Le Secrétaire général du Ministère des Affaires Economiques et des Secteurs Productifs, M. Abdi Ould Jiyid, a présidé mardi 23 novembre 2021 à Kiffa, au lancement du processus d’élaboration de la SCRAPP pour la Wilaya de l’Assaba. A la date du 27 novembre 2021, autorités administratives, services décentralisés de l’Etat, élus et membres de la société civile ainsi que les partenaires devront aboutir à un plan d’action global pour le développement intégré de la région à l’horizon 2025.
Les attentes restent longues pour la population de l’Assaba. Un ras-le-bol général, venu notamment de la part des élus et de la société civile pour fustiger des ateliers sans lendemain, des phases d’exécution qui ne viennent jamais, des stratégies à n’en plus finir, des promesses creuses depuis des décennies, mais surtout des milliards injectés dans le développement de l’Assaba qui n’ont produit que davantage de pauvreté et de misère. Le taux de pauvreté dans la région, l’un des plus élevés du pays, est de 39, 4%, selon les derniers chiffres d’une enquête réalisée en 2019.
Ce cri de cœur qui a émaillé le processus d’élaboration de la SCRAPP 2022-2025 de la Wilaya de l’Assaba, objet de l’atelier ouvert à Kiffa le 23 novembre 2021, a permis au Secrétaire Général du Ministère des Affaires Economiques et des Secteurs Productifs, M. Abdi Ould Jiyid, de contenir tous ces ressentiments. Il a en effet fait comprendre aux participants que cet atelier, ainsi que le processus en cours pour le développement de l’Assaba, n’est en rien pareil aux ateliers qui l’ont précédé, et que la volonté politique n’est pas la même. Il en veut pour preuve, dira-t-il en substance, la visite programmée du Premier Ministre dans quelques jours, en compagnie d’un groupe de bailleurs pour financer la SCRAPP de la Wilaya du Hodh Charghi, qui a connu exactement il y a une année, le même processus que celui qui vient de démarrer en Assaba.
M. Abdi Ould Jiyid a déclaré, à l’entame des travaux, que le gouvernement vient d’approuver une loi d’orientation portant Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) 2030-2063, qui prévoit en son article 9, l’élaboration d’une SCAPP par région qui prendra en compte les spécificités locales et les opportunité économiques disponibles. Il a indiqué que l’atelier de Kiffa entre dans ce sillage avec une approche participative et inclusive qui regroupe l’ensemble des acteurs au niveau local, autorités administratives, élus, départements sectoriels, secteur privé, société civile et partenaires au développement.
Il a indiqué par la suite que la SCRAPP repose sur trois piliers essentiels. D’abord, bâtir un socle économique fort, basé sur les ressources des secteurs productifs essentiels, notamment l’élevage et l’agriculture, sur lesquels pourront être érigées des unités de transformation à valeur ajoutée, capable de créer de l’emploi et de la productivité. Deuxièmement, le développement du capital humain et l’accès aux services sociaux de base. Troisièmement, la consolidation de la bonne gouvernance et de la transparence.
Auparavant, le Wali de l’Assaba, Mohamed Ould Ahmed Maouloud et le Président du Conseil Régional, Mohamed Mahmoud Ould Lehbib, ont mis l’accent sur le processus d’échanges en cours, mettant l’accent sur les potentialités de la région et la volonté des pouvoirs publics d’en faire les bases d’un développement intégré et durable en faveur de la population.
A l’entame des travaux, le Maire de Kiffa, Jemal Ould Ahmed Taleb, avait souhaité la bienvenue à la délégation du Ministère des Affaires Economiques, aux autorités présentes, aux experts et aux participants.
A noter que le processus d’élaboration de la SCRAPP de l’Assaba est piloté par deux cabinets d’experts conduits par l’ancien ministre Mohamed Ould Abed.
Les participants discuteront pendant cinq jours de plusieurs thématiques, petite enfance, habitat et aménagement territorial, santé, éducation, élevage et agriculture, protection sociale, emploi, hydraulique, gouvernance territoriale, transport et énergie, environnement et changements climatiques, entre autres sujets. Les cabinets d’expertise avaient parallèlement organisé des focus groupes avec les jeunes et les femmes pour prendre en compte leurs préoccupations, notamment dans les domaines des loisirs, de la culture, des sports et du tourisme.
La vindicte des échanges qui ont marqué l’ouverture des concertations sur la SCRAPP en Assaba, augure déjà de la richesse des débats qui vont émailler les travaux des ateliers qui débuteront mercredi 24 novembre pour s’achever en principe le 27 novembre.
Cheikh Aïdara
Groupe des Journalistes Mauritaniens pour le Développement (GJMD)
QUELQUES INTERVENTIONS
Maham Babou, maire de Barkéwol
« Nous sommes habitués depuis plusieurs années à des ateliers sans lendemain qui n’apportent aucun changement. A quand un atelier d’exécution et non un atelier qui nous ramène aux diagnostics, étant entendu que chaque commune dispose d’un plan de développement où le diagnostic des problèmes est déjà fait mais ce qui manque, c’est juste un plan d’exécution. Ce que nous voulons c’est du concret, pas de paroles en l’air et les maires que nous sommes, nous n’avons vraiment plus le temps d’assister à des ateliers qui ne débouchent jamais sur du concret. Combien d’ateliers a-t-on fait sur la santé, sur l’éducation, combien de structures de santé sont bien équipées et bien pourvues en personnel suffisant et de qualité, combien de salles de classes où les enfants s’assoient par terre, sans table-banc. Nous en avons assez des diagnostics, nous voulons de l’exécution »
Mohamed Vall Mohamed Saadna, président sous-section commune de Kiffa
« Il y a des problèmes d’employabilité qui se pose et un taux de chômage très élevé. Comment se fait-il qu’en Mauritanie, qui ne fait même pas 4 millions d’habitants et on n’a même pas 100.000 fonctionnaires ? Nous avons aussi des problèmes de marginalisation et d’exclusion, des problèmes structurels qui se posent depuis des années, comme l’eau et l’électricité ».
Moulkheïr Mint Levragh, Présidente association de bienfaisance
« Tous les moyens qui sont mis dans la région sont partis en fumée, on n’en voit aucune trace. L’Assaba d’une manière générale et Kiffa en particulier souffre de problèmes multiformes malgré les énormes investissements consentis. »
Moyma Mint Saad Bouh, activiste des droits de l’homme
« Les femmes qui représentent 52% de la population mauritanienne sont exclues et marginalisées dans tous les programmes de développement. Elles sont très minoritaires au niveau des centres de décision. Pourtant, la femme de l’Assaba est connue pour son dynamisme et sa productivité, mais où sont-elles. L’Assaba compte des dizaines de maires, mais il n’y a qu’une seule femme maire. Ce qui nous importe, c’est le développement, pas des querelles stériles sur les langues de développement. Quant à ceux qui se plaignent des diagnostics, sachez qu’aucun médecin ne peut vous soigner sans vous avoir consulté et diagnostiqué votre mal. Le diagnostic est toujours utile et le développement local passe nécessairement par l’exploitation des ressources disponibles au niveau local. Ce sont surtout les interventions et les ingérences dans tous les secteurs qui freinent le bon fonctionnement de l’administration. Il y a surtout la non application des textes qui explique la faiblesse de l’Etat. Pour bâtir un Etat fort, il faut veiller à l’application stricte des lois et combattre l’impunité ».