Lors de sa dernière réunion il y a quelques jours, le Haut Conseil de la Magistrature, sous la présidence de Mohamed Cheikh Ghazouani, a affecté le juge d’instruction Ahmed Bezeid Ould Ahmed Naji en charge de l’enquête sur le meurtre de l’activiste Souvi Ould Cheine, assassiné en février 2023 dans les locaux du commissariat de Dar Naim 2 à Nouakchott.
Selon les avocats de la défense, cette mesure va fortement entraver les procédures en cours, étant entendu que le nouveau magistrat risque de prolonger l’enquête puisqu’il lui faudra du temps pour s’imprégner des tenants et aboutissants du dossier, explique-t-il.
Les avocats dénoncent un acte contraire aux règles établies dans un état de droit, soutenant qu’un juge assis ne peut être affecté que sur sa demande ou en cas de fortes contraintes. Ils précisent que le juge a été dessaisi sans son consentement et sans qu’un motif valable ne soit avancé, sinon l’empêcher de conduire l’enquête jusqu’au bout.
En effet, les avocats de la défense soutiennent que depuis qu’il a pris en charge cette enquête, le juge a fait preuve de professionnalisme et de probité morale, et que les procédures étaient conduites en toute impartialité et transparence.
Me Ely a ainsi dénoncé une tentative d’entraver l’action de la justice, s’étonnant que ce soit la plus haute instance judiciaire du pays, le Haut conseil de la magistrature sous la présidence de Mohamed Cheikh Ghazouani, le Président de la République, qui ait pris une décision contraire aux principes en vigueur dans un état de droit. Me Ely a clairement déclaré que cette décision serait motivée par le fait que le principal suspect dans cet assassinat ignoble commis dans un commissariat de police, c’est la Direction de la Sûreté Nationale.
Cette déclaration a été faite lors d’une conférence de presse que le collectif de la défense a animée le mercredi 19 juillet 2023.
Me Yacoub Diallo, un des doyens du barreau, trouve que cette réunion du Conseil de la Haute Magistrature avait, en toute apparence un seul objectif, dessaisir le juge d’instruction, pour l’empêcher de poursuivre l’excellent travail qu’il avait engagé dans l’enquête, avec un professionnalisme, une impartialité et une transparence saluée par tous ses confrères.
Me Bah, Me Jemila et Me El Id, ont abondé dans le même sens, fustigeant une malencontreuse démarche incompréhensible de la part du Haut conseil de la magistrature qui risque de lui enlever toute crédibilité et de salir l’image du système judiciaire en Mauritanie.
Ils ont exhorté le président Mohamed Cheikh Ghazouani à revenir sur cette décision et de laisser l’enquête suivre son cours normal sans ingérence dans le travail du magistrat qui conduit cette affaire depuis son début.
En effet, plusieurs sources parlent de pressions qui ont été exercées sur le juge pour orienter l’enquête qui pourrait déboucher sur un scandale qui risque d’éclabousser tout l’appareil d’état. Certains soutiennent en effet que la Police nationale ne serait pas tout à fait innocente dans cette affaire.
D’autre part, certains trouvent suspects les sommes colossales que l’Etat a versé aux ayants droits. Le Président Ould Ghazouani leur aurait envoyé par émissaires interposés la somme de 14 millions d’ouguiyas, sans compter les montants versés par des proches du pouvoir, tels que le Patronat mauritanien qui aurait déboursé plusieurs millions aux lendemains de la disparition de Souvi, sans compter d’autres supposées bonnes volontés dont certains ont déclaré prendre en charge les frais de scolarité des enfants du défunt jusqu’à leur majorité.
Aux dernières nouvelles, toutes ces sommes d’argent ont créé des zizanies au sein de la famille de Souvi, notamment ces deux épouses qui n’auraient rien reçu des montants alloués.
Cheikh Aidara