La Cour Spéciale chargée des crimes d’esclavage de Nouakchott-Sud a rendu son verdict, mercredi 13 décembre 2023, dans l’affaire de l’esclave de la famille Chehlawi, Marième Cheibany et ses enfants. La cour a prononcé des condamnations moindres que celles prévues par la Loi 031-2015 contre Cheikhna Chehlawi et sa fille Salma, pour crimes d’esclavages.
En deux jours de procès, l’affaire du dossier de la famille Chehlawi, accusée de pratiques esclavagistes contre Marième Mint Cheibany et ses enfants a connu son épilogue le mercredi 13 décembre 2O23, date du prononcé du verdict. Cheikhna Chehlawi et sa fille Salma ont été condamnés à des peines très en dessous de celles prévues par la Loi 031-2015 incriminant l’esclavage et criminalisant les pratiques esclavagistes.
Verdict complaisant
En effet, Cheikhna Chehlawi a été condamné à 5 ans de prison dont deux ans fermes et 3 ans avec sursis ainsi que 100.000 MRU (1 million ancienne ouguiya) d’amende, tandis que sa fille, Salma, a écopé de 5 ans fermes.
La Loi dans son chapitre II stipule en l’article 7 : « Quiconque réduit autrui en esclavage ou incite à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d'une personne à sa charge ou sous sa tutelle, pour être réduite en esclave, est puni d'une peine de réclusion de dix (10) à vingt (20) ans et d'une amende de deux cent cinquante mille (250.000) ouguiyas à cinq millions (5.000.000) d'ouguiyas ».
La question posée est de savoir pourquoi la Cour décide de prononcer une peine minimum non prévue par la loi.
Une affaire qui date de 2 ans
L’affaire qui a éclaté en 2021 dans la localité de Aïn Varba au Hodh Gharbi a d’abord été portée devant le Parquet d’Aïoun. Le Procureur avait à l’époque reconnu Cheikhna Chehlawi et sa fille Salma, coupables de crimes d’esclavage. Ecroué sur une décision de la Chambre d’accusation, Cheikhna Chehlawi bénéficiera quelques jours plus tard de la liberté provisoire.
Les observateurs trouvent ainsi que le verdict prononcé le 13 décembre 2023 par le tribunal spécial de Nouakchott-Sud est trop complaisant, vue que la victime a vécu toute sa vie, plus d’une trentaine d’années, dans la servitudes, exploitée physiquement et sexuellement par son maître Cheikhna Chehlawi. Sa fille, Salka, aurait également subi des maltraitances à caractère esclavagiste avec sa maîtresse Salma.
Un procès sous haute vigilance
Il faut noter que ce procès s’est déroulé en présence des militants du mouvement antiesclavagiste IRA, dont les militants n’ont pas quitté les alentours du tribunal durant les deux jours d’audience. C’est le mouvement IRA qui a été d’ailleurs le moteur déclencheur de cette affaire lorsqu’en 2021, ces militants ont dévoilé ce cas d’esclavage. ils ont accompagné depuis, la victime à Nouakchott, déplorant l’absence de toute prise en charge de Marième Mint Cheibany et ses enfants par les structures de l’Etat chargées de la question, en l’occurrence la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), le Commissariat aux droits de l’homme, encore moins l’Agence Nationale de Solidarité TAAZOUR, dont une partie du colossal budget est pourtant sensée prendre en charge les personnes indigentes, surtout les victimes libérées de l’esclavage.
Affaire Ghaya Maiga
Le jeudi 14 décembre 2023, le même tribunal spécial de Nouakchott-Sud va juger également une autre affaire qui avait défrayé la chronique en 2019. Il s’agit de l’affaire de Ghaya Maïga, un procès qui sera suivi de très près par les militants de IRA Mauritanie, notamment le président de la section Droits de l’homme du mouvement, l’infatigable Abdallahi Abou Diop.
Le jugement de cette affaire qui implique une fille mineure au moment des faits avait déjà posé, au-delà de la qualification des faits qui avait opposé le mouvement IRA, le Procureur de la République et le juge d’instruction, le problème de l’applicabilité de la loi 031-2015 sur l’esclavage en Mauritanie.
Cheikh Aïdara