La Coalition de l’Alternance qui regroupe un certain nombre de mouvements comme IRA/RAG, sous la bannière du parti SAWAB, a animé mardi 23 mai 2023 une conférence de presse au cours de laquelle un document intitulé « Elections générales du 13 mai 2023, autopsie d’une banqueroute et déclin de l’Etat » a été présenté à la presse. Après cette conférence, Birame Dah Abeid, a été arrêté par la police politique le matin du mercredi 24 mai 2023.
Le député Birame Dah Abeid, député réélu suite au vote du 13 mai 2023, a été arrêté tôt le matin du mercredi 23 mai 2023. C’était suite à la conférence de presse organisée mardi 23 mai 2023 par le pôle de l’Alternance autour des dysfonctionnements constatés lors du sextuple scrutin du 13 mai 2023 pour le choix des députés, conseils municipaux et conseils régionaux. Il serait reproché à Birame, dont les partisans sont en sit-in devant les locaux de la Sûreté Nationale, ses propos selon lesquels les Mauritaniens sont en droit de porter les armes pour défendre la démocratie, si les résultats de la « mascarade électorale devaient être maintenus ».
La synthèse du document intitulé « Elections générales du 13 mai 2023, autopsie d’une banqueroute et déclin de l’Etat » a été faite par l’ancien ministre, directeur nationale de campagne de la coalition et non moins président du parti Refondation pour une Action Globale (RAG) en instance de reconnaissance, Oumar Ould Yali.
Désespoir d’une alternance pacifique au pouvoir
Dans une sortie musclée et dont les propos ont été relayés à grande échelle par les médias et les réseaux sociaux, et qui auraient valu son arrestation, le député Birame Dah Abeid, réélu pour un second mandat, a fustigé un désespoir de fait installé par le pouvoir de Ghazouani et qui ne donne aucune issue à la paix civile. « Si les résultats d’une telle mascarade électorale devait être entérinée, les citoyens mauritaniens ont le droit légitime de prendre les armes pour défendre leurs acquis démocratiques », a-t-il martelé.
Selon lui, le président Ghazouani disait, lors de ses audiences avec certains présidents de partis de l’opposition que « la sécurité est une ligne rouge » et Birame de lui répondre « c’est toi qui en a fait une ligne verte », lui faisant porter la responsabilité de toute instabilité sociale qui pourrait menacer le pays.
Birame et la coalition peuvent se féliciter d’avoir fait entrer au Parlement des députés non issus des aristocraties de l’argent et de sang. Il s’agit de la fille d’un martyr et d’une ancienne esclave. Selon lui, la fraude massive qui a entaché les élections ont empêché l’entrée au parlement d’autres fils de martyrs tués lors de la purge au sein des militaires négro-mauritaniens dans les années 90-91. Plusieurs candidats issus des Haratines auraient également été victimes des fraudes dans plusieurs circonscriptions
Un document critique sur les élections
Le document de de 8 pages produit par la Coalition de l’Alternance reprend les différents griefs faits à l’organe chargé du processus, en l’occurrence la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Selon ce document, « l’organe en charge de conduire les opérations de vote au titre d’un mandat à peine entamé, s’avère être un fauteur de troubles et une menace majeure sur la cohésion du pays ».
Sur la composition de la CENI
A été mis en exergue, la composition de la CENI, notamment de son comité directeur et du choix de son président, Dah Abdel Jelil, accusé d’être « le chef d’orchestre du bourrage des urnes » et rappelant son rôle dans le Passif humanitaire et dans l’organisation d’élections truquées alors qu’il était gouverneur du Guidimagha, puis Ministre de l’Intérieur sous l’ancien président Ould Taya dans les années 90. Mis également à l’index, le constitutionnaliste Mohamed Lemine Dahi ainsi que le choix des présidents et membres de la CENI qui se serait fait sur « des bases de néo-patrimonialisme éhonté ».
La préparation des scrutins
Ensuite, la préparation du scrutin qui aurait été faussé par un nombre important d’anomalies citées dans le document, comme les inscriptions complaisantes sur la liste électorale, le gonflement et la dénaturation des circonscriptions électorales avec gros renforts de transferts d’électeurs, le refus de délivrer les pièces d’état-civil, un recensement à vocation électoral déficient, entre autres.
Les conditions du vote
Abordant l’environnement et les conditions du vote, le document parle de « faillite sans précédent qui en dit long sur l’effondrement moral du pays ». Sont cités, la création de bureaux de vote au dernier moment, la partialité de la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA) et de l’Autorité de régulation de la publicité (ARP) qui auraient servi d’instrument « d’exclusion au désavantage de l’opposition ».
Distorsion des moyens
Le document cite également la distorsion des moyens matériels, la fraude à partir de l’état-civil et l’utilisation déloyale par le parti au pouvoir INSAF des données détenues par les institutions de l’Etat, comme l’Agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés, mais aussi de l’Agence nationale TAAZOU de solidarité. Ces bases de données auraient été utilisées pour faire voter des électeurs par des tiers à leur insu, ou servir de moyens de pressions sur des ménages dépendant des subsides de l’Etat.
Beaucoup de défaillances sont aussi répertoriés dans le document le jour du vote, comme l’ouverture et la fermeture des bureaux de vote hors des horaires fixés par la loi, la pression exercée sur les travailleurs, le déplacement d’électeurs vers des bureaux hors de leur zone de résidence, l’insuffisance des bulletins de vote dans certains bureaux, la complexité de l’opération qui explique le fort taux de bulletins nuls, la nature des isoloirs (simple bout de tissus, sans table ni chaise).
La liste électorale serait aussi, selon le document, objet de tripatouillage, sans compter les cartes d’électeurs absents dans plusieurs bureaux de vote, mais retrouvés en masse dans des maisons privées, des coffres de voitures. L’expulsion des représentants de partis, même au moment des dépouillements a été aussi mentionnée, soulignant que certains dépouillements ont été faits souvent en l’absence des représentants et hors des bureaux de vote.
Le refus de délivrer des copies des procès-verbaux de dépouillement dans de rares bureaux constituent aussi selon le document des preuves de non transparence des élections, sans compter le bricolage et l’anarchie aux abords des bureaux de vote, avec l’achat massif des consciences.
La fraude et la manipulation des voix se seraient poursuivies, selon le document, jusqu’à la centralisation des résultats au niveau de la CENI, avec le cas signalé de l’informaticien accusé de ces faits.
Cheikh Aïdara