A quelques encablures de la fin de la campagne électorale pour les municipales, régionales et législatives fixée au 11 mai 2023, les candidats en lice et leurs partis ou mouvements politiques mettent plein gaz. Face à l’incroyable férocité de la joute électoraliste en cours, où plus d’une dizaine de candidats se disputent parfois un seul siège dans une circonscription, tout est mis en œuvre pour capter autant de voix indécis possible.
La campagne pour les élections municipales, régionales et législatives prévues le 13 mai prochain, se poursuit sur l’ensemble du territoire national. Les sièges et les tentes de campagne sont pris d’assaut chaque soir par des centaines de militants qui, pour le règlement de quelques problèmes de logistiques, qui pour réclamer un budget de campagne, qui va de gros budgets, des milliers d’ouguiyas voir un ou deux millions d’ouguiyas, alloués aux directions régionales ou départementales de campagne, jusqu’au menu budget de campagne pour les tentes, cinq à dix milles ouguiyas.
INSAF et ses supposés « milliards » de subventions
Le parti-Etat, INSAF, qui bénéficie du plus gros budget de campagne électorale, avec un apport considérable de ses membres, les plus nantis de la République, puis qu’il concentre à lui seul le gotha de la politique et de la finance en Mauritanie, peine pourtant à satisfaire toutes les requêtes qui lui sont soumises. Pourtant, selon certaines informations, le budget de campagne du parti s’élèverait à plusieurs milliard d’ouguiyas. C’est l’unique formation politique qui a pu déposer des listes dans la totalité des circonscriptions du pays.
A Dar-Naîm, ses candidats butaient il y a quelques jours contre la menace faite par certains militants de les boycotter, puisque la subvention promise, quinze mille ouguiyas, ne leur a pas été versée, au cinquième jour de la campagne. Aux dernières nouvelles, quelques tentes situées notamment à Zaatar et Lemgheïty, de pauvres hameaux où vivotent le bas-peuple, auraient reçu enfin leurs subsides.
Il faut dire que la majorité compte plusieurs autres partis, dont la plupart ont été sommés dans quelques circonscriptions de retirer leur liste électorale au profit du parti INSAF. Seule l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UDP) de Naha Mint Mouknass avait refusé la consigner, créant une brouille entre elle et l’actuelle ministre de l’Intérieur.
Comme parti satellite de la majorité, Karama, Vadila, Ravah, Hiwar, entre autres.
Tawassoul et la verve religieuse
Premier parti de l’opposition en termes de poids parlementaire, lors de la législature passée, le parti islamiste Tawassoul qui a déposé plus de cent liste dans la quasi-totalité du pays, reste sobre dans sa campagne électorale.
Dans les tentes de ce parti, c’est le calme plat. Pas de musique. C’est la consigne donnée à tous ses dresseurs de tente.
Le parti Tawassoul qui a lancé sa campagne électorale vendredi 28 avril dernier à Kiffa, capitale de l’Assaba, compte consolider ses acquis et se repositionner comme deuxième force politique du pays et première force de l’opposition
Coalition de l’Alternance, la force d’attente
La Coalition de l’Alternance regroupe un certain nombre de mouvements et partis dont la reconnaissance juridique est encore refusée par le ministre de l’Intérieur. C’est le parti Sawab dirigé par Abdessalam Horma qui leur sert de paravent institutionnel. Elle regroupe comme force motrice, le parti en gestation Refondation pour une Action Globale (RAG) et son leader charismatique, Birame Dah Abeid, deux fois deuxième aux présidentielles de 2014 et de 2019, mais aussi d’autres mouvements comme le Mithaq Harratine, puissant mouvement dirigé par l’ancien officier de l’armée Ould Hendaya.
Le couple Sawab/RAG qui avait percé lors de la législature de 2018 avec trois députés et plusieurs conseillers municipaux compte cette fois aller plus loin, rafler plusieurs communes, davantage de députés avec des candidats symbole, comme l’ancienne esclave, Habi Mint Rabah, ou encore, la fille d’un martyr du massacre d’INAL en 1991. La coalition a déposé plus de cent trente listes et figure parmi les trois partis qui ont déposé le plus grand nombre de listes dans la quasi-totalité des circonscriptions électorales.
Ribat, bastion de l’ancien président Aziz
Le parti RIBAT présidé par Saad Louleid, ancien transfuge du mouvement IRA, compte cette fois sur l’apport des soutiens de l’ancien président déchu Mohamed Abdel Aziz pour faire son entrée au Parlement. Jusque-là non représentatif, car n’ayant jamais pu décrocher un siège à l’Assemblée Nationale ni obtenir le moindre conseiller municipal, le parti RIBAT cherche en effet à profiter de l’aura de l’ancien président et de ses cadres restés loyaux, mais surtout sur la vague de sympathie créée par ce que certains qualifient d’acharnement judiciaire contre l’ancien homme fort du pays, pour se positionner sur l’échiquier politique national.
Mohamed Ould Abdel Aziz, empêtré dans un procès qui dure depuis janvier 2023, ne pouvant pas prendre part aux élections, ce qui aurait donné un goût supplémentaire à la joute électorale, le parti RIBAT met en avant sa sœur, sur la liste nationale des femmes.
Coalition CVE-CVE/VR-AJD et Coalition de l’Espoir le bloc des négros-mauritaniens
Face à l’échec de la coalition qui devait les lier au bloc Sawab/RAG, le bloc des négros-mauritaniens a préféré faire cavalier seul. La Coalition « Vivre Ensemble » (CVE) dans ses deux versions, plus le parti Alliance pour la Justice et la Démocratie-Mouvement pour la Rénovation (AJD/MR), ont pris comme cheval de bataille Samba Thiam, président des Forces Progressistes pour le Changement (FPC), parti dont le récépissé est bloqué au ministère de l’Intérieur.
En tête de liste pour les législatives de mai 2023, Samba Thiam compte sur la population de la Vallée pour briguer un mandat qui aura tout son poids dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale. Le passif non encore soldé des exactions communautaires de 1989-1991, sera son cheval de bataille ainsi que la question de l’unité nationale et de la cohabitation.
Autre regroupement de poids, la Coalition de l’Espoir et ses snippers, à l’image de l’ancienne député Kadiata Malick Diallo, l’avocat El Id Mohameden MBareck, mais aussi le jeune Khally Diallo connu surtout pour son association caritative « La Marmite du Partage » ainsi que son engagement militant pour les droits de l’homme. Ce sera sous la houlette du parti Front République pour l’Unité et la Démocratie (FRUD) de Diop Amadou Tijane.
Chute de popularité de l’opposition classique
Dans cette joute électorale en feu, les partis classiques qui avaient dominé la scène politique les années passées, ne sont plus qu’ombres chinoises. Il s’agit des partis Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) d’Ahmed Ould Daddah, l’Union des Forces du Progrès (UFP) de Mohamed Ould Maouloud et l’Alliance Populaire Progressistes (APP) de Messaoud Ould Boulkheïr.
Si déjà leur déclin avait commencé avec le règne de Mohamed Abdel Aziz, leur rapprochement trop suspect avec l’actuel président Mohamed Cheikh Ghazouani a signé leur fin politiques, selon plusieurs observateurs. En effet, ces derniers ont constaté le silence complice de ces partis face aux dérives de l’actuel pouvoir, notamment la hausse des prix de consommation, la gouvernance politique du pouvoir, les meurtres jamais condamnés des citoyens mauritaniens aux frontières nord et sud. Silence total face aux malheurs des populations. Résultat, ces partis qui dominaient la scène politique n’ont pas pu déposer plus d’une trentaine de liste dans quelques maigres circonscriptions.
Leurs discours contre les dérives de l’Etat et de ses suppôts qu’ils commencent à rengainer au cours de cette campagne électorale ne font plus écho, selon les mêmes observateurs politiques.
Cheikh Aïdara