Les locaux de l’Association Mauritanienne d’Aide aux Malades Indigents (AMAMI) ont abrité jeudi 27 et vendredi 28 juillet 2023 un atelier de renforcement de capacité des organisations de la société civile sur l’analyse et le suivi budgétaire des politiques de nutrition. L’entrée en vigueur à partir de 2024 du budget programme entretient l’espoir selon les participants, car il pourrait, selon eux, remédier au flou entretenu sous l’ancien système classique de budgétisation qui empêchait toute traçabilité des allocations affectées à la nutrition.
Les participants, responsables d’associations actives dans le domaine nutritionnel, ont suivi au deuxième jour de l’atelier, un documentaire sur les actions menées par l’ONG AMAMI intitulé « Réponse à l’urgence nutritionnelle au Hodh Gharbi » qui a comporté des reportages sur un Centre de récupération nutritionnelle pour la malnutrition aigüe sévère (CRENAS) au niveau d’un centre de santé, le témoigne de bénéficiaires et d’agents de terrain. La prise en charge de la malnutrition et son dépistage auprès des enfants de 6 à 59 mois, la formation d’agents et de volontaires, le diagnostic communautaire, les groupes d’apprentissage pour femmes enceintes et allaitantes, ainsi que l’amélioration de l’accès à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement. Ce sont là les différents aspects sur lesquels ont porté les actions de l’ONG AMAMI, en plus de la distribution et la formation sur les micronutriments et la formation des femmes sur l’utilisation du chlore.
Moulaye Mehdi Moulaye Zeine, président de l’ONG AMAMI et de la plateforme SUN Nutrition de la société civile, a rappelé par ailleurs, les actions de sensibilisation et de plaidoyer menées auprès des parlementaires le 27 octobre 2022 sur la nutrition. « 11% des enfants mauritaniens souffrent de maigreur dans les zones rurales et périurbains » a-t-il souligné.
Le plaidoyer budgétaire
La première journée de l’atelier a été marquée par une communication présentée par un des experts sur le plaidoyer budgétaire.
L'expert a détaillé dans sa présentation les éléments de base du plaidoyer budgétaire, notamment la compréhension de son processus, avant d’aborder en profondeur la stratégie de plaidoyer budgétaire, disséquant sa conception, sa formulation, sa mise en œuvre et son suivi-évaluation..
Ainsi, le plaidoyer budgétaire est, selon lui, « une démarche d’influence structurée et conduite par une organisation ou un groupe de personnes sur les politiques budgétaires ». Il permet d’agir pour une priorisation de la nutrition et la sécurité alimentaire dans l’agenda politique national. Il a défini et expliquer la terminologie budgétaire, le budget, la loi de finances, la nomenclature budgétaire et ce que veut dire lignes budgétaires.
Parmi les éléments de base du plaidoyer budgétaire, l'expert a cité quelques préalables à assimiler, tels que l’environnement juridique, politique et financier, le système de financement de la nutrition, la maîtrise des documents politiques nationaux relatifs à ce secteur, le processus d’élaboration du budget et son cycle, la connaissance du calendrier budgétaire..
Il a également cité comme préalable la réalisation d’une analyse des forces et faiblesses, des opportunités et menaces devant être pris en compte dans le plaidoyer. Ainsi, il est important, selon lui, de bien connaître le cycle budgétaire qui se décline en 4 étapes : formulation par l’Exécutif du projet de budget sur la base d’une proposition du Ministère des Finances, l’adoption du projet de loi de finances en conseil des ministres puis sa discussion à l’Assemblée nationale. En cas d’adoption, le budget entre en vigueur généralement le 1er janvier de l’année suivante. La dernière étape est l’exécution du budget par les différents allocataires (ministères, services et institutions publics).
C’est à partir de la compréhension de ce processus et le suivi des amendements ainsi que des audiences publiques qu’intervient la conception de la stratégie de plaidoyer.
Une bonne stratégie de plaidoyer budgétaire doit comprendre, selon l'expert, une analyse de la situation sur la nutrition et la sécurité alimentaire suivi d’une analyse budgétaire. Deuxième étape, la formulation des objectifs de plaidoyer, l’identification des cibles et alliés, les activités à mener, les argumentaires et les prévisions budgétaires. Troisième étape, la mise en œuvre par la production de supports et l’exécution des activités prévues. Enfin, dernière étape, le suivi-évaluation des activités réalisées et des résultats obtenus..
Analyse budgétaire de la nutrition
Durant la deuxième journée, le vice-président de la plateforme GFF de la société civile mauritanienne, a présenté une communication sur l’analyse budgétaire de la nutrition, se félicitant de l’existence d’un plan d’investissement GFF (Global Financing Facility) adopté par la Mauritanie.
Il a procédé à la définition de certains concepts clés, tels que les concepts spécifiques à la nutrition qui s’attaquent aux causes et les concepts sensibles, ou causes sous-jacentes qui s’attaquent aux conséquences. Il a mis en exergue l’importance liée à la connaissance de l’environnement du marché alimentaire, les chaînes de valeur riches en nutriments, ainsi que les critères de l’USAID pour une bonne alimentation (biofortifié, légumineuses, source animale, racines et tubercules).
Ce processus devrait aboutir, selon lui, sur des résultats dont les effets doivent se mesurer à court ou à moyen termes, avec à la clé une stratégie devant définir des objectifs à atteindre.
Il a défini par la suite ce que doivent être les bonnes pratiques en matière nutritionnelle, les interventions ciblées qui sont un ensemble d’actions pour réaliser ce résultat, ainsi que les indicateurs de sortie qui comportent une évaluation des produits, biens et services obtenus d’une part, et d’autre part, les données pour les indicateurs. Il s’agit notamment des indicateurs de résultat dont les effets à court ou à moyen termes doivent déterminer le nombre d’interventions à entreprendre pour une activité.
Le paradoxe de l’abondance
Il a été constaté qu’il y a réellement des paradoxes en Mauritanie, notamment dans les régions les plus pluvieuse du pays qui enregistrent les plus forts taux de malnutrition. L’explication pourrait provenir d’un problème de comportement lié à de vieilles habitudes alimentaires, selon les explications de l’expert.
Le rôle du plaidoyer dans l’action de la société civile
Ce thème a été abordé par un cadre expert du Ministère de la Santé, complété par la suite par un autre expert..
Selon le premier, il est important dans le plaidoyer de définir au préalable les cibles, les moyens, les objectifs et la finalité, mettant en exergue le rôle de la société civile dans le plaidoyer ainsi que les efforts à entreprendre par cette dernière pour dissiper les défis liés à la mauvaise compréhension des responsables publics. Ces derniers croient dans une grande mesure, selon lui, que la société civile les dépouille de leurs prérogatives sans comprendre le rôle complémentaire et celui de partenaire que joue la société civile dans l’action gouvernementale.
Les types de plaidoyer
Il a par la suite défini les types de plaidoyer, le plaidoyer de sensibilisation et de mobilisation sociale et le plaidoyer lobbying. Il a enfin salué l’évolution du budget qui de classique va se décliner dès 2024 sous forme de budget programme, ce qui va donner, selon lui, plus de visibilité sur les allocations dédiées à la nutrition.
La présentation et l’analyse des données comportent selon lui plusieurs niveaux. Un premier niveau, allocations en lien avec la nutrition, un deuxième niveau sur les tendances temporelles et un troisième sur la dimension géographique, le tout devant définir le Profit Pays qui décrit l’ensemble des investissements publics alloués à la nutrition.
Un des intervenants s’est contenté pour sa part de livrer diverses définitions du plaidoyer, ainsi que les outils de communication à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif recherché, à savoir convaincre le partenaire à accompagner le projet présenté..
Par la suite, les participants ont suivi un bref aperçu sur le Global Financing Facility (GFF), qui a financé cette activité et que la Mauritanie a rejoint en novembre 2019. La Plateforme GFF de la société civile, qui a déjà consommé deux mandats, regroupe aujourd’hui 484 associations.
Cheikh Aïdara