Le leader antiesclavagiste et député réélu lors des consultations du 13 mai 2023, Birame Dah Abeid, a été libéré tard dans la nuit du jeudi 25 mai, après deux jours de détention.
Homme politique le plus persécuté ces dernières années, le leader antiesclavagiste et deuxième personnalité politique de la Mauritanie après les présidentielles de 2014 et de 2019, Birame Dah Abeid, vient de gouter aux geôles de Ghazouani, avant d’être libéré.
Arrêté le 24 mai, au lendemain d’une conférence de presse au cours de laquelle il avait déclaré les élections locales et législatives du 13 mai 2023 de nulles et non avenus, à l’instar des partis de l’opposition et de la majorité, il a été libéré après deux jours d’arrêt à la Direction de la Sûreté, puis au Commissariat anti-terroriste.
Il avait déclaré lors de la conférence de presse animée le 23 mai que « si les résultats des élections devaient être maintenues, les Mauritaniens libres ont le droit de porter les armes ». Ces propos d’abord déformés par certaines officines, lui auraient valu son interpellation le lendemain.
Conduit à la Direction de la Sûreté Nationale où il passera deux jours, ses partisans venus protester contre son arrestation seront sévèrement réprimés. Plusieurs blessés dont certains graves ont été recensés dans leurs rangs, sans compter une vingtaine d’arrestations. Son épouse et d’autres militantes dont une député nouvellement élue, ont été larguées hors de Nouakchott.
La même soirée, information lui sera donnée qu’il est désormais en état d’arrestation, alors qu’au début, il s’agissait d’une simple convocation. Son épouse et son avocat se virent refuser le droit de visite. S’en suivit, son transfert vers le commissariat anti-terroriste, ce qui signifiait, selon certains observateurs, son éventuel inculpation pour terrorisme, donc une détention spéciale et un régime spécial qui devaient le priver de ses principaux droits. L’affaire se dirigeait vers un scénario catastrophe.
Ses avocats constitués, dont le bâtonnier Cheikh Ould Hinidi, évoqueront dans un communiqué largement diffusé, l’illégalité de sa détention, et la violation de son immunité parlementaire.
L’après-midi, au cours du meeting populaire organisé à Nouakchott, les partis de l’opposition exigèrent sa libération sans condition. Dans la foule, des centaines de photos géantes à son effigie étaient brandies par les militants, au milieu de cris stridents « nous sommes tous Birame ».
Accueilli chez lui tard dans la nuit par des dizaines de partisans qui l’avaient accompagné après sa libération, Birame Dah Abeid a déclaré que ses propos étaient un cri d’alerte face à l’obstruction totale de tout espoir d’une alternance pacifique par les urnes. Il donnera l’exemple du coup d’état manqué de 2003 contre Ould Taya après les élections truquées où il n’avait laissé à Ould Daddah et à Messaoud Ould Boulkheir que 3% chacun, soulignant que c’est ce coup d’état avorté qui conduira à la fin de son règne deux années plus tard, en 2005.
Et de réitérer que si Ould Ghazouani persiste dans cette volonté de poursuivre son règne par des hold-up électoraux, d’autres Mauritaniens libres et dignes (parmi les forces armées et de sécurité) peuvent également prendre les armes pour le renverser.
Après le pouvoir de Mohamed Abdel Aziz où il avait gouté ses geôles à plusieurs reprises, Birame Dah Abeid vient de gouter à ceux de son successeur Ould Ghazouani. Est-ce le premier d’une longue série ?
Une conférence de presse est prévue vendredi 26 mai 2023 au siège de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), du président Messaoud Boulkheïr.
Cheikh Aïdara