Chami, Mme Argentina Matavel mesure la forte pression des 40.000 orpailleurs de la ville sur les services de santé sexuelle reproductive

ven, 15/04/2022 - 04:49

Créé en 2013, la cité dortoir de Chami, située à 250 kilomètres de Nouakchott sur la route de Nouadhibou, croule sous le poids des 40.000 orpailleurs et la forte pression exercée sur les services de santé sexuelle reproductive offerts par l’unique centre de santé de la ville. Le constat a été fait par la Directrice régionale du Fonds des Nations Unies pour la Population pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre (UNFPA WCARO), Mme Argentina Matavel et le staff du Bureau Pays, lors de la Journée spéciale pour la continuité des services de santé reproductive, organisée jeudi 14 avril 2022 par l’Association Mauritanienne pour la Promotion de la Famille (AMPF).

La Directrice Régionale UNFPA WCARO, Mme Argentina Matavel, dans sa quatrième journée de visite de travail en Mauritanie, a été l’hôte, jeudi 14 avril 2022, de la ville de Chami, un département créé ex-nihilo en 2013, à mi-chemin entre Nouakchott et Nouadhibou. Accompagnée par le Représentant Résident de l’UNFPA Mauritanie, M. Cheikh Fall et son staff, elle a assisté à la journée spéciale pour la continuité des services de santé sexuelle reproductive, y compris la planification familiale, organisée par l’AMPF en présence de Mme Marième Mint Ahmed Aïcha, présidente de l’association.

Visite de courtoisie au Hakem

En visite de courtoisie chez le préfet (Hakem) de Chami, M. El Ghali Ould Ahmedou, la délégation conduite par Mme Argentina Matavel a écouté une courte présentation de la ville dortoir, lieu de concentration d’un peuplement anarchique venu des quatre coins de la Mauritanie et des pays voisins, attirés par le mirage de l’or. Plus de 40.000 orpailleurs et leurs 6.000 Tout Terrain, 4.000 étrangers dont des Maliens, Sénégalais, Soudanais, Ghanéens, entre autres, y déposent leur valise la nuit tombée, masses sombres étalées dans les rues de la cité, après une journée de labeurs dans les zones d’exploitation situées aux alentours du département. 

Avec ses 21. 000 Km2 de superficie, Chami compte, selon le préfet, 3 communes, Chami, Mouamghar et Tmeïmichatt, avec deux centres de santé et deux postes de santé.

La forte poussée démographique de ce département créé ex-nihilo il y a près de dix ans, exerce selon le préfet, une pression démesurée sur les ressources en eau et impacte négativement sur son environnement, sans compter les maux sociaux adjacents, drogue, prostitution, avec leurs lots de maladies et de mauvaises mœurs.

Ainsi, la société MAADEN, chargée de la gestion des orpailleurs, trouve du mal à canaliser toute cette faune humaine, tout comme le peuplement inédit de Chami a valu une enquête menée par l’Organisation Internationale de la Migration (OIM) sur la situation des migrants et leur impact sur la vie socioéconomique de la ville.

Un centre de santé sous équipée face aux besoins démesurés

Selon le médecin-chef de Chami, le centre de santé offre environ 50 consultations par jour, 80% des patients étant des orpailleurs, avec 14.000 consultations offertes en 2021. Le centre offre également, selon lui, un service de maternité, avec une salle d’accouchement composée de 4 lits et une salle d’hospitalisation d’une demi-douzaine de lits, sans compter un service de visite prénatal et postnatal, ainsi qu’une pharmacie.

Les cas compliqués, comme les césariennes, ainsi que les nombreux cas d’accident, la plupart des accidents de travail touchant les orpailleurs, sont référés soit à Nouakchott ou à Nouadhibou. Le centre de santé ne compte aucun service d’urgence ni de radiographie faute de spécialistes, selon le médecin-chef. Les seuls services offerts avec spécialistes sont, d’après lui, ceux que l’AMPF amène à l’occasion des journées spéciales qu’elle organise régulièrement avec le concours de l’UNFPA, comme c’est le cas ce jeudi 14 avril 2022, avec la gynécologue de l’association, Dr. Marième Vachet. Ainsi en 2021, l’AMPF avait organisé 16 journées spéciales à Chami. Le centre de santé offre aussi un service de vaccination, avec 400 enfants vaccinés en 2021.

Eu égard à la présence de grandes quantités de mercure et de cyanure pour l’exploitation de l’or, le médecin-chef trouve urgent d’ouvrir une aile de médecine de travail à Chami ou à défaut, former les pratiquants exerçant dans la ville dans cette discipline.

La visite guidée dans le centre de santé de Chami s’est achevée par une remise de dons, médicaments et matériels médicaux, offerts par l’UNFPA sous la supervision de la Directrice Régionale, Mme Argentina Matavel. 

SOS Pairs Educateurs pour la prévention contre le VIH/Sida

Tous les ingrédients sont réunis à Chami pour la prolifération de maladies sexuellement transmissibles comme le VIH/Sida, avec la présence de plus d’une centaine de travailleurs du sexe dans les deux genres. C’est le constat fait par Diop Amadou, un jeune bénévole de SOS Pairs Educateurs, une ONG qui a installé une antenne sentinelle à Chami, en partenariat avec le Secrétariat exécutif national de lutte contre le sida (SNLS), dont le dernier projet, de trois mois, vient de s’achever.

Son exposé a été suivi avec intérêt par la Directrice Régionale et sa délégation. Diop Amadou a indiqué que le centre organise régulièrement des séances de causeries et des entretiens individuels, indiquant que 172 travailleuses du sexe sont recensées et suivies par géolocalisation, ainsi que 36 hommes offrant les mêmes services, tous détenant des carnets de soin.

Selon lui, le centre a organisé entre juin et décembre 2021, 67 causeries et 146 entretiens individuels. Il a également expliqué que le centre distribue des préservatifs, livre conseils et orientations, comme il offre le dépistages et l’auto dépistage, sans compter le suivi des séropositifs. Le seul problème qui se pose selon lui, c’est l’absence d’un praticien de la santé au niveau du centre, face à la gêne ressentie par les séropositifs à se rendre au centre de santé pour la confirmation de leur statut. Il a aussi soulevé les difficultés à réorienter ceux qu’il appelle dans son jargon, « les perdus de vue », c’est-à-dire les séropositifs en rupture de ban, ceux qui sont enregistrés au Centre de traitement ambulatoire (CTA) de Nouakchott et qui ont rompu leur traitement.  

La délégation semble avoir été impressionnée par le travail abattu par les Pairs éducateurs. La Directrice régionale a instruit le Bureau Pays pour étudier les voies et moyens d’appuyer le centre dans son travail préventif contre les maladies sexuellement transmissibles dans la ville de Chami.

Cheikh Aïdara