Edito de Cheikh Aidara : « Un nouveau pouvoir à Dakar, quelles répercussions sur les relations avec la Mauritanie »

lun, 01/04/2024 - 00:43

Le pouvoir vient de changer de main suite au scrutin présidentiel qui s’est tenu le 24 mars 2024 au Sénégal. Une équipe d’opposants tirée par un président par défaut prendra le 2 avril 2024, les rennes de la magistrature suprême dans ce pays frère et frontalier. Il s’agit de Diomaye Faye, la doublure du leader du parti PASTEF, Ousmane Sonko, dont la candidature a été recalée par la Cour Constitutionnelle. Les nouveaux dirigeants du Sénégal viennent avec des idées neuves, inspirées du panafricanisme dont le vent souffle sur la plupart des pays du Sahel. Une vision porteuse de rebelote de biens de constances dont se sont accommodés jusque-là leur prédécesseur, Macky Sall, le président sortant, avec ses pairs de la sous-région, dont les plus proches, c’est-à-dire la Mauritanie.

Cependant, l’arrivée de cette jeune équipe aux commandes du Sénégal suscite déjà de l’inquiétude côté Nouakchott pour des raisons liées à l’esprit révisionniste que le duo Sonoko-Diombaye et leurs partisans amènent dans leurs valises. Il s’agit notamment de la velléité des deux leaders à remuer deux sujets épineux qui risquent de chambouler la quiétude qui caractérisait jusque-là les relations mauritano-sénégalaises. Deux sujets sensibles qui, s’ils sont revisités dans leur fondement par les nouveaux patrons du Sénégal, va aboutir indubitablement à une crise diplomatique de grande ampleur.

En effet, Ousmane Sonko a toujours dénoncé le partage de l’exploitation gazier entre la Mauritanie et le Sénégal, estimant que son pays est lésé dans ce deal, vu que la plupart du champ gazier se trouve côté Sénégal selon ses allégations. Un retour à la case de départ pour une nouvelle redistribution des cartes que les autorités mauritaniennes n’accepteront jamais.

Le deuxième point d’achoppement qui risque de brouiller les bonnes relations entre les deux pays, les Vallées Fossiles, ce grand projet en gestation que l’ancien président Abdoulaye Wade avait voulu raviver et qui entraîné à l’époque le courroux de Nouakchott, du temps de l’ancien président Ould Taya. Depuis, personne n’a reparlé de ce projet visant à détourner de l’eau du fleuve Sénégal pour abreuver des espaces de culture au Sénégal.

Ousmane Sonko a repris le dossier en main et compte bien le mener selon ses ambitions. Mais ce sera sans compter avec les autorités de Nouakchott qui briseront ce r$ve dont il a promis le peuple sénégalais.

Et la Mauritanie dispose d’une arme qui risque de raviver de vieux souvenirs. En effet, comme l’avait brandi Ould Taya et qui fit tellement peur à Wade au point qu’il se précipita à Nouakchott pour éteindre le feu, le sera certainement par les nouvelles autorités de Nouakchott.

Il s’agit de l’expulsion des centaines de milliers de Sénégalais qui vivent et travaillent avec femmes et enfants en Mauritanie. Ces citoyens sénégalais qui ont choisi la Mauritanie comme pays d’accueil et qui y vivent depuis des décennies risquent de voir leur sort scellé par la fougue souverainiste des nouveaux arrivés au Palais présidentiel de Dakar.

Ce seront aussi certainement, des centaines de pêcheurs Guet NDariens qui travaillent paisiblement et font nourrir leurs familles des eaux poissonneuses de la Mauritanie qui risquent d’être déguerpis et les accords de pêche généreuse offerts par la Mauritanie rompus.

L’ouverture de ces deux dossiers peut probablement aller jusqu’à la crise humanitaire que les deux pays ont déjà vécu dans les années 80-90.

A moins que tout cela ne soit que des discours populistes destinés à ameuter le plus d’électeurs possibles et qu’au contact de la real politik, la fougue des nouveaux dirigeants du Sénégal va redescendre à son niveau raisonnable.

Cheikh Aïdara