogue national que réclame l’opposition, le Président de la République juge que le fait de parler de dialogue national laisse penser à une situation de crise. Or, ce n’est pas le cas en Mauritanie, selon lui. Il précise qu’une ouverture a été déjà faite en direction de l’opposition et de la société civile et que des échanges peuvent déboucher sur des conclusions positives qu’il n’y aura aucun complexe à mettre en œuvre. Est-ce suffisant selon vous ?
Birame Dah Abeid : en réponse à la déclaration du Président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani sur la non nécessité d’un dialogue politique, je ne pense pas que cela soit une position une judicieuse, car elle n’est pas celle de l’ensemble de la classe politique, notamment l’opposition. Tout le monde apprécie certes l’approche qu’il a initiée, une approche non vindicative. Lui-même n’est pas un insulteur public comme son prédécesseur. Il a été attentif à nos propos, il nous a écoutés et nous avons été sincères avec lui.
Le retour qu’il devait faire, ce n’est pas le déni de la nécessité du dialogue. Cette norme du dialogue nous l’avons apprécié en tant que tel, et le fait que l’homme du dialogue se déclare pas du tout disposé au dialogue, n’est pas constructif.
Nous espérons que le président Mohamed Cheikh Ghazouani sur ce point, puisse comprendre ce que nous avons toujours réitéré. Nous n’avons pas dit qu’il est venu et qu’il a créé une crise, ou que son gouvernement l’ait fait.Mais nous avons espéré et demandé, après ces premières démarches, que c’est lui qui allait mettre fin aux différentes crises qui ont été orchestrées par ses prédécesseurs. Ces crises continuent encore à faire des victimes et à empoisonner la vie nationale, la vie entre les communautés nationales, et entre les citoyens et l’Etat. Il s’agit de crises multiformes qu’il est superflu d’énumérer tous et qui sont connus. Ces crises nécessitent un dialogue, ou appelez-le comme vous voulez, mais quand même, elles nécessitent un dialogue sérieux, approfondi et organisé, avec le parrainage du Président de la République, entre l’opposition et le pouvoir.
Dans son interview à Jeune Afrique, le Président Ghazouani a fait allusion au règlement du passif humanitaire, en évoquant le dédommagement des victimes. Qu’en pensez-vous ?
Birame Dah Abeid :Justement parmi les problèmes que j’évoquais, il y a ce qui est appelé pudiquement, passif humanitaire qui n’est pas un problème dépassé. Je serai surpris d’apprendre que le président de la république pense que ce dossier se résume à une question de dédommagement pécuniaire oubliant qu’il y a des aspects beaucoup plus importants comme l’aspect de la cohabitation nationale présente et future et ses ramifications politiques, morales et judiciaires.Tous les Mauritaniens aspirent au règlement définitif de ce dossier qui est une véritable question nationale.
Dans ses interviews, le Président Ghazouani a également évoqué le retour au pays de Maaouiya Sid’Ahmed Taya, quel est votre avis ?
Birame Dah Abeid : Maaouiya Sid’Ahmed Taya, l’ancien président actuellement en exil au Qatar, symbolise le martyre de plusieurs centaines de milliers de mauritaniens. La terreur qu’il a orchestrée au dépend d’une grande partie de la communauté nationale en fait un bourreau dont le retour ne peut pas être un retour normal. Son vécu à côté des Mauritaniens ne peut pas être un vécu normal. Maaouiya s’il retourne au pays, ce sera l’occasion pour la justice, si nous sommes dans un État de droit, d’ouvrir le dossier de la tentative d’épuration ethnique des années 80-90 dont il est le premier responsable.
Il s’agit en fait d’un dossier à plusieurs facettes, avec des centaines, voire des milliers de victimes, les disparitions, les déportations, les expropriations, les exécutions extra-judiciaires, la radiation de fonctionnaires civils et militaires. Le retour de Maaouiya ne peut nullement être le retour d’une personne normale.
Beaucoup soutiennent que le mouvement IRA n’est plus aussi présent sur le champ de la lutte contre l’esclavage, quelle est votre réponse ?
Birame Dah Abeid : les gens se trompent quand ils pensent que le mouvement IRA n’est plus aussi présent qu’avant sur la question des droits de l’homme. Je réitère ici non sans regret, que pendant les deux années du président Mohamed Cheikh Ghazouani, s’il y a des dossiers sur lesquels il n’y a eu aucune avancée, c’est le dossier de l’esclavage, notamment l’esclavage agricole et foncier qui gangrène la société rurale maure aussi bien que la société négro-africaine.
Il s’agit de deux phénomènes graves qui restent en l’état. Ghazouani n’a pas encore apporté sa pierre dans l’édifice de LUTTE contre l’esclavage domestique et agricole. C’est pourquoi les féodaux esclavagistes poursuivent leurs forfaits en toute impunité. Parmi ces forfaits, que nous suivons et traitons, tout en apportant appuGhazwani n’a pas encore apporté sa pierre dans l’édifice de LUTTE contre l’esclavage domestique et agricolei aux victimes, ce qui vient de se passer à Dafor au Guidimagha où un esclave a été lynché, mais aussi dans un village haratine près de Tamchakett où les habitants subissent un esclavage agricole. Tous ces cas sont suivis par la commission des droits de l’homme d’IRA-Mauritanie, mais aussi par nos militants qui ont relayé ces informations au niveau de réseaux sociaux.
Seulement, deux éléments manquent au dispositif qui faisait que les actions d’IRA sur le terrain occupaient le devant de l’actualité. Premièrement, Aziz et sa machine répressive ne sont plus là. Du coup, la répression des membres d’IRA qui alimentaient l’actualité a disparu. Deuxièmement, les quatre principaux organes de presse francophone, Cridem, Le Calame, L’Authentique, le Quotidien de Nouakchott, qui relayaient les actions d’éclat du mouvement IRA ont été domestiqués par un puissant homme d’affaires, Mohamed Bouamatou, le principal adversaire du mouvement IRA. Il leur a interdit de publier la moindre action d’IRA. Du coup, le monde extérieur ne trouve plus les échos des actions du mouvement IRA. C’est pourquoi les gens pensent qu’IRA ne fait plus d’activités.
Propos recueillis par Cheikh Aïdara