La Journée nationale de lutte contre l’esclavage a été célébrée le 6 mars 2022 à Néma, capitale du Hodh Echarghi au milieu d’absences de taille, celle des deux plus grandes organisations abolitionnistes du pays, SOS Esclaves et IRA Mauritanie.
Cette année, c’est Néma, la capitale du Hodh Echarghi qui a accueilli les festivités commémoratives de la Journée nationale de lutte contre l’esclavage. La cérémonie officielle a été présidée par le Commissaire adjoint aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile, M. Rassoul Ould Khal, entouré des autorités administratives, sécuritaires et militaires de la Wilaya, en plus du Coordinateur du Projet BRIDGE du Bureau international du Travail (BIT), M. Marc Ninerola, de la représentante du bureau du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Khadijetou Bâ et des représentants de la société civile.
Sobre cérémonie officielle
Ouvrant les travaux de la journée, M. Rassoul Ould Khal a mis en exergue l’importance capitale que place le Président de la République, SEM. Mohamed Cheikh Ghazouani, à l’éradication de l’esclavage et de ses séquelles, ainsi que toutes les inégalités qui minent la société mauritanienne.
Il a rappelé les efforts consentis par la Mauritanie depuis l’adoption de la Loi 031-2015 criminalisant l’esclavage et pénalisant ses pratiques dans le cadre d’un arsenal juridique adopté ces dernières années pour éradiquer toutes les formes d’exploitation et de servilité, y compris le trafic des êtres humains.
Il a rappelé la place qu’occupe la promotion et la protection des droits humains dans les priorités du Commissariat aux Droits de l’Homme, évoquant les nombreux ateliers et campagnes organisés pour sensibiliser les populations et les acteurs sociaux sur les dangers que représente les pratiques esclavagistes et l’importance de consolider la cohésion sociale et l’unité nationale.
Il a annoncé dans la foulée le lancement d’un Prix National des Droits de l’Homme et de la cohésion sociale. Il a aussi évoqué l’élaboration de la Stratégie nationale de promotion et de protection des droits de l’homme et la finalisation des recommandations de la table-ronde sur l’application de la loi sur l’esclavage et ses pratiques, ainsi que la mise en application de la loi réprimant le trafic des humains.
La cérémonie a été également marquée par le mot de la représentante du Haut-commissariat des droits de l’homme et le discours de bienvenue du maire de Néma, M. Sidi Mohamed Ould Mohamed.
Absence de volonté politique pointée du doigt par des abolitionnistes
Les deux plus grandes organisations anti-esclavagistes du pays sont sans nul doute l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) et SOS Esclaves. Or, ces deux organisations étaient absentes lors de la célébration de la journée du 6 mars 2022 à Néma. Toutes les deux en veulent à l’Etat pour absence de volonté politique réelle pour lutter contre l’esclavage dans le pays.
SOS Esclaves a ainsi décidé d’organiser la journée en solo dans ses locaux à Nouakchott. A ce propos, M. El Kory Sneiba, chargé de communication de l’organisation dans un entretien accordé à des confrères a critiqué l’absence de volonté politique pour éradiquer définitivement l’esclavage du pays. Selon lui, la Mauritanie n’a pas respecté les 29 recommandations contenues dans la feuille de route adoptée en 2014 en présence de la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les formes contemporaines de l’esclavage, Mme Shahinian. Il fustige notamment le traitement judiciaire des dossiers relatifs à l’esclavage, malgré la création de tribunaux spéciaux, estimant que les magistrats et leurs auxiliaires de justice ont tendance à détourner les faits d’esclavage, s’ils ne s’arrangent pour assurer l’impunité aux auteurs de pratiques esclavagistes.
Même son de cloche du côté du mouvement IRA. Si l’ONG n’a jamais été conviée dans les précédentes journées pour non reconnaissance officielle, aujourd’hui que l’association est dûment reconnue depuis janvier 2022, son absence à la journée reste inexpliquée. Certains observateurs évoquent cette mauvaise volonté politique constatée dans le règlement juste des affaires d’esclavage, le dernier cas de Aîn Varba et sa suite, étant une preuve irréfutable de ce déni de justice, selon les partisans.
Ainsi, la problématique de l’esclavage semble encore entière, malgré l’existence de la loi 031-2015 considérée par l’ensemble des acteurs comme étant un instrument efficace pour éradiquer le phénomène si son contenu était sérieusement appliqué.
D’autres trouvent également que la présence depuis plus de trois ans du Projet BRIDGE, intervenu après la ratification par la Mauritanie du Protocole de 2014 contre le travail forcé, ainsi que tous les efforts consentis par son Coordinateur, M. Marc Ninerola et son équipe, pour la formation des magistrats, des forces de sécurité, de la société civile et des acteurs sociaux, aurait fait avancer la lutte contre l’esclavage dans ses diverses formes, traditionnelles et contemporaines.
Cheikh Aïdara