A 33 ans, Aminetou El Hacen Dia, est l’une des plus jeunes députés à l’Assemblée Nationale. Cette native de Monguel, région du Gorgol, a été élue sous les couleurs de la coalition Sawab/RAG, lors des élections locales de mai 2023. Titulaire d’une licence en Chimie, Aminetou a été cooptée par le bureau de l’Assemblée Nationale comme rapporteuse générale du budget. Parcours d’une combattante.
« Je sens le poids des responsabilités qui pèse sur mes épaules du fait de la confiance que le peuple mauritanien a placé en moi, en me hissant à l’Assemblée Nationale. Je sens ainsi ce poids et ce gage de confiance énorme qui m’oblige aujourd’hui à honorer ma mission première qui est de servir mes concitoyens avec honnêteté et engagement ».
C’est en ces termes qu’Aminetou El Hacen Bougal Dia, fille d’un inspecteur du Travail et orpheline de mère, a extériorisé son ressenti alors qu’elle siège à l’Assemblée Nationale, écharpe frappée aux couleurs nationales sur l’épaule.
Le sens des responsabilités
La responsabilité que les Mauritaniens ont conféré à Aminetou El Hacen Dia, s’est doublée d’une confiance unanimement exprimée par les membres du Bureau de l’Assemblée Nationale qui lui ont confié la mission lourde de rapporteuse générale du budget. Pourtant, elle appartient à une opposition largement minoritaire au sein de la structure parlementaire.
« Je suis rapporteuse générale du budget de l’Assemblée Nationale par acclamation des députés. Il s’agit d’une tâche difficile, mais je compte être à la hauteur de la confiance placée en moi » a-t-elle commenté.
Titulaire d’une licence en Chimie, Aminetou s’est d’ores et déjà lancé dans une formation accélérée dispensée par des experts tout en passant en revue le travail des rapporteurs qui l’ont précédée.
Un cursus entier à Nouakchott
Aminetou El Hacen Dia est née en 1990 à Monguel, de parents conservateurs et très stricts sur l’éducation. Son père, El Hacen Dia, est un ancien Inspecteur du Travail, et sa défunte mère, Khadijetou Amadou, femme au foyer. Elle a veillé, sa vie durant, à lui inculquer les bonnes valeurs.
Aminetou El Hacen Dia a fait tout son cursus scolaire dans le public à Nouakchott. Ecole primaire Mohamed Tolba d’Arafat de 1997 à 2002, collège d’Arafat de 2003 à 2007, Lycée des Garçons de 2008 à 2011. Baccalauréat en poche, elle s’inscrit en 2012 à l’Université de Nouakchott, Faculté des Sciences, option Chimie. Après sa licence en 2015, elle devait renoncer à un Master au Maroc, faute de moyens.
Une icône des droits humains
A 33 ans, Aminetou El Hacen Dia, garde toujours cette posture humble d’une jeune fille Peulh élevée dans les valeurs sacrées de la tradition. Mais son apparente timidité et son air jovial cachent mal une redoutable combattante des causes justes. Sa silhouette, pas trop enveloppée, et qui lui donne l’air d’une nymphe à peine sortie de la puberté, est aussi trompeur. Derrière, se cache une dame de fer, avenante en société et intransigeante dans le combat pour les droits humains, selon ses camarades de lutte.
C’est en 2013, qu’Aminetou rejoint l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA). « J’ai toujours été attirée par ce mouvement et sa lutte pour les opprimés et les victimes d’injustices sociales » explique-t-elle.
C’est surtout, bien avant son adhésion, le soutien que les militants d’IRA ont apporté à sa famille quand un puissant homme d’affaires a voulu leur arracher leur lopin de terre à Arafat.
« Un homme très influent voulait nous arracher par la force de ses relations au sein de l’appareil d’Etat notre terrain. Il faut dire que celui-ci est bien placé, à l’angle de deux rues et ouvrant sur un espace. Ce genre de terrain est en général très convoité par les riches » explique-t-elle.
Un problème de terrain renforce ses convictions
La famille Bougal Dia allait perdre leur terrain parce que ne disposant pas de la même force d’influence que leur vis-à-vis. Mais elle n’a rien voulu lâcher, menant des combats désespérés devant les commissariats de police et les instances judiciaires.
C’est alors, ayant entendu parler de IRA, que la famille Dia sollicita l’aide du président du mouvement, Birame Dah Abeid. L’appui des abolitionnistes sera décisif, selon Aminatou.
« Les militants d’IRA nous ont soutenus dans notre combat jusqu’à l’obtention de notre droit » raconte-t-elle, citant au passage Abidine Maatalla, Mohamed Breik et « tous ces braves militants qui nous ont accompagnés nuit et jour dans notre combat » ajoute-t-elle.
Cette intervention a fortement marqué la jeune Aminetou qui l’explique comme l’une des raisons supplémentaires à son adhésion à IRA où elle engagée depuis 2014. Aujourd’hui, Aminatou Dia est citée parmi les militants les plus chevronnés du mouvement. Elle n’a raté aucun de ses combats, portant en bandoulière les stigmates des violences policières et des séjours dans les postes de police.
« J’ai participé à toutes les manifestations de IRA. J’ai essuyé les jets de grenade et mon corps a connu les matraques de la police. J’ai séjourné dans les hôpitaux et les postes inconfortables des commissariats à chaque action de terrain que nous avons menés pour dénoncer des cas d’esclavage ou d’injustice » énumère-t-elle.
Membre du protocole du mouvement IRA, elle a accompagné son président, Birame Dah Abeid, dans toutes ses tournées à l’intérieur du pays, notamment en 2014, à la veille de sa première candidature à la présidentielle.
Une imperturbable fidélité
Comme les députés élus au Parlement sous les couleurs de Sawab/RAG, Aminatou n’avait aucune chance d’accéder à l’Assemblée Nationale, n’eut été le choix porté sur elle par Birame Dah Abeid et le bureau exécutif du mouvement IRA. « Je n’avais aucune possibilité personnellement d’accéder au Parlement sans l’aide du mouvement, car je n’avais aucun moyen pour financer ma campagne. Celle-ci a été entièrement prise en charge par la coalition et mon élection comme député, je le dois à Birame » témoigne-t-elle.
Sa cooptation est surtout le fruit de son long combat au sein de IRA, mais surtout sa fidélité inébranlable, malgré les nombreuses défections qui ont jalonné le parcours du mouvement.
« Je ne me suis jamais laissée emporter par ces vagues de défection qu’a connues IRA, pas surtout après l’accord passé entre Birame et Ould Ghazouani » souligne-t-elle.
Elle reconnaît n’avoir jamais été convaincue par la volonté du pouvoir de Ghazouani d’apporter des changements significatifs à la marche du pays. « J’ai cru en mon président, car en tant que leader, sa vision est plus large que la mienne. C’est pourquoi d’ailleurs il est leader. Il peut voir ce qu’une simple militante comme moi ne peut percevoir » se défend-elle.
Une Mauritanie réconciliée avec elle-même
Laisser une empreinte indélébile et marquer l’histoire en servant le peuple mauritanien dans toute sa diversité. C’est l’ambition affichée par Aminatou Dia et ses compagnons de lutte, soutient-elle en substance.
« Les pauvres, les laissés pour compte, les faibles et les démunis sont la cible de notre combat. Je veux particulièrement parler des jeunes filles et des jeunes garçons, objets de multiples injustices, sucés jusqu’à l’os puis abandonnés, par les nombreuses entreprises qui les font travailler sans contrat, sans protection sociale, si elles ne les licencient parfois sans droit et sans voie de recours » énumère-t-elle.
Au secours de la jeunesse mauritanienne
Le drame vécu par la jeunesse mauritanienne expliquerait, selon Aminetou, cette déferlante vers le « mur » séparant le Mexique et l’eldorado américain, dans une ruée considérée ces dernières années comme la plus grosse vague d’immigration du pays.
« Aujourd’hui, ce sont des milliers de jeunes mauritaniennes qui tentent l’aventure vers les Etats-Unis, malgré les dangers qui les guettent sur les routes sud-américaines » détaille-t-elle. Selon elle, même les jeunes qui sont restés au pays sont persécutés et leurs entreprises mises en faillite par un Etat qui semble vouloir les pousser à l’exil.
Il s’agit selon elle, de tous ces jeunes qui ont investi dans de petites affaires, vente de fruits, de cartes de crédit, entreprise de Tuk Tuk. En interdisant aux Maliens, qui représentent plus des trois quarts des chauffeurs de Tuk Tuk, d’exercer, beaucoup de jeunes investisseurs mauritaniens sont sur le carreau, poursuit Aminatou en substance.
Son rêve, conclut-elle, c’est de bâtir une Mauritanie égalitaire, où tous les citoyens auront les mêmes opportunités et bénéficieront des mêmes égards.
Cheikh Aïdara