La Mauritanie a célébré le 11 juillet 2023, la Journée mondiale de la population (JMP) sous le thème : « libérer le pouvoir de l’égalité entre les hommes et les femmes : faire entendre la voix des femmes et des filles pour libérer les possibilités infinies de notre monde ». Echanges de discours officiels, remise solennelle du Rapport 2023 sur l’état de la population mondiale et un panel ont ponctué la journée marquée par une forte présence de femmes leaders de la société civile.
La Mauritanie a célébré la journée mondiale de la population (JMP) le 11 juillet 2023, en présence du Secrétaire général du Ministère de l’Economie et du Développement Durable, ainsi que le représentant résident du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et leur staff. La forte présence des femmes leaders de la société civile donnait un cachet particulier au thème choisi cette année, « libérer le pouvoir de l’égalité entre les hommes et les femmes : faire entendre la voix des femmes et des filles pour libérer les possibilités infinies de notre monde ».
La femme, une cible prioritaire du gouvernement
Ouvrant les travaux de la rencontre, le Secrétaire général du Ministère de l’Economie et du Développement Durable, Monsieur Yacoub Ould Ahmed Aïcha devait souligner la pertinence du thème de la JMP 2023, précisant qu’il s’inscrit dans les priorités de la politique de l’Etat. Il a mis en exergue le rôle central que la femme mauritanienne joue sur le plan social, économique, culturel et politique du pays. Selon lui, « la place donnée aux femmes et aux jeunes filles mauritaniennes dans l’exercice de leurs droits fondamentaux répond à un cadre structurel façonné par la particularité d’un pays nourri aux sources de ses traditions et d’une religion pionnière dans la promotion des droits des femmes ».
Investir dans l’égalité des sexes
Le Représentant résident de l’UNFPA, Monsieur Cheikh Fall, devait citer un passage du Rapport 2023 sur l’état de la population mondiale qui affirme que « lorsque les sociétés donnent aux femmes et aux filles les moyens d’exercer leur autonomie sur leur vie, elles s’épanouissent, de même que leurs familles ». Il a salué dans ce cadre le programme « Taahoudaty » (Mes Engagements) du président Mohamed Cheikh Ghazouani qui « promeut l’autonomisation des femmes pour une participation active au développement ».
Il a rappelé que l’UNFPA publie chaque année depuis 1978 un rapport sur l’état de la population mondiale, pour mettre en lumière les nouveaux enjeux relatifs à la santé et aux droits en matière de procréation. Ces rapports visent, selon lui, à mieux faire connaître ces enjeux aux populations afin d’en examiner les difficultés et les possibilités qui leur sont associés dans la perspective du développement mondial.
Le panel
Après les échanges de discours et la remise, par Monsieur Cheikh Fall, d’une copie du rapport mondial sur la population 2023 ainsi qu’un tableau, à Monsieur Yacoub Ould Ahmed Aïcha, un panel a été mis en place. Il est composé du consultant, Isselmou Ould Mohamed, statisticien et ancien ministre, Atika Dieng, responsable éducation citoyenne à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Vatimetou Mint Moulaye, Coordinatrice du Programme national de santé de la reproduction (PNSR), Vatimetou Mint Horma, Conseillère chargée du secteur privé au Ministère de l’Economie et Lebneik Mint Soula, Directrice femmes, promotion et genre, au Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille (MASEF).
Genre et engagements à Nairobi
Il fut question de l’objectif 5 du développement durable (ODD 5) relatif à l’égalité des sexes et des 11 engagements de la Mauritanie lors de la Conférence internationale population et développement (CIPD) tenue en 2019 à Nairobi. Un thème largement disséqué par l’expert-consultant, Isselmou Ould Mohamed.
Au vu des résultats actuels, la Mauritanie pourrait ne pas atteindre les ODD ni honorer ses engagements d’ici 2030, selon l’expert, qui n’exclue pas un rebondissement spectaculaire si des mesures énergiques sont engagées pour renverser les tendances actuelles, à moins de sept ans de la date butoir.
Participation politique des femmes
Les chiffres restent alarmants, avec un faible accès des femmes aux sphères de décision, d’où la persistance de l’iniquité et de l’inégalité des sexes, selon les intervenants. Selon les résultats des élections de mai 2023, 31,5% des conseillers régionaux sont des femmes, qui représentent aussi 35% des conseillers municipaux, avec seulement 2 maires sur 238 et une présidente de conseil régional sur 15.
Pourtant, en termes de participation électorale, selon les chiffres avancés par Atika Dieng, les femmes représentent 54% des votants. Mais sur le plan des candidatures, les femmes représentent 15% (3 femmes sur 20) sur la liste nationale, 27% (3 sur 11) sur la liste des jeunes, 12% (15/125) sur la liste législative départementale et 41 députés sur 176.
Mortalité élevée des femmes
La mortalité maternelle est une vraie tragédie en Mauritanie, selon Vatimetou Mint Moulaye, qui souligne que cet indice est révélateur du niveau de performance du système de santé d’un pays et détermine son degré de développement. Un pays à fort taux de mortalité maternelle est considéré comme un pays sous développé. Avec la tendance actuelle, la Mauritanie ne pourrait pas honorer ses engagements d’ici 2030, ce qui a poussé à une revalorisation de la cible, portée de 70 à 144, le taux de mortalité maternelle actuelle étant de 424/100.000 naissances vivantes (NV) selon l’Enquête Démographique et de Santé (EDS) 2019-2020.
Malgré les efforts consentis, forfait obstétrical avec prise en charge de 55% des frais par l’Etat, 35% des femmes continuent d’accoucher sans assistance d’un personnel qualifié et 48% ne suivent pas toutes leurs consultations post et prénatales. Les besoins non satisfaits en planification familiale sont de 31%.
Entreprenariat féminin
Les femmes jouissent des mêmes opportunités d’accès aux affaires que les hommes, selon Vatimetou Mint Horma, qui estime que les Mauritaniennes sont encore en prise à des chaînons invisibles qui les confinent dans un rôle social donné. Elles ont droit, selon elle, à ouvrir un compte bancaire, à obtenir des crédits, à créer leur propre entreprise, mais selon les données, elles ne sont que 16% à participer à l’effort économique national. S’agissant des crédits bancaires, Vatimetou Mint Horma, estime que les femmes sont invisibles, évoquant des barrières psychologiques qui plombent encore leur potentiel.
L’absence d’une culture juridique chez les femmes
Beaucoup de femmes et de filles ignorent leurs droits, notamment le Code du statut personnel, selon Lebneik Mint Soulé, qui considère que cette frange a besoin d’une véritable culture juridique, telle que le droit au travail, le droit à l’exercice d’une activité économique, etc.
Elle a mis en exergue les activités menées par son département dans l’appui aux entreprises féminines, dans les échanges et l’innovation chez les jeunes filles et les femmes, la formation professionnelle, l’incitation à l’épargne et à l’investissement notamment dans l’immobilier.
Quelques données dans le monde et en Mauritanie
Monsieur Bâ Alassane, Démographe, chef de service des Etudes démographiques à l’Agence nationale des statistiques et d’analyses démographiques et économiques (ANSADE) a livré des données sur l’état de la population, précisant que le monde compte 8 milliards d’habitants depuis le 15 novembre 2022, contre 3 milliards en 1960 et 10 milliards en 2050.
L’Inde et la Chine (1,4 milliards d’habitants chacun) sont les plus peuplés au monde, suivis des Etats-Unis. En Afrique, le Nigéria (216 millions d’habitants) est le pays le plus peuplé suivi de la RD Congo.
S’agissant de la Mauritanie, la population est passée de 1.097.700 habitants en 1965 (estimation) à 4.475.683 aujourd’hui (EDS), les femmes représentant 51,3% de la population, avec un taux de croissance de 2,77 entre 2000 et 2013. Indice synthétique de fécondité (ISF), 5,2 enfants par femme en 2019 (EDS) contre 6,2 en 1981, le Guidimagha et les Hodhs affichant les plus grands indices.
Très forte baisse de la mortalité infanto-juvénile, 41/1.000 en 2019 contre 185/1.000 en 1981. Mortalité maternelle, encore l’une des plus élevées dans le monde et en Afrique, 454/100.000 NV contre 745 en 1993-1994. Espérance de vie, de 32 ans en 1965 (estimation) à 62,8 ans en 2015 pour les hommes, de 36 ans en 1965 (estimation) à 64 ans en 2015 pour les femmes.
Les débats très animés ont enregistré quelques pertinentes interventions, comme celle de Zeynabou Mint Taleb Moussa, présidente de l’Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l’enfant (AMSME) ou encore celle de Khadijetou Lô, Chargée de programme Genre à l’UNFPA.
A noter que le Secrétaire général du Ministère des Affaires Sociales et la Présidente de l’Association mauritanienne pour la promotion de la famille (AMPF) ont assisté à l’ouverture officielle de la JMP 2023.
Cheikh Aïdara