Après 2021, le mouvement IRA a reçu pour la deuxième fois à Nouakchott, en fin octobre début novembre 2023, une délégation de l’ONG américaine « The Abolition Institute » en visite en Mauritanie. Dirigée par Sean Tunner et Bakary Tandia avec plus d’une dizaine de personnalités américaines qui les accompagnent (élus municipaux et régionaux, humanitaires, philanthropes, médecins, entre autres), l’arrivée de cette délégation et la conférence de presse organisée à leur intention interviennent dans un contexte particulier, marqué par la guerre à Gaza avec la bénédiction des Etats-Unis.
Le contexte de la guerre à Gaza a beaucoup pesé sur le déroulé de la conférence de presse que le député et président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA Mauritanie), Birame Dah Abeid a conjointement animé avec Sean Tunner et Bakary Tandia le mardi 31 octobre 2023 au siège de l’organisation.
Birame s’est étonné que le monde occidental qui représentait jusque-là la référence en matière de respect des droits universels de l’homme, de la liberté et de l’humanisme, se soit dépouillé de ses valeurs pour soutenir un régime fascisant et d’extrême droite israélien dirigé par Benyamin Netenyahou.
Qu’est devenu le monde libre ?
En claire, il déclare être adhérent du monde libéral mais qu’il est foncièrement opposé à toute violence d’où qu’elle vienne. « Nous ne pouvons accepter la violence lorsqu’elle provient d’un monde auquel nous avons souscrit, celui du monde démocratique et libéral qui est en vigueur aux Etats-Unis, au Canada et dans les pays de l’Ouest » a-t-il souligné. Et de poursuivre « ce que nous n’avons pas accepté du gouvernement mauritanien envers ses citoyens en termes d’exactions, nous ne pouvons l’accepter pour les autres gouvernements du monde ».
Convaincu que toutes les violations de l’hommes se valent et qu’il ne peut y avoir de sélectivité dans l’oppression, Birame a expliqué pourquoi il a refusé de participer à la marche organisée par les partis politiques, dont des partis de la majorité présidentielle, en soutien au peuple de Gaza. Selon lui, ces partis n’ont jamais organisé de marche en faveur des « Palestiniens de l’intérieur », tous ces damnés mauritaniens qui croupissent depuis des lustres dans l’injustice et dans la confiscation de leurs droits, citant les veuves et les orphelins qui courent depuis plus de 22 ans pour savoir pourquoi et par qui leurs maris, fils, frères et pères sont morts suite à la purge contre les militaires négro-mauritaniens en 1990-1991.
Selon Birame, « la Palestine est ici avant d’être ailleurs. Nous sommes Gaza, la terre de toutes les exactions et de tous les crimes, le Gaza de l’impunité, là où survivent des populations martyrisées, tués, génocidées et esclavagisées ». Et de se demander, « pourquoi ce qui est jugé légal ici, serait-il illégal ailleurs ? »
Les dangers de la dérive universelle
Seulement, il réitère sa croyance à un monde libre, celui qu’il a toujours connu, ce monde de justice et d’égalité attaché aux principes universels. « Mais j’ai vu les hommes politiques européens et américains agir comme si la vie des populations de Gaza ne compte pas, celle des enfants, des femmes, des civils non armés ». Birame dit qu’il s’insurge contre cette dérive intégriste à connotation judéo-chrétienne de l’Occident officiel, celui des administrations, des armées, des finances et des médias, et non l’Occident des peuples et des droits de l’homme, cet Occident officiel qui collabore avec un Premier ministre fasciste Benyamin Netanyahou qui ne parle que de violence. De rappeler que son mouvement a appris la non-violence de ses partenaires occidentaux qui soutenaient que la violence est ignoble et qu’elle doit être bannie. « Mais pourquoi alors ce déchainement de violence que ce même Occident parraine à Gaza contre des personnes non armées et qui ne représentent pas un danger ? » s’offusque-t-il
Sonnant l’alarme, Birame pense que l’humanité est en danger, car la législation internationale n’est plus la régulatrice des rapports entre nations. Il constate que l’armée israélienne n’est pas tenue par cette législation et qu’elle ne respecte pas le droit international, y compris celui relatif à la guerre. « Pourtant, l’Occident a toujours défendu les principes universels du droit international là où les règles ont été bafouées » a-t-il conclu.
Le développement couplé aux droits de l’homme
Sean Tunner a rappelé que sa relation avec Birame s’est renforcée lorsque ce dernier a remporté le Prix des Nations Unies en 2013. Selon lui, ce prix est l’un des plus prestigieux au monde et qu’il n’est décerné qu’une fois tous les cinq ans, citant les personnalités qui ont eu ce décernement, telles que le président Roosevelt, Martin Luther King ou encore Nelson Mandela. « Je pensais que Birame allait être accueilli en héros après ce prix et j’ai été étonné d’apprendre qu’il a été jeté en prison » a-t-il témoigné.
Selon Sean Turner, la visite actuelle de sa délégation comporte une autre dimension, celle d’un partenariat actif qui va porter sur des aspects développement. Déjà, cite-t-il en substance, le médecin qui les accompagne est sur le terrain en compagnie de collègues mauritaniens et que c’est là le prélude à un partenariat dans le domaine médical, mais aussi dans celui de la formation, du training, d’échanges culturels… Il a aussi évoqué des interventions ciblées en faveur des populations.
Un joli parterre
Avaient assisté à la rencontre plusieurs associations de victimes, les veuves, les orphelins, les associations qui s’activent dans le domaine des terres spoliées de la Vallée et les défenseurs des langues nationales (OLAN). Il y avait aussi des parlementaires, dont le député Loud du FRUD qui représente les Mauritaniens résidant en Amérique du Nord, mais aussi des hommes politiques, tels que les présidents des deux CVE, Dia Alassane et Bâ Mamadou Alassane, le président du parti SAWAB, Abdessalam Horma, le président du parti RAG, Oumar Yali, le président des Forces Progressistes pour le Changement (FPC) Samba Thiam, le représentant de Ganbanaxanou, le Secrétaire général de la CLTM, Samory Ould Bèye, entre autres personnalités.
Il faut rappeler que l’ONG « The Abolitionniste Institute » qui est basée à Chicago dans l’Illinois, tisse depuis 2011 des liens étroits avec le mouvement IRA et SOS Esclaves. L’ONG soutient ces deux organisations antiesclavagistes dans la lutte contre l’esclavage et ses séquelles en Mauritanie, comme elle a toujours apporté un appui considérable aux détenus.
Cheikh Aïdara